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Full text of "L'Association royaliste de l'Institut philanthropique à Bordeaux et la conspiration anglaise en France, pendant la 2e coalition"

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Caudrillier,  ^ustef 

L'Association  royaliste  de 
l'Institut  philanthropique  a 
Bordeaux  et  la  conspiration 
anglaise  en  Frence 


L'ASSOCIATION  ROYALISTE 


1)K 


L'INSTITUT  PHILANTHROPIQUE 

A  BORDEAUX 

ET  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE  EN  FRANCE 

PENDANT    LA    2'    COALITION 


THESE 

PRÉSENTÉE    A    LA    FACULTÉ    DES    LETTRES    DE    PARIS 


G.  CAUDRILLIER 

Professeur  af(ré^é  d  histoire  au  lycée  de  Bordeaux 


PARIS 
SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'IMPRIMERIE  ET  DE  LIBRAIRIE 

ANCIENNE    LIHRAIHIE    LECÈNE,    OUDIN    ET   c'° 
16,   RUE  DE    CLUNY,    15 


L'ASSOCIATION  ROYALISTE 


DE 


L'INSTITUT  PHILANTHROPIQUE 

A  BORDEAUX 


L'ASSOCIATION  ROYALISTE 


DE 


L'INSTITUT  PIIILANTimOPIQUE 

A  BORDEAUX 

ET  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE  EN  FRANCE 

PENDANT    LA    2"    COALITION 


THESE 

PRÉSENTÉE   A   LA   FACULTÉ   DES   LETTRES    DE   PARIS 


PAR 


G.  CAUDRILLIER 

Professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée  de  Bordeaux 


PARIS 

SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  D'IMPRIMERIE  ET  DE  LIBRAIRIE 

ANCIENNE   LIBRAIRIE    LECÈNE,    OUDIN   ET  g'* 
15,   RUE  DE    CLUNY,    16 


1908 


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A  LA  MÉMOIRE  DE  MA  MÈRE 


PREFACE 


Sur  l'ordre  de  Bonaparte,  les  conseillers  d'État  Emmery,  Chaptal  et  Cham- 
pagny  ont  publié,  en  l'an  IX,  un  recueil  de  pièces  saisies  par  la  police,  sous 
le  titre  de  Conspiration  anglaise. 

Ces  pièces,  pour  les  neuf  dixièmes,  sont  relatives  au  complot  de  Hyde  de 
Neuville.  Hyde,  avec  le  marquis  de  Crénolles  et  le  chevalier  de  Coigny,  se  pro- 
posaient de  frapper  le  Premier  Consul  à  Paris,  tandis  que  l'Ouest  s'insur- 
gerait et  livrerait  Brest  à  «  Monsieur  ». 

Mais  les  dernières  pièces  sont  relatives  au  complot  de  l'Institut  Philanthro- 
pique de  Bordeaux,  complot  découvert  après  celui  de  Hyde. 

Elles  nous  sont  présentées  sans  éclaircissements  préalables. 

Qu'est-ce  que  l'Institut?  Le  lecteur  l'ignore.  Encore  moins  voit- il  les  rap- 
ports qui  unissent  les  deux  parties  de  la  publication,  rapport  entre  la  conspi- 
ration de  l'Institut  bordelais  et  celle  de  Hyde,  rapport  entre  ces  complots  et 
l'intrigue  anglaise. 

Cette  publication,  enfin,  limite  trop  le  champ  de  l'intrigue  anglaise,  car 
l'intrigue  embrasse  toutes  les  provinces  côtières  ou  frontières  de  la  France  ; 
on  la  retrouve  menaçante  et  cachée  derrière  les  menées  royalistes  de  l'Est  et 
du  Midi  comme  de  l'Ouest. 

Nous  nous  proposons  ici  de  fournir  les  éclaircissements  qui  manquent  à  la 
brochure  consulaire  :  1»  expliquer  ce  qu'il  faut  entendre  par  Institut  et 
faire  connaître  dans  son  origine  et  son  organisation  l'Institut  bordelais  '  ; 
2o  publier  les  lettres  et  rapports  de  la  police  sur  le  complot  philanthro- 
pique de  Bordeaux  '-. 

Nous  voulons  aussi  marquer  les  rapports  :  1°  entre  ce  complot  et  les  complots 
royalistes  du  même  temps,  ceux  de  Willot,  de  Pichegru,  de  Cadoudal, 
comme  celui  de  Hyde,  en  1799-1800  •'  ;  2°  entre  ces  complots  mêmes  et  l'in- 
trigue anglaise,  bien  plus  redoutable  et  bien  plus  étendue  que  ne  le  soupçon- 
nait la  police  consulaire  '*. 

Car  le  gouvernement  anglais  ne  se  contentait  pas  de  nous  combattre  par 
les  armes.  Il  payait  des  conspirations  et  des  soulèvements  royalistes.  En 
l'an  VII  comme  en  l'an  VIII,  <(  le  projet  était  d'enlacer  les  parties  centrales 
de   la   France,   les  plus  calmes  et  les  moins  détachées   de   la  République, 

1.  Voir  l'introduction. 

2.  Voir  la  2'"  partie. 

3.  Voir  en  tète  de  chaque   chapitre  de  la  première  partie  les  avant  •propos. 

4.  Voir  les  textes  de  la  prciiiii^ri'  partie. 


VIII  PRÉFACE 

dans  un  réseau,  dans  un  immense  filet  d  insurrections  qui  aurait  l'un  de  ses 
points  d'attache  dans  l'Ouest,  à  proximité  des  flottes  anglaises,  l'autre  en 
Franche-Comté  ou  à  Lyon,  non  loin  des  armées  coalisées,  et  qui,  s'incurvant 
au  centre,  s'appuierait  sur  la  Provence,  le  Languedoc  et  la  Guyenne  ». 
(Vandal,  V Avènement  de  Bonaparte,  t.  I,  p.  164.) 

Mais  l'intrigue  bordelaise,  découverte  en  l'an  VIII,  se  continue  après  cette 
date.  L'Institut  Philanthropique  est  frappé  dans  son  chef  :  il  survit  dans  ses 
membres,  et  le  complot  de  lan  XII  a  sa  réplique  à  Bordeaux  :  le  complot 
des  plombs  *. 

Ce  complot,  on  le  découvre;  cependant  Bordeaux  reste  royaliste  ;  l'Institut 
subsiste  et,  le  12  mars  1814,  la  garde  roj^ale  de  Taffard  Saint-Germain  ouvre 
les  portes  de  la  ville  au  maréchal  anglais  Beresford  et  au  duc  d'Angoulême  -. 

C'est  le  triomphe  de  l'Institut,  le  résultat  qu'il  importe  de  souligner  comme 
conclusion  de  cette  étude. 

Quels  sont  nos  documents  ?  Il  en  est  de  publiés  déjà,  mais  tellement  incon- 
nus qu'il  nous  paraît  utile  non  seulement  de  les  analyser,  mais  d'en  citer 
même  de  longs  extraits.  Je  veux  parler  des  brochures  de  Dupont-Constant, 
Mémoire  historique,  Exposé  succinct  et  véridique,  Essai  sur  l'Institut  Philan- 
thropique, suivi  de  pièces  justificatives  importantes  **. 

Je  crois  que  les  historiens  récents  du  Directoire  ou  du  Consulat  n'en  ont 
tiré  aucun  parti.  J'en  excepte  M.  Boulay  de  la  Meurthe  ^,  qui  s'en  est  servi 
pour  commenter  la  Correspondance  du  duc  d'Enghien. 

Certainement  Chassin  ne  les  connaît  pas  :  il  prétend  que  l'agence  anglaise  ne 
fut  découverte  à  Bordeaux  qu'en  1804.  M.  Aulard  renvoie  à  Chassin.  M.  Daudet 
ne  s'en  inspire  évidemment  pas  dans  la  simple  note  qu'il  consacre  à  l'Institut. 
M.  Vandal  a  trouvé  trace  des  complots  de  Bordeaux  dans  nos  archives,  mais 
il  laisse  entendre  que  l'association  des  «  Amis  confédérés  »  ne  s'est  formée 
à  Bordeaux  qu'après  la  loi   des  otages  :  il    n'a  pas    lu    Dupont-Constant  ^. 

1.  Voir  ci-dessous  dossier  de  Papin.  Cf.  E.  Daudet,  la  Police  et  les  Chouans, 
chapitre  de  l'agence  anglaise  de  Bordeaux,  p.  141  et  suiv. 

2.  Voir  Rollac,  Exposé  fidèle  des  faits  authentiquement  prouvés  qui  ont  précédé  et 
amené  la  journée  de  Bordeaux,  au  12  mars  ISllf,  in-8°,  Paris,  imprimerie  Egron, 
1816.  Cf.  notre  conclusion. 

3.  Mémoire  historique  des  événements  relatifs  à  l'Institut  Philanthropique  établi 
dans  toutes  les  provinces  du  Midi,  par  ordre  et  en  vertu  des  pouvoirs  du  roi  en  1796, 
brochure  in-8<'  de  55  pages,  Paris,  1814  ;  Exposé  succinct  et  véridique  des  services 
rendus  à  la  cause  royale  depuis  1793  Jusquen  1816,  par  le  sieur  Dupont-Constant, 
in-8%  pièce  [Paris],  imprimerie  de  L.-G.  Michaud  |1817]  ;  Essai  sur  l'Institut  Phi- 
lanthropique, établi  en  1796  dans  les  provinces  méridionales  de  la  France,  par 
ordre  et  en  vertu  des  pouvoirs  de  S.  M.  Louis  XVIII,  volume  in-8°  de  240  p., 
Paris,  imprimerie  A.  Boucher,  1823. 

4.  Tome  II  de  la  Correspondance,  p.  21  et  suîv.  jusqu'à  29. 

5.  Chassin.  les  Pacifications  de  l'Ouest,  t  III,  p.  29,  note;  Aulard,  Histoire 
politique  de  la  Révolution,  p.  636  ;  Daudet,  les  Emigrés  et  la  2^  coalition,  p.  247, 
note  reproduite  dans  VHistoire  de  l'Emigration,  t.  III,  p.  177  ;  Vandal,  l  Avènement 
de  Bonaparte,  t.  I,  p.  207.  —  Sur  le  complot  de  l'Institut  en  1800,  à  Bordeaux,  voir 
Jullian,  Histoire  de  Bordeaux,  bibliographie  du  chapitre  consacré  au  Consulat  et 
à  l'Empire  ;  Lebon,  l Angleterre  et  l'Emigration,  p.  282  ;  Daudet,  les  Emigrés  et  la 
2e  coalition,  p.  257  ;  Cf.  l'Histoire  de  l'Emigration,  t  III,  p.  183  (2  lignes)  ;  Van- 
dal, l'Avènement  de  Bonaparte,  II,  p.  171,  395,  413  (une  ligne)  ;  une  phrase  de  For- 
neron,  Histoire  des  Emigrés,  t.  III,  p.  180. 


PRÉFACE  IX 

Parmi  les  historiens  du  Sud-Ouest,  M.  Jullian  cite  VEssai.  Mais  O'Reilly 
ne  lapas  consulté  ^  Il  connaît  l'Institut  par  l'Exposé  fidèle  de  Rollac  et  par 
les  Mémoires  de  la  marquise  de  la  Rochejaquelein  '^. 

Les  documents  manuscrits,  nous  les  empruntons  aux  Archives  anglaises, 
aux  Archives  nationales,  aux  Archives  administratives  de  la  guerre,  aux 
Archives  bordelaises. 

Les  Archives  anglaises  nous  renseignent  sur  les  conspirations  royalistes, 
payées  par  l'Angleterre,  à  l'époque  de  la  2°  coalition,  avant  Marengo  : 
conspirations  de  l'Est  et  du  Midi  préparées  à  Augsbourg  par  Wickham  et 
l'agence  de  Souabe  ;  conspirations  de  Paris  et  de  l'Ouest  imaginées  par 
Hyde  et  par  Cadoudal,  approuvées  par  le  comte  d'Artois  et  son  représentant 
à  Londres,  Dutheil. 

Les  pièces  que  nous  publions  font  partie  des  fonds  Suisse  et  France  au 
Record  Office  (Archives  du  Foreign  Office).  Elles  sont  classées  en  volumes  et 
par  dates.  Nous  les  complétons  à  l'aide  de  la  Correspondance  de  Wickham 
publiée  en  deux  volumes  par  le  petit-fils  de  l'ancien  ambassadeur  en  Suisse  ^. 

Nous  évitons  d'ailleurs  de  faire  double  emploi  avec  des  publications  anté- 
rieures à  la  nôtre  :  avec  celle  de  Lebon,  l'Angleterre  et  l'Emigration  *,  qui 
résume  la  correspondance  de  Wickham  avec  Grenville  ;  avec  celle  du  comte  de 
Martel,  les  Historiens  fantaisistes  ■",  qui,  dans  ses  études  sur  les  pacifications 
de  1  Ouest  et  la  machine  infernale,  analyse  nombre  de  pièces  du  Record 
Office. 

Aux  Archives  nationales,  la  précieuse  série  F  nous  offre  cinq  cartons  de 
documents  de  police  sur  la  conspiration  de  Bordeaux  ou  les  affaires  du 
Midi  c. 

Nous  trouvons  aux  Archives  administratives  de  la  guerre  le  dossier  de  Papin. 

Nous  n'avons  tiré  qu'un  faible  parti  des  archives  de  la  Gironde.  De  vaines 
recherches  au  greffe  du  tribunal  nous  ont  prouvé  que  la  justice  n'a  point  été 
saisie  par  la  police  du  complot  bordelais. 

La  correspondance  du  commissaire  Pierre  et  du  préfet  Thibaudeau  avec  le 
ministère  de  Fouché  manque  presque  absolument  aux  Archives  départemen- 
tales. La  série  M,  très  pauvre,  est  à  peine  classée.  La  série  L,  très  riche,  ne 
renferme  aucun  document  postérieur  à  l'an  VIII.  J'ai  consulté,   sans  profit 

1.  O'Reilly,  Histoire  de  Bordeaux,  t.  VI,  p.  380  et  suiv. 

2  Ces  mémoires  ont  été  revus  par  M.  de  Barante,  mais  rédigés  en  grande  partie 
par  la  marquise  elle-même  à  la  fin  de  l'Empire  et  publiés  au  début  de  la  Restau- 
ration. On  en  a  donne  plusieurs  éditions  (je  elle  la  9«)  ;  mais  les  premières  ne 
contiennent  sur  l'Institut  et  l'entrée  des  Anglais,  le  12  mars,  à  Bordeaux  qu'une 
partie  des  renseignements  de  la  6''.  (Paris,  Dentu,  1847.)  II  est  donc  préférable 
de  se  servir  des  dernières,  surtout  de  celle  de  1888,  publiée  par  son  petit-iils  sur  le 
manuscrit  original.  Voir  la  Vie  de  M"'°  la  marquise  de  la  Rochejaquelein  par 
A.  Nettement,  in-8°  de  376  p.,  Paris,  1872  ;  M""-  d'Arvor,  la  Marquise  de  la 
liochejaquelein,  in-8°  de  48  p.,  1893  ;  Baquenier-Desormoux,  Bibliographie  des 
mémoires  de  la  marquise  delà  Hoche jaqueletn,  Intermédiaire,  1899,  5<'  série,  t.  XXXIX, 
p.  507. 

3.  Deux  volumes  in-S®,  Londres,  1870. 

4.  Lebon,  V Angleterre  et  l'Emigration  (1794-1801),  in-S»,  Paris,  1882. 

5.  C  de  Martel,  les  Historiens  fantaisistes  :  M.  Thiers,  3  vol.  in-Ti,  l'aris,  1885. 
J'oi  publié  dans  la  Bévue  historique  de  novembre  1900  les  lettres  do  (Cadoudal 
conservées  aux  Archives  du  Record  Oflicc,  Foreign  Oflice,  France,  année  1800. 

0.  Cartons  G25G  (dossier  5121),  625â-6260,  6419  (dossier  8375). 


X  PRKFACE 

souvent,  les  registres  de  l'Administration  centrale  du  département,  comme 
les  registres  très  incomplets  d'arrêtés  des  préfets,  les  listes  de  notabilités,  les 
listes  de  membres  de  la  Légion  d'honneur  après  1814,  les  pétitions  à  la 
duchesse  d'Angoulême  qui  protégea  ouvertement,  à  Bordeaux,  les  anciens 
membres  de  l'Institut. 

Les  précieuses  Tablettes  de  Bernadeau,  encore  inédites  à  la  Biblio- 
thèque municipale,  m  ont  fourni  nombre  d'indications.  Je  les  ai  contrôlées 
aux  Archives  municipales,  où  l'incendie  heureusement  n'a  pas  détruit  les 
arrêtés  du  Bureau  central. 

Enfin  quelques  archives  privées  m'ont  été  ouvertes*. 

Dans  quel  ordre  publier  ces  documents  ?  Il  nous  a  semblé  nécessaire  de 
grouper  ensemble  les  pièces  de  même  origine,  et  aussi  de  suivre  l'ordre  des 
dates. 

C'est  pourquoi  nous  avons  rejeté  dans  une  introduction  préliminaire  les 
renseignements  généraux  de  provenance  et  de  dates  diverses  sur  l'Institut 
Philanthropique  de  Bordeaux,  son  origine  et  son  organisation. 

Dès  lors  il  nous  est  loisible  de  partager  en  deux  masses  les  documents  an- 
glais et  les  documents  français,  les  premiers  relatifs  à  la  conspiration  an- 
glaise, les  autres  à  la  découverte  du  complot  bordelais  ou  à  ses  suites  ;  les 
premiers  antérieurs  généralement  à  cette   découverte,  les  autres  postérieurs. 

Tout  en  nous  attachant  à  l'histoire  de  l'Institut  bordelais,  des  conspira- 
tions royalistes  et  de  l'Intrigue  anglaise,  en  l'an  VII  et  en  lan  VIII,  il  nous 
a  paru  nécessaire  de  remonter  aux  origines  de  cet  Institut  comme  à  l'ori- 
gine de   ses    rapports  avec  l'Angleterre. 

Les  Instituts  se  fondent  avec  l'approbation  de  Grenville,  se  développent  en 
l'an  V,  grâce  à  Dandré,  avec  l'argent  de  Wickham.  Il  faut  le  savoir  pour 
comprendre  pourquoi  Dandré  et  Wickham  utilisent  les  Instituts  contre  le 
Directoire  et  le  Consulat,  en  l'an  VII  et  l'an  VIII,  pendant  la  2^  coalition, 
comme  ils  l'ont  fait  en  l'an  V,  pendant  la  première. 

1.  J'adresse  mes  remerciements  les  plus  vifs  à  M.  de  Boissac,  qui  a  bien  voulu 
me  communiquer  des  documents  de  famille,  à  M.  Harlé,  auquel  je  dois  les  ren- 
seignements relatifs  à  Roger,  à  M.  Céleste,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Bordeaux, 
qui  m'a  mis  sur  la  trace  d'intéressantes  recherches. 


INTRODUCTION 


I.  —  l'institut  philanthropique  a  bordeaux. 

Après  l'échec  de  la  grande  insurrection  de  l'Ouest,  en  1796,  le  parti  royaliste 
organisa  en  France  une  conspiration  permanente  et  secrète  contre  la  Répu- 
blique. L'agence  royale  de  Brottier  fonda  des  sociétés  sur  le  modèle  maçon- 
nique S  sociétés  auxquelles  les  historiens  «  n'ont  peut-être  pas  prêté  assez 
d'attention  ))  et  qui,  sous  apparence  de  défendre  le  pays  contre  les  anar- 
chistes, ont  eu  pour  but  réel  de  détruire  la  République.  —  Ce  fut  un  mem- 
bre de  l'agence,  le  chevalier  Despomelles,  qui  traça  le  plan  de  ces  sociétés. 
Le  plan  nous  est  connu  surtout  par  le  Règlement  de  la  coterie  des  Fils  légi- 
times et  le  prospectus    de    Vlnstitiit    Philanthropique  -. 

Les  sociétés  de  chaque  département  avaient  à  leur  tête  un  président  qui 
correspondait  avec  le  centre  de  correspondance  (alors  Paris).  Dans  chaque 
canton,  un  affidé  tenait  le  président  au  courant  des  mouvements  de  l'opinion, 
du  vote  des  assemblées  primaires,  et  recrutait  de  nouveaux  membres 
à  l'Institut.  Chaque  membre  prêtait  le  serment  de  se  conformer  aux  règle- 
ments de  l'Institut,  de  ne  révéler  à  personne  les  signaux  de  reconnaissance, 
d'obéir  aux  instructions  reçues  de  l'afïidé  dans  les  assemblées  primaires  ou 
du  président  dans  les  assemblées  électorales.  Ces  sociétés  avaient  pour  mis- 
sion au  moins  apparente  de  rapprocher  «  les  honnêtes  gens  »,  de  les  obliger 
à  se  rendre  aux  assemblées  primaires  et  ensuite  à  accepter  les  emplois  aux- 
quels le  gouvernement  les  appelait,  d'empêcher  l'élection  des  «  anarchistes  )) 
(jacobins),  de  «  seconder  le  gouvernement  »,  d'être  son  œil,  sa  sentinelle, 
son  «  corps  de  réserve  »  en  cas  de  lutte  avec  eux. 

Dans  ces  sociétés  cependant  une  minorité  d'hommes  agissants,  connus  pour 
leur  dévouement  à  la  royauté,  formait  une  coterie  étroite,  celle  des  «  Fils 
légitimes  »,  à  côté  de  la  grande  masse  passive,  celle  des  «Amis  de  l'ordre  », 
ignorante  du  but   secret   que    poursuivaient  les  fondateurs. 

1.  Voir  ci-dessous  le  mémoire  des  membres  de  l'agence  royale,  communiqué 
par  le  duc  d'Harcourt  au  ministère  anglais  {n<*  1).  Voir  Chassin,  Les  Pacifications^  t.  III, 
p.  25:  <  Ce  jacobinisme  contre-révolutionnaire,  auquel  les  historiens  n'ont  peut-ôtre 
pas  prêté  assez  d'attention.  » 

2.  Cf.  Auiard,  Histoire,  politique  de  la  Révolutiont  p.  636  et  678,  d'après  Chassin, 
les  Pacifications,  t.  III,  p.  24,  25.  «  Vous  avez  le  règlement  de  ces  deux  Instituts,  » 
écrit  Duverne  aux  Directeurs  le  11  ventûse  an  V.  Le  Directoire  prit  le  parti  de  pu- 
blier ceit  règlements  à  la  suite  d'une  délibération  mentionnée  dans  les  Mémoires  de 
liarras,II,  p.  347. 


XII  INTRODUCTION 

Tout  laisse  croire  que  ces  Fils  légitimes  devaient  servir  de  chefs  à  l'armée 
d'insurrection,  le  jour  où  l'ordre  du  roi  l'appellerait  aux  armes.  C'étaient 
les  ((  fidèles  ))  entre  les  fidèles,  connus  des  «  commandants  de  circonscriptions 
militaires  ))  dont  le  règlement    du  5  avril  1797  définissait  les  attributions  *  : 

«  Art.  20.  —  L'existence  et  l'organisation  du  Conseil  royal  sera  notifiée 
officiellement  aux  commandants  des  diff'érentes  circonscriptions... 

«  Art.  21.  —  Le  Conseil  royal  établira  dans  chaque  circonscription  mili- 
taire un  conseil  particulier  dont  il  déterminera  l'organisation  ;  ces  conseils 
particuliers  rempliront  chacun  dans  leur  ressort  respectif  et  sous  les  ordres 
du  Conseil  royal  les  mêmes  fonctions  qui  lui  sont  attribuées  dans  tout  le 
royaume.  Ils  seront  présidés  par  le  commandant  delà  circonscription  et 
composés  de  six  membres,  outre  le  président,  lesquels  seront  pris  en  nombre 
égal,  autant  que  les  circonstances  pourront  le  permettre,  dans  les  trois  ordres 
de  l'Etat.  Le  Conseil  royal  les  instituera  sur  la  présentation  du  commandant, 
à  qui  leurs  pouvoirs  seront  adressés  pour  leur  être  remis,  et  il  donnera  au 
conseil  particulier,  avec  la  mesure  que  sa  prudence  lui  suggérera,  la  connais- 
sance des  principes  que  nous  avons  exposés  dans  les  instructions  annexées  au 
présent  règlement,  afin  qu'ils  se  dirigent  en  conséquence.  » 

Ces  circonscriptions  militaires  devaient  être  soumises  au  Conseil  royal  ; 
mais  ce  Conseil  devait  rendre  compte  des  changements  qu'il  effectuait  dans 
leur  commandement  ou  leur  étendue  au  comte  d'Artois  pour  les  provinces  de 
Normandie,  de  Bretagne,  de  Vendée,  au  prince  de  Condé  pour  celles  d'Alsace, 
de  Franche-Comté  et  de  Lyonnais,  etc.,  directement  au  roi  pour  les  autres. 

Il  nous  paraît  douteux  qu'à  si  peu  de  distance  de  la  fondation  de  l'Institut, 
et  dans  un  moment  où  la  royauté  ne  pouvait  trouver  un  grand  nombre  d'a- 
gents sûrs  et  fidèles,  ce  partage  de  la  France  en  circonscriptions  militaires 
fût  sans  rapport  avec  le  partage  du  royaume  en  Instituts.  Ces  commandants 
militaires,  correspondants  du  Conseil  siégeant  à  Paris,  présidents  d'un  conseil 
local  de  six  personnes,  sont  l'origine  des  visiteurs  établis  par  le  prétendant 
comme  commandants  à  la  fois  civils  et  militaires  de  plusieurs  départements 
et  même  de  plusieurs  provinces. 

Cette  organisation  secrète  facilita  les  succès  du  parti  royaliste  aux  élections 
de  l'an  V.  Elle  aurait  assuré  son  triomphe  aux  élections  de  l'an  VL  Sous 
l'influence  de  Dandré,  l'ancien  constituant,  que  des  admirateurs  naïfs  consi- 
déraient, en  1791,  comme  l'héritier  de  Mirabeau,  Dandré  caché  à  Paris,  par 
Wickham,pour  combattre  par  des  manœuvres  secrètes  le  Directoire,  les  Insti- 
tuts Philanthropiques  s'étaient  multipliés  en  France,  et  surtout  dans  le  Midi. 

Le  coup  d'Etat  de  Fructidor  leur  porta  un   coup  sensible  sans  les  détruire. 

Ils  perdirent  de  leur  influence  ou  disparurent  dans  la  région  parisienne, 
après  la  fuite  de  Dandré  en  Suisse,  celle  de  La  Barberie  et  de  La  Trémoille  à 
Londres,  celle  de  Despomelles  on  ne  sait  où. 

En  revanche,  l'Institut  Philanthropique  restait  organisé  fortement  dans  le 

1.  Ce  règlement,  rédigé  à  Blankembourg  et  porté  au  prince  de  Condé  par 
M.  de  Mésière  (Wells  dans  la  correspondance),  secrétaire  et  ami  du  chevalier 
Despomelles,  organisait  à  Paris  un  conseil  royal  de  12  membres,  dont  M.  de  la 
Trémoille  était  le  chef.  Un  chapitre  du  règlement  est  consacré  aux  circonscriptions 
militaires.  Cf.  Caudrillier,  la  Trahison  de  Pichegru,  p.  325  et  332,  note  ;  Boulay  de 
la  Meurthe,  Correspondance  du  duc  d'Enghien^  t.  II,  p.  21.  Le  règlement  est  con- 
servé dans  les  archives  de  Chantilly,  série  Y,  t.  I,  f»  129. 


INTRODUCTION  XIII 

Midi,  sous  la  direction  de  l'abbé  Fenis  de  Lacombe,  député  suppléant  du 
clergé  de  Tulle  aux  Etats  généraux  de  1789  *.  «  C'était  à  lui  que  la  corres- 
pondance était  adressée.  Il  la  faisait  parvenir  aux  présidents  de  chaque  so- 
ciété qui  lui  étaient  connus.  Les  lettres  lui  arrivaient  avec  l'indication  simple 
du  département  pour  lequel  elles  étaient  destinées.  Il  y  mettait  les  noms,  les 
adresses,  et  les  expédiait.  »  L'abbé  Lacombe  eut  bientôt  comme  auxiliaire  le 
comte  de  Floirac,  qui,  passant  en  1798  d'Hambourg  en  Angleterre,  pour, 
de  là,  se  rendre  en  France  incognito,  avait  été  jeté  par  la  tempête  sur  la 
côte  de  Normandie,  arrêté,  emprisonné,  mais  sauvé  de  la  mort  par  l'Institut 
Philanthropique  qui  lefit  enlever  ^. 

La  police  consulaire  a  connu  l'organisation  de  l'Institut  dans  le  Midi,  après 
l'an  XII.  A  cette  date,  la  police  secrète  rédigeait  une  note  pour  le  conseiller 
d'Etat  chargé  du  3^  arrondissement,  Pelet  de  la  Lozère  :  «  Il  a  existé  en 
l'an  V  dans  le  Midi  une  association  royaliste  connue  sous  la  dénomination 
d'Institut  Philanthropique.  L'organisation  avait  été  faite  par  Dandré  et 
Wickham.  Les  présidents  que  l'association  avait  dans  chaque  département 
tenaient  leurs  pouvoirs  du  roi.  Chaque  institut  avait  dans  les  différents 
cantons  de  son  arrondissement  des  agents  et  des  correspondants  chargés  de 
dresser  l'état  des  personnes  qui  pourraient  dans  l'occasion  être  employées  ou 
armées  pour  le  rétablissement  des  Bourbons.  Ils  désignaient  les  chefs  qui 
devaient  commander.  Ils  étaient  encore  chargés  particulièrement  de  diriger 
les  élections,  et  dans  cette  partie,  on  se  rappelle  quel  fut  dans  un  temps 
leurs  succès.  Cette  association  poursuivit  ses  maœuvres  avec  beaucoup  d'ac- 
tivité jusqu'à  l'époque  de  la  victoire  de  Marengo  qui  parut  les  déconcerter.  » 

Une  note  jointe  énumère  les  départements  soumis  à  l'influence  de  l'Institut  : 
ce  sont  en  général  ceux  des  régions  du  Massif  central,  des  Pyrénées,  des 
Alpes  et  de  la  Garonne  :  «  Rhône,  Ain,  Isère,  Mont-Blanc,  Drôme,  Hautes- 
Alpes,  Basses-Alpes, Var,  Bouches-du-Rhône,Vaucluse,  Landes,  Gers,  Basses 
et  Hautes-Pyrénées,  Pyrénées-Orientales,  Ariège,  Tarn,  Loire,  Puy-de- 
Dôme,  Creuse,  Haute-Vienne,  Charente,  Charente-Inférieure,  Gironde,  Dor- 
dogne,  Corréze,  Cantal,  Haute-Loire,  Ardèche,  Lozère,  Gard,  Aveyron,  Lot, 
Lot-et-Garonne,  Haute-Garonne  ^.y> 


1.  Voir  sur  Louis  Fenis  de  Lacombe,  Dupont,  Essai,  p.  40  et  41,  et  note  pour  le 
conseiller  d'Hltat  Pelet  de  la  Lozère,  dans  Boulay  de  la  Meurihe,  Correspondance  du 
ducd'Enghien,  t.  II,  p.  26.  La  police  consulaire  ne  parvint  pas  à  l'arrêter.  On  sait 
seulement  qu'il  s'était  montré  à  Tulle  au  commencement  de  l'an  XI.  Il  mourut  à 
Paris  en  juillet  1822,  plus  que  septuagénaire.  Voir,  p.  185  de  l'essai,  le  certificat 
qu'il  donne  à  Dupont  en  1816.  Cf.  d'Hauterive,  La  police  secrète  du  premier  Empire 
p.  61  et  F,  6606,  dos.  56. 

2.  Le  comte  de  F'ioirac  eut  une  destinée  plus  agitée  :  la  police  impériale  le  fit 
arrêter  en  1804,  comme  complice  de  Pichegru.  Il  resta  en  prison  plusieurs  mois. 
Sous  la  Restauration,  il  devint  préfet  de  l'Hérault.  Disgracié  sans  doute  t\  cause  de 
son  zèle  ultra-royaliste,  il  fut  élu  député  par  ses  administrés  en  1817.  Cf.  Dupont, 
Essai,  p   38  à  40  et  182.  Cf.  d'Hauterive,  p.  16  (n"»  55)  et  p.  37  (n»  121). 

3.  Houlay  de  la  Meurthe,  Correspondance ^  t.  II,  p.  25  et  suiv.  —  La  police  con» 
naissait  les  Instituts  du  Midi,  non  seulement  par  la  découverte  de  la  conspiration 
de  Bordeaux,  mais  par  les  déclarations  de  Duclos  de  la  Morliôre  (Edouard),  de 
l'abbé  Rougier,  de  Caire.  Voir  résumé  de  la  déclaration  de  l'abbé  Rougier  dans 
d'Hauterive,  p.  37  (n<>  121),  ctifeid.p.  112  (n»  351)le8  ropports  de  Caire  avec  Puivcrti 
ogcnt  de  Willot  daus  le  Midi. 


XIV  INTRODUCTION 

Mais  on  peut  dire  que  nulle  part  llnstitut  Philanthropique  ne  fut  organise 
plus  fortement  qu'à  Bordeaux.  D'après  ses  Mémoires,  Fouchése  félicitait,  en 
1805,  que  ((  l'Association  de  Bordeaux,  une  des  plus  compactes,  fût  dissoute  ^  », 
C'est  à  Bordeaux  qu'était  «  le  foyer  des  grandes  intrigues  »,  écrit  son  bio- 
graphe M.  Madelin  :  à  Bordeaux,  l'opposition  royaliste  restait  «  constamment 
très  forte  ;  Fouché  la  signalera  sans  cesse,  y  fera  spécialement  surveiller  les 
sociétés  2)).  L'auteur  des  mémoires  de  Fauche,  de  Beauchamp  ^,  écrivait 
aussi  :  «  Des  partis  royalistes  se  montraient  à  découvert  (an  VII)  ;  c'était 
surtout  dans  la  Guyenne,  laSaintonge,rAngoumois,  quela  Fédération  prenait 
une  force  régulière.  Ces  provinces  étaient  liées  entre  elles  par  une  association 
dont  Bordeaux  était  le  centre,  et  dans  laquelle  on  comptait  20.000  hommes 
militairement  organisés.  » 

Cette  association  avait  été  formée  par  un  Américain  des  Antilles,  Dupont 
(de  son  nom  philanthropique,  Constant),  dont  la  vie  avant  cette  époque  est 
pour  nous  un  mystère  et  qui  se  disait  agent  de  change  en  l'an  VIII,  pour 
couvrir  les  opérations  financières  auxquelles  il  était  mêlé  comme  visiteur  de 
l'Institut  *.  Il  avait  trouvé  dans  la  capitale  de  la  Guyenne  un  terrain  tout 
préparé  pour  cette  organisation.  Bordeaux  avait  souffert  cruellement  de  la 
Révolution  depuis  la  déclaration  de  guerre  avec  l'Angleterre.  Cette  ville,  qui 
faisait  un  commerce  immense  avec  les  Antilles  et  surtout  avec  Saint- 
Domingue  et  dont  certains  négociants,  comme  Bonnaffé,  possédaient  une 
fortune  considérable  et  des  flottes  de  trente  vaisseaux,  perdit  en  quelques 
années  son  importance  commerciale,  par  suite  de  la  guerre  avec  l'Angleterre 
et  de  la  révolte  des  noirs  ''.  La  suspension  des  affaires  entraîna  la  banque- 
route du  haut  négoce.  Les  ouvriers  du  port  et  les  artisans  de  la  ville  cessèrent 
de  travailler.  Ce  fut  la  misère  et  le  mécontentement  partout. 

La  population  rendit  la  Révolution  responsable  de  tant  de  ruines  ;  peu 
de  villes  accueillirent  la  République  avec  cette  défaveur.  Le  parti  royaliste  se 
recruta  dans  toutes  les  classes,  fut  assuré  d'une  popularité  qu'il  n'avait  point 
dans  la  capitale  et  d'une  complicité  quasi  générale. 

Nulle  part  la  Jeunesse  dorée  ne  régna  en  maîtresse  comme  à  Bordeaux. 
Au  théâtre,  les  jeunes  gens  empêchaient  de  jouer  la  Marseillaise ,  prenaient 
le  ce  municipal  ))  au  collet,  déchiraient  son  écharpe  qu'ils  appelaient  ((  licol  » , 
réclamaient  les  pièces  antijacobines,  et  protestaient  avec  violence  quand  on 
ne  les  jouait  pas.  Il  fallut  établir  une  barrière    armée    de   pointes   de  fer 


1.  Mémoires  de  Fouché,  t.  I,  p.  344. 

2.  Madelin^  Fouché,  t.  I,  p.  427,  429,  511. 

3.  Qui  fut  employé  dans  les  bureaux  de  la  police,  Mémoires  de  Fauche-Borelj 
t.  II,  p.  338. 

4.  Dupont-Constant.  Louis  Dupont,  né  en  1758,  à  Port-de-Paix,  île  et  côte  de 
Saint-Domingue,  où  il  était  propriétaire  d'une  habitation,  établi  à  Bordeaux  en 
1789,  s'en  éloigne  pendant  la  Terreur  sous  prétexte  d'aller  prendre  les  eaux  de 
Barèges,  y  revient  en  1794.  Voir  ci-dessous  la  fondation  de  l'Institut,  son  arrestation 
en  juin  1800,  son  élargissement  en  décembre  1801  sous  la  surveillance  de  la  police. 
Se  retire  à  Paris  où  il  tient  un  bureau  de  tabac  sous  l'Empire,  sollicite  un  emploi 
(sans  doute  une  préfecture)  sous  la  Restauration,  n'obtient  pas  sa  nomination  en 
Corse,  est  envoyé  à  la  Guadeloupe. 

5.  Cf.  un  important  mémoire  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  la  Chambre  dé 
commerce  de  Bordeaux,  Mémoire  du  Bureau  consultatif  de  commerce  de  Bordeaux. .i 
à  Vépoque  du  20  frimaire  an  VIII. 


INTRODUCTION  XV 

entre  le  parterre  et  le  théâtre  pour  les  empêcher  de  sauter  sur  la  scène. 
Un  soir  de  thermidor  an  IV,  l'administration  départementale  interdit  de 
jouer  l'Intérieur  des  Comités  révolutionnaires,  car  la  pièce  avait  donné  lieu 
la  veille  à  des  troubles  graves.  Une  députation  de  jeunes  gens,  ayant  à  leur 
tête  Brochon,  fils  de  l'avocat,  et  Destang  *,  se  rend  auprès  du  «  départe- 
ment ».  Le  jeune  Brochon  prend  la  parole,  déclare  qu'il  parle  «  au  nom  du 
peuple  »  ;  n'ayant  pas  obtenu  gain  de  cause,  il  donne  rendez-vous  à  ses  cama- 
rades pour  le  lendemain;  l'administration  doit  fermer  les  théâtres  ce  soir-là. 

—  Peu  de  temps  après,  un  jacobin  connu,  Barsac,  sort  dans  les  rues  de  la 
ville  :  la  jeunesse  le  poursuit  à  coups  de  canne  et  de  pistolet.  Barsac  n'é- 
chappe à  la  mort  qu'en  se  réfugiant  au  Château-Trompette.  —  L'imprimeur 
jacobin  Delormel  publie  un  placard  bordé  de  rouge.  Les  jeunes  gens  se 
rendent  chez  lui,  cassent,  brisent,  jettent  les  presses  à  la  rue.  Les  Bordelais 
racontent  en  riant  qu'ils  ont  établi  «  un  tribunal  de  cassation  »,  qu'ils  sont 
«allés  prendre  du  caractère  ». 

Mais  les  républicains  essaient  de  s'organiser,  forment  un  cercle,  celui  de 
l'Académie  :  la  Jeunesse  casse  les  vitres  du  cercle,  assomme  ses  défenseurs. 

—  Un  ancien  maire  jacobin  de  Toulouse,  Goursac,  est  arrêté  à  deux  lieues 
de  Bordeaux  par  onze  jeunes  gens  masqués  qui  le  forcent  à  descendre  de  voi- 
ture, le  font  mettre  à  genoux  et  le  tuent  de  deux  coups  de  pistolet.  —  Le 
général  Lannes  passe  à  Bordeaux  :  les  jeunes  gens  -  font  la  chaîne  sur  les 
allées  de  Tourny  pour  lui  barrer  la  route,  et,  le  soir,  au  théâtre,  insultent 
ses  aides  de  camp  dans  sa  loge  et  les  provoquent  ^. 

C'est  la  Jeunesse  de  Bordeaux  qui  a  fondé  la  première  association  royaliste 
que  nous  trouvons  à  l'origine  de  l'Institut.  Cette  association,  la  Société  de 
Belleville,ïondée  par  Cornu  sous  la  Terreur  *,  présidée  après  sa  condamna» 
tion  et  sa  mort  sur  l'échafaud  "'  par  une  des  futures  gloires  du  barreau  bor- 
delais, Bavez  *',  obligée  de  se  dissoudre  au  plus  fort  de  la  Terreur,  s'était 
reconstituée  après  Thermidor  sous  le  nom  de  Société  du  Gouvernement.  Rai* 
liée  en  apparence  au  gouvernement  et  formée  pour  le  défendre  contre  les 
entreprises  des  jacobins,  elle  comprenait  en  réalité  ses  pires  ennemis.  Le 
créole  Dupont,  revenu  à  Bordeaux,  d'où  il  s'était  enfui  pendant  la  Terreur 
pour  échapper  aux  poursuites  dont  il  était  l'objet,  présidait  la  société  nou- 
velle au  commencement  de  l'an  V. 


1.  Qui  fut  un  des  agents  les  plus  actifs  de  l'Institut.  Le  père  de  Brochon  faisait 
partie  du  conseil  secret  de  cette  société. 

2.  En  particulier  Peyronnet,  le  futur  ministre  de  Charles  X. 

3.  J'emprunte  la  plupart  de  ces  détails  aux  curieuses  Tablettes  de  Rernadcau, 
manuscrites  (Bibliothèque  municipale  de  Bordeaux),  voir  au  5  nivôse  an  IV,  au 
5«  complémentaire  au  IV,  aux  27  frimaire,  2  vendémiaire,  29  messidor,  6  thermidor 
on  V,  21  nivôse  et  20  germinal  an  VI.  Cf.  Archives  départementales,  série  L, 
port.  27,  liasse  3.  papiers  Vivie,  t.  XX. 

4.  Rolloc,  p.  13.  Cf.  0'Reilly,p.  380. 

5.  24  juin  1794 

(i.  Voir  (^hauvot,  Histoire  du  Barreau  bordelais  cl  F'cret,  Slatislique  de  liordeaaxt 
liiographie,  t.  III,  p.  530.  Hovez  est  né  à  Lyon,  mais  il  a  quitté  celte  ville  pout* 
échapper  aux  révolutionnaires,  est  arrivé  à  Bordeaux  en  décembre  1792,  s'est 
marié  en  janvier  1796,  ce  «{ui  explique  pourquoi  il  cesse  de  jouer  un  rôle  dans 
l'Institut.  Député  sous  la  Restauration,  président  de  la  Chatnbro  des  députés,  paît' 
de  France,  mort  ù  Bordeaux  en  1849. 


XVI  INTRODUCTION 

Il  avait  publié  des  factums  royalistes  en  1793  ;  il  en  publia  deux  à  la  veille 
des  élections  du  second  tiers,  une  Adresse  aux  assemblées  primaires,  une  autre 
A  l'assemblée  électorale:  les  élections  primaires  furent  favorables  au  parti 
royaliste,  qui,  faute  d'entente,  ne  sut  pas  assurer  son  succès  dans  l'assem- 
blée électorale. 

La  nécessité  d'une  union  plus  étroite  entre  les  royalistes  se  faisait  sentir, 
lorsqu'un  commissaire  du  Prétendant,  Dubourg  de  Pourquerie  *,  agent  du 
roi  pour  le  Languedoc,  passa  par  Bordeaux  et  fut  présenté  à  Dupont  par  un 
royaliste  de  Bordeaux,  Gibert  de  Moras.  Ce  fut  sans  doute  dans  les  derniers 
mois  de  1796  ou  les  premiers  de  1797.  Dubourg  engagea  Dupont  à  former  un 
Comité  royaliste,  capable  de  jeter  les  fondements  d'une  organisation  civile 
et  militaire  et,  quand  il  connut  le  Cercle  du  Gouvernement,  il  l'encouragea  à 
le  développer  2. 

Les  membres  de  ce  cercle  furent  au  nombre  des  manifestants  qui,  le 
28  messidor  V  (16  juillet  1797),  allèrent  casser  les  vitres  du  Cercle  jacobin  de 
l'Académie  ;  Dupont,  dans  son  Essai,  rappelle  le  fait  après  avoir  relaté  la 
mission  de  Dubourg,  avant  de  raconter  celle  de  Caire  (Jardin). 

Cet  envoyé  de  Dandré  vint  à  Bordeaux  dans  l'été  de  1797  :  nous  pouvons 
avec  vraisemblance  fixer  l'époque  de  son  passage.  Son  voyage  à  Bordeaux 
marque  la  date  de  la  fondation  de  l'Institut  dans  cette  ville. 

«  Un  autre  commissaire  du  roi,  écrit  Dupont,  M.  Jardin  ^,  arriva  à  Bor- 
deaux à  cette  époque.  Il  me  porta  l'ordre  d'établir  l'Institut  Philanthropique 
dans  l'arrondissement  que  je  dirigeais...  Après  m'avoir  remis  le  prospectus 
de  l'Institut  et  les  instructions  secrètes,  il  partit  pour  Paris.  Il  me  laissa 
aussi  toutes  les  adresses  pour  établir  ma  correspondance  avec  le  commissaire 
du  roi  dans  les  autres  arrondissements  et  pour  concerter  avec  eux  mes  opé- 
rations ultérieures.  Cette  organisation  fut  bientôt  faite.  J'en  avais  les  éléments 
dans  le  cercle  que  j'avais  formé.  »  Avant  le  départ  de  Caire,  Dupont  lui  avait 

1.  Dupont  l'appelle  de  Pourquerie-Dubourg  (Voir  Mémoire  historique,  p.  7;  Essai, 
p.  47-49);  Fabre  de  l'Aude,  Histoire  secrète  du  Directoire,  t.  IV,  p.  185,  Dubourg  de  la 
Pourquerie  ;  elles  Papiers  saisis  à  Bayreuth,  p.  259  et  273,  Dubourg  de  Pourquery. 
Cet  agent  du  prétendant  pour  le  Languedoc  mourut  à  Augsbourg  en  1800.  Il  joua 
un  rôle  dans  l'insurrection  toulousaine  de  1799. 

2.  Remarquer  la  différence  entre  le  récit  du  Mémoire  historique,  p.  8  et  9,  et  celui 
de  VEssai,  p.  48-49.  Dupont  a  une  tendance  à  exagérer  son  rôle.  Il  prétend  dans 
le  mémoire  qu'il  a  fondé  le  Cercle  du  Gouvernement  en  suite  des  instructions  que 
lui  a  données  Dubourg,  ce  qui  est  faux.  Dans  VEssai,  il  reconnaît  que  le  Cercle  est 
antérieur  au  voyage  de  Dubourg,  bien  qu'il  s'attribue  encore  la  fondation  du 
Cercle. 

3.  Dupont,  Essai,  p.  51:  «  M.  Caii-e  (Jardin),  qui  depuis  la  2^  Restauration  a  été 
nommé  lieutenant  général  de  police  à  Marseille,  où  il  est  mort.  »  —  La  police 
l'arrêta  le  20  mars  1804  et  il  fit  une  déclaration,  Boulay  de  la  Meurthe  (t.  II, 
p.  29).  Dans  VEssai^  Dupont  donne  comme  date  de  son  passage  «  l'été  de  1796  », 
mais  il  avoue  qu'il  écrit  de  mémoire  et  n'est  pas  sûr  des  dates.  La  date  de  1797 
paraît  bien  plus  vraisemblable,  d'abord  parce  que  Dupont,  dans  l'Essai,  place  la 
fondation  de  l'Institut  après  l'affaire  du  cercle  de  l'Académie  et,  dans  VEssai 
comme  dans  le  Mémoire,  après  les  élections  de  l'an  V  (mai  1797);  ensuite  parce 
que  Dandré  annonce  à  Wickham  en  juillet  1797  qu'il  s'occupe  de  l'organisation 
des  Instituts  du  Midi  (Voir  ci-dessous,  pièce  2)  et  en  août  qu'un  voyageur  lui 
arrive  du  Midi,  Or  ce  voyageur  paraît  bien  être  Caire,  qu'il  renvoie  en  septembre 
dans  le  Midi  après  le  coup  d'Etat  (Cf.  pièce  3),  et  qui  passe  à  Bordeaux  pendant 
l'été,  d'après  Dupont. 


INTRODUCTION  XVII 

déjà  présenté  les  membres  du  Comité  secret  qui  devait  présider  à  la  forma- 
tion du  nouvel  Institut,  Duchesne  de  Beaumanoir  *,  ancien  subdélégué  de 
l'inteudauce  de  Bordeaux,  l'avocat  Brochon  '^^  père  d'un  des  chefs  de  la  Jeu- 
nesse, l'officier  du  génie  Delerse,  commandant  du  pâté  de  Blaye,  le  négo- 
ciant Gassiot  '^',  et  Caire   leur  avait  fait  prêter  le   serment  philanthropique. 

Dans  le  même  temps,  la  marquise  de  Donnissan  recevait  de  «  Monsieur  )) 
l'ordre  d'établir  une  association  semblable  dans  le  Midi.  Deux  anciens 
officiers  des  armées  vendéennes,  Forestier  "^  et  Céris  ^,  lui  apportèrent,  en 
mai  1797  ^,  une  lettre  du  comte  d'Artois  ". 

M'iie  de  Donnissan^,  fille  du  duc  de  Civrac,  dame  d'atour  de  Madame  Vic- 
toire avant  la  Révolution,  vivait  retirée  dans  le  château  de  Citran  (Médoc)  ou  à 
Bordeaux,  avec  sa  fille,  M'ae  de  Lescure  ^,  veuve  du  général  vendéen.  Celle-ci 

1.  Duchesne  de  Beaumanoir,  qui  remplaça  Dupont  arrêté  comme  visiteur  tem- 
poraire de  l'Institut  en  1800,  appelé  Franc-Fidèle  par  les  Philanthropes  {Mémoire 
historique,  p.  38,  Essai,  p. 53, 10\  Cf.  Rollac,  p.  210),  avait  été  subdélégué  de  l'inten- 
dance de  Guyenne  sous  Dupré  de  Saint-Maur.  Il  fut  un  des  érudits  les  plus  remar- 
quables de  Bordeaux  dans  ce  temps-là,  posséda  une  collection  importante  de 
livres,  tableaux,  médailles.  Membre  de  1  Académie  de  Bordeaux  en  1784,  directeur 
en  1788,  membre  de  l'association  littéraire  du  Musée  ;  était  maire  de  Marlillac  en 
1815.  Voir  Laboubé,  notes  manuscrites  à  la  Bibliothèque  municipale  de  Bor- 
deaux ;    Féret,    Statistique,  t.  III. 

2.  Brochon  (Guillaume),  né  à  Bordeaux  en  1729,  mort  dans  cette  ville  en  1814, 
une  des  gloires  du  barreau  bordelais,  jurât  avant  1789,  emprisonné  sous  la 
Terreur.  (V.  Féret,  Statistique,  et  Chauvot,  Le  Barreau  Bordelais.) 

3.  Delerse  ou  Delers,  Mémoire,  p.  40  ;  Essai,  p.  53  et  70.  Gassiot,  Mémoire,  p.  8  ; 
Essai,  p.  46,  53  ;  Rollac,  p.  210. 

4.  Henri  F'orestier  (et  non  marquis  de  Forestier),  né  en  Vendée,  à  laPommeraye, 
en  1775,  fils  d'un  cordonnier,  étudie  la  médecine,  puis  joue  un  rôle  militaire  impor- 
tant dans  les  guerres  de  Vendée,  d'abord  aux  côtés  de  Henri  de  la  Rochejaquelein, 
puis  du  prince  de  Talmont,  etc.  ;  blessé  grièvement  à  Cirières  en  Vendée,  après  la 
reprise  d'armes  de  1799.  L'abbé  B«rnier  avait  demaiidé  pour  lui  au  premier  consul 
un  grade  dans  l'armée  française  ;  ne  l'aj'ant  pas  obtenu,  il  prit  part  au  complot 
des  Plombs  en  1804  ;  condamné  à  mort  à  Nantes  par  contumace  en  1805,  il  se 
réfugia  en  Angleterre,  à  Londres,  où  il  mourut  en  1806.  Cf.  Chassin,  Pacifications, 
t.  m,  p.  616,  744;  Daudet,  la  Police  etlesCliouam,  p.  152  etsuiv.;  Rollac,  p.  20,23  ; 
marquise  de  la  Rochejaquelein,  p.  228,  234. 

5.  Le  chevalier  de  Céris,  né  à  la  Guadeloupe  en  1773,  émigré  en  1791,  moins 
connu  que  le  précédent  dans  les  guerres  de  Vendée,  fait  prisonnier  trois  fois,  fut 
avec  Forestier  un  des  organisateurs  du  complot  de  1804,  revint  en  F'rancc  en 
1814,  n'obtint  pas  de  grade  militaire,  disparut  en  1816.  Voir  Chassin,  t.  111,  p.  744  ; 
Daudet,  la  Police  et  les  Chouans,  p.  153  et  suiv.  ;  Rollac,  p.  20,  23  ;  marquise  de  la 
Rochejaquelein,  p.  228,  234. 

6.  Date  donnée  par  la  marquise  de  la  Rochejaquelein,  p.  228.  (^f.  ci-dessous, 
le  Rapport  fait  au  ministre.  Il  fixe  la  date  de  1796.  Voir  plus  haut  les  raisons 
qui  me  font  croire  que  l'Institut  n'a  été  fondé  à  Bordeaux  qu'en  1797,  dans 
Télé. 

7.  Dupont  soutient  dans  son  Essai,  p.  53  et  54,  que  le  comte  d'Artois  n'a  point 
provoqué  la  création  de  l'Institut,  qu'il  y  est  resté  absolument  étranger.  Pourtant 
il  nous  paraît  dilïicile  de  douter  des  allirmations  de  la  marquise,  p.  228  et  229. 
Cf.  Rollac,  p.  14  et  15.  Rollac  suit  le  récit  de  la  mar({uise  et  donne  la  date 
de  1796. 

8.  Le  marquis  de  Donnissan,  grand-sénéchal  de  Guyenne  avant  la  Révolution, 
mourut  sur  l'échafaud,  à  Angers,  en  1793.  Voir  Itiographie  Michaud  et  Fercl, 
Statistique,  t.  III.  —  Une  rue  Donnissan  à  Bordeaux. 

9.  Murie-Louise-Victorino  do  Donnissan,  née  à  Versailles  en  1772,  niorlc  en 
1857,  fille  du   précédent  et  de  Marie-Françoise  de   Durforl-Civrnc,  se  réfugia  ovec 

b 


XVIII  INTRODUCTION 

épousa  plus  tard  le  marquis  Louis  de  la  Rochejaquelein.  Or  Forestier  avait 
servi  sous  les  ortlrcs  d'Henri,  frère  de  Louis  :  ;"i  ee  litre,  il  était  eonnu  de 
M"'i- de  Lescure.  M'"«  de  Domiissau  lui  avait  donné  une  lettre  de  reconimau- 
dation  pour  le  duc  d'ilavré,  un  de  ses  amis,  et  le  due  de  Lorges,  sou  frère, 
au  mouient  où,  après  la  pacification  vendéenne  de  179(),  il  s'était  rendu  en 
Angleterre. 

Le  duc  de  Lorges,  ancien  maréchal  de  camp,  qui  avait  joui  d'une  grande 
faveur  auprès  de  Louis  XVI;  possesseur  de  biens  étenâus  dans  la  Guyenne, 
avait  émigré  en  1791,  puis  s'était  retiré  à  Londres,  après  une  campagne  in- 
fructueuse à  l'armée  des  princes,  et  avait  fait  partie  de  l'expédition  du  comte 
d'Artois  à  l'île  d'Yen.  Tout  en  sollicitant  du  service  dans  l'armée  anglaise 
{il  devint  aide  de  camp  de  Lord  Moira,  vice-roi  d'Ecosse),  le  duc  songeait  à 
organiser  en  Guyenne  nue  Vendée  nouvelle  dont  il  aurait  le  commandement. 
Il  obtint  du  Prétendant  le  titre  platonique  de  gouverneur  de  la  Guyenne  * . 
Duveriie  annonçait  le  11  ventôse,  l'an  V,  «  qu'à  Bordeaux  allait  se  rendre  le 
duc  de  Lorges  "^  »  Ses  fils,  cette  année-là,  parcoururent  la  Guyenne,  déguisés 
en  marchands,  conduisant  une  voiture  encombrée  de  pacotille  et  menée  par 
des  mulets  •^.  Une  lettre  de  1800  nous  prouvera  que  l'Institut  bordelais 
comptait  sur  lui  pour  prendre  le  commandement  de  l'insurrection  giron- 
dine. 

Le  duc  complota,  sans  doute  avec  Forestier,  d'établir  une  organisation 
royaliste  dans  la  Guyenne,  et  sollicita  du  comte  d'Artois  l'envoi  d'une  lettre 
officielle  adressée  à  sa  sœur  pour  l'engager  à  y  travailler. 

Après  avoir  reçu  la  lettre  du  comte  d'Artois,  M'"^e  de  Donnissan  consulta 
un  de  ses  amis,  ancien  procureur  au  Parlement  de  Bordeaux,  Dudon,  et  son 
fils,  Dudon  de  Lestrade,  pour  leur  demander  ce  qu'elle  devait  faire  en  la 
circonstance.  Les  Dudon  lui  apprirent  que  Dupont  dirigeait  une  association 
royaliste.  Dupont  fut  mis  en  rapport  avec  la  marquise  et  avec  son  conseil, 
composé  de  Dudon,  de  Dey naud,  inspecteur  de  l'enregistrement,  qui  avait 
appartenu  aux  finances  de  «  Monsieur  »,  et  de  l'abbé  Jagault,  ancien  secré- 
taire du  Conseil  supérieur  de  la  Vendée  *".  On  envoya  en  Angleterre  l'abbé 
pour   annoncer  au  comte  d'Artois  l'organisation  de  l'Institut. 

ses  parents  à  Citran  (Médoc)  dès  les  journées  d'octobre  1789,  y  épousa  M.  de 
Lescure  en  1791,  le  suivit  pendant  les  guerres  de  Vendée  où  il  fut  tué  en  novembre 
1793,  revint  à  Citran  après  la  pacification,  mais  fut  obligée  de  se  réfugier  deux 
fois  en  Espagne,  comme  prévenue  d'émigration,  épousa  en  1802  Louis  de  la  Roche- 
jaquelein, qui  fut  tué  pendant  les  Cent-Jours  en  Vendée.  —  Le  château  de  Citran 
appartient  aujourd  hui  à  la  famille  Clauzel. 

1.  Biographie  nouvelle  des  contemporains  :  Jean-Laurent  de  Durfort,  duc  de 
Loi'ges,  né  en  1746,  un  des  menins  de  Louis  XVI  à  l'époque  de  son  mariage, 
colonel  du  régiment  de  Royal-Piémont,  maréchal  de  camp  en  1788,  émigré  en  1791 
avec  ses  deux  fils,  forme  un  corps  de  cavalerie  à  Limbourg,  fait  la  campagne 
infructueuse  de  1792  à  l'armée  des  princes,  rentre  en  France  eu  1814,  est  fait 
lieutenant  général  et  pair,  est  à  Bordeaux  en  1815  avec  la  duchesse  d'Angou- 
lême. 

2.  Barras,  t.  II,  p.  328.    Cf.  Rollac,  p.  211. 

3.  Rapport  de  la  sûreté  générale  du  1^""  complémentaire  an  XII,  dossier  Cazalet, 
dans  Archives  départementales  de  la  Gironde,  série  M. 

4.  D'après  la  marquise  de  la  Rochejaquelein,  p.  229,  et  Rollac,  p.  209,  qui  con- 
sidèrent le  conseil  de  la  marquise  comme  le  conseil  secret  de  l'Institut.  Les  Dudon 
meurent  avant  le  complot  de  1800.  Le  père,  né  à  Bordeaux   en  1717  et  mort    dans 


INTRODUCTION  XIX 

L'association  resta  organisée  comme  elle  Tétait,  avec  son  Conseil  général, 
distinct  de  celui  de  la  marquise,  conseil  dont  faisaient  partie  Brochon, 
Duchesne  de  Beaumanoir,  Gassiot  ^.  Mais  l'influence  du  Conseil  intime  de 
M'iie  de  Donnissan,  et  par  conséquent  celle  du  duc  deLorges,  resta  sensible 
par  le  choix  que  fit  Dupont  du  «  général  »  Papin,  ami  de  la  marquise, 
comme  général  commandant  des  forces  de  llnstitut 


II.    —    LES   INSTITUTS   DU   MIDI    (BORDEAUX )   APRÈS   FRUCTIDOR. 

L'Institut  bordelais  était  doue  oiganisédans  les  mois  qui  précédèrent  Fruc- 
tidor -.  Cette  organisation,  et  celle  des  autres  Instituts  du  Midi,  fut  modifiée 
Tannée  suivante.  «Environ  un  mois  après  (le  18  fructidor),  raconte  Dupont, 
je  reçus  Tordre  de  me  rendre  de  suite  à  Ljon.  L'agent  principal  du  Midi 
(Tabbé  de  Lacombe)  avait  appelé  tous  les  présidents  de  TInstitut.  Je  fus  le 
seul  qui  osât  faire  ce  voyage.  Voj-^ant  quaucun  autre  n'arrivait,  il  me  fit  part 
de  l'objet  de  cette  convocation.  Il  s'agissait  de  faire,  dans  Torganisation  de 
TInstitut  Philanthropique,  des  changements  essentiels  dont  l'expérience  avait 
montré  la  nécessité...  Il  m'expliqua  son  plan,  ses  vues...  Le  lendemain,  je 
lui  portai  le  travail  fait  selon  ses  désirs.  C'était  presque  un  nouveau  plan 
d'organisation  »  Lacombe  l'accepta  et  chargea  Dupont  de  le  faire  connaître 
et  de  l'appliquer  dans  les  départements  du  Midi  '. 

Dupont  fit  une  tournée  dans  ces  départements.  Il  eut  à  «  voir  tous  les 
présidents  de  TInstitut,  à  leur  remettre  le  nouveau  prospectus  avec  les  ins- 
tructions qui  s'y  rapportaient  ».  Des  pouvoirs  lui  furent  donnés  pour 
«  confirmer,  destituer  ou  remplacer  ))  ceux  qu'il  ne  jugeait  pas  capables  de 
servir  efficacement  la    cause   du    roi.    C'est  ainsi    qu'il    passa   par  Nîmes, 

cette  ville  en  1800,  fils  d'un  avocat  général  de  Bordeaux,  hérite  de  la  charge  de 
son  père  au  Parlement,  procureur  général  de  1763  à  1790,  poète  et  membre  de 
l'Académie  de  Bordeaux,  l'ail  partie  de  rassemblée  des  notables  en  1787  ;  empri- 
sonné comme  suspect  en  1792,  échappe,  grâce  tx  son  Hls,  à  la  guillotine.  —  Il  eut 
trois  fils  ;  il  est  question  ici  de  Taîné,  Joseph  Diidon  de  Lestrade,  qui  avait  été 
conseiller  à  la  Cour  des  aides  de  Paris,  et  qui  fut  l'ami  de  Dupont  Celui-ci  se 
rendait  tous  les  soirs  chez  lui,  entre  10  et  11  heures  Le  second,  Jean-Baptiste, 
avocat  général  au  parlement  Maupeou.  fut  guillotiné  en  1793.  —  Une  rue  Dudon 
à  Bordeaux.  —  Voir  Communaj',  le  Parlement  de  Bordeaux,  p.  252  ;  Biogra- 
phie Feret  ;  Essais  généalogiques  de  Meller;  Mémoire  historique  de  Dupont,  p.  23; 
Essai,  p.  65,  156,  157  ;  Bollac,  p.  15  et  209  ;  marquise  de  laRochejaquelein,  229 
230,  234,  235. 

1.  Et  plus  tord  Mathieu  de  Boissac,  qui  fut  secrétaire  général  de  Tlnstilut  de 
Bordeaux. Voir  ci-dessous  p.  xxvii.  Cf.  Bollac,  p.  210  ;  Mémoire,  p.  40  ;  Essai  p.  70. 

2.  Larue,  la  Déportation  des  députés  à  la  Guyane  (extrait  publié  en  1905  de 
VHisloire  du  18  Fructidor),  connaissait  Texislence  de  TInstitut  de  Bordeaux.  «  La 
liberté  fut  offerte,  écril-il,  deux  fois  à  [Gibert  Dcsmoliôres  et  à  J  -J.  Aimé|  par 
VInstitut  royalistede  Bordeaux  :  d'abord  dans  les  prisons  mêmes  de  Tlnstilut.  d'où 
ces  dignes  députés  auraient  pu  sortir  avec  MM.  Bicher  Seri/y  et  Isidore  Langlois, 
sauvés  l'un  et  l'autre  par  Tor  des  fidèles  Bordelais  ;  plus  tard,  lorsque  la  frégate 
La  Charente.  .  réparait  les  avaries  qu'elle  avait  éprouvées.  L'un  des  chef»  de 
VInstitut  royaliste,  M.  Leptrode,  se  présenta  nuitamment  h  la  tête  de  deux  embar- 
cations   «  Gibert  et    Aimé   refusèrent  de    s'enfuir,    de  peur  de    <«  compromettre 

Tintérét  de  leur  famille  et  la  santé  des  braves  qui  se  dévouaient  pour  eux  »  cl 
partirent  pour  la  Guyane. 

3.  Mémoire  historique,  p.  13  ;  Essai,  p.  54. 


XX  INTRODUCTION 

Montpellier,  Béziers,  Narbonne,  Toulouse,  Cahors,  Villeneuve-d'Agen,  Agen, 
pour  remplir  la  mission  que  lui  avait  confiée  Lacombe  *. 

La  nouvelle  organisation  modifiait  sensiblement  l'ancienne  ;  elle  fortifiait 
l'autorité  des  chefs  dans  les  départements  et  assurait  le  secret  en  supprimant 
le  conseil  des  Cinq,  l'assemblée  délibérante  des  membres  de  l'Institut  et  la 
cérémonie  du  serment.  Surtout  elle  centralisait  les  forces  de  l'Institut  entre 
les  mains  du  Directeur  (l'abbé  de  Lacombe)  qui,  de  Lyon,  centre  de  corres- 
pondance, transmettait  aux  Instituts  les  ordres  royaux. 

Elle  divisait,  en  effet,  le  Midi  de  la  France  en  quatre  arrondissements  com- 
posés de  6,  7  ou  8  départements,  suivant  les  rapports  locaux  et  topographiques, 
suivant  les  relations  commerciales  et  habituelles  -,  Chaque  arrondissement 
avait  à  sa  tête  un  visiteur,  nommé  par  le  roi,  chef  suprême,  nommant  lui- 
même  à  tous  les  emplois,  aux  civils  comme  aux  militaires.  Chaque  dépar- 
tement était  dirigé  par  un  administrateur  nommé  par  le  visiteur,  communi- 
quant avec  lui  et  seul  à  le  connaître.  Le  nom  de  président  était  réservé  à  ses 
aides  dans  les  communes.  Il  y  eut  ainsi  trois,  puis  cinq  présidents  à  Bordeaux  : 
Cosse,  Lestrade,  Estebenet,  Latour  et  Letellier. 

Ces  présidents  donnaient  des  ordres  aux  affidés  des  sections  bordelaises. 
Les  instructions  venues  de  Lyon  étaient  ainsi  transmises  avec  secret  et  célé- 
rité depuis  le  visiteur  jusqu'au  simple  associé,  en  passant  par  les  adminis- 
trateurs, les  présidents  et  les  afïidés  ^. 

«  C'était,  en  un  mot,  un  petit  gouvernement  organisé  dans  un  grand.  )) 

((  La  chaîne  des    associations    secrètes  s'étendait  depuis    le  Var  jusqu'au 

1.  Voir  longue  liste  d'agents  de  l'Instilut  dans  les  provinces  du  Midi  cilée  dans 
le  Mémoire  historique,  p.  14  et  15. 

2.  Mémoire  historique,  p.  15. 

3.  Essai,  p.  34,  55,  60,  142. 

Cosse  Joseph,  né  dans  l'Ariège  en  1755,  organiste  de  la  chapelle  de  l'église  d'Ai- 
guillon, puis  maître  de  musique  à  la  cathédrale  de  Bordeaux  (pourtant  membre 
d  une  loge  maçonnique),  professeur  de  musique  en  1800,  arrêté  avec  Dupont,  em- 
prisonné 18  mois  ;  on  le  retrouve  professeur  de  musique  au  lycée  de  Bordeaux 
sous  l'Empire 

Lestrade,  le  plus  connu  des  cinq  (voir  sa  biographie  dans  la  Biographie  nouvelle 
des  contemporains).  Lestrade  (Louis-François),  né  dans  les  Cévennes,  vers  1768, 
mêlé  aux  troubles  de  Montpellier  en  1790,  se  réfugie  dans  le  Comtat,  puis  à  Lyon, 
dont  il  est  un  des  défenseurs  au  moment  du  siège,  en  1793.  Après  le  siège,  il  se 
retire  en  Suisse,  puis  rentre  en  France  «  pour  concourir  à  l'organisation  de  la 
chouannerie  ».  A  Bordeaux,  il  est  un  des  agents  les  plus  actifs  de  l'Institut.  Après 
le  coup  d'Etat  du  18  Fructidor,  l'Institut  l'envoie  à  Rochefort  pour  faire  évader  les 
déportés.  Richer-Sérizy,  Isidore  Langlois,  s'enfuient,  grâce  à  la  complicité  du  con- 
cierge de  la  prison  qui  a  été  payé  avec  «  l'or  des  fidèles  Bordelais  ».  Mais  Lestrade, 
qui  a  tout  préparé  pour  l'évasion  de  Gibert-Desmolières  et  de  J.-J.  Aimé  en  rade 
de  Rochefort,  ne  peut  décider  ces  deux  victimes  du  Directoire  à  s'enfuir.  Il  est 
lieutenant  de  la  compagnie  d'élite  commandée  par  Latour-Olanier,  Compagnie 
qui  est  chargée  des  coups  de  main;  adjoint  au  chef  d'état-major  de  1  armée  de 
l'Institut,  Labarthe.  C'est  lui  que  Dupont  charge  d'une  mission  à  Toulouse  au 
moment  de  l'insurrection  de  l'an  VIL  II  est  arrêté  avant  d'avoir  pu  communiquer 
avec  le  visiteur  de  Toulouse,  reste  enfermé  neuf  mois  et  demi.  Après  avoir  publié 
à  Bordeaux  :  La  voix  de  la  patrie  à  Bonaparte  sur  Vévénement  du  3  nivôse  an  VHI^ 
il  occupe  divers  emplois  administratifs  sous  le  gouvernement  impérial,  et  cependant, 
en  1815,  se  charge  d'une  mission  auprès  des  généraux  français,  pour  les  engager  à 
prendre  la  cocarde  blanche.  Il  est  un  des  rédacteurs  du  Drapeau  blanc  ;  la  Restau- 
ration semble  cependant  lui  tenir  rigueur   II  publie  plusieurs  ouvrages  de  littérature 


INTRODUCTION  XXI 

Jura.  Les  départements  de  la  Dordogne  et  des  deux  Charentes  réunissaient 
les  provinces  de  l'Ouest  à  la  Guyenne...  Bordeaux  devenait  alors,  pour  ainsi 
dire,  la  clef  de  l'édifice.  » 

Des  instructions  précises  recommandaient  aux  chefs  de  prévenir  «  tout 
mouvement  partiel  et  prématuré  »  ;  de  se  lier  avec  les  autorités  constituées 
«  pour  empêcher  le  mal  et  faire  le  bien  autant  que  possible  »  ;  de  ne  heurter 
de  front  aucun  parti,  au  contraire  d'inspirer  à  tous  de  la  confiance.  «  Le 
langage  de  la  clémence  et  de  l'oubli,  l'obéissance  aux  lois  et  aux  autorités  ins- 
tituées, étaient  bien  recommandés  et  tous  les  chefs  avaient  l'ordre  secret  de 
conserver  avec  soin,  même  au  moment  de  l'insurrection,  les  couleurs  et  les 
formes  républicaines.  »  «  L'objet  apparent  de  cette  immense  association 
était  de  soutenir  et  de  défendre  la  constitution  existant  alors,  ainsi  que  le 
gouvernement  qui  l'avait  imposée;  mais  son  véritable  but  était,  au  contraire,  de 
renverser  cette  constitution,  ainsi  que  le  gouvernement  usurpateur,  pour 
rétablir  l'autel  et  le  trône  légitime.  »  C'est  pourquoi  Vorganisation  militaire 
«  était  le  but  essentiel  mais  secret  de  cette  immense  association  ))  ^ 

Avant  son  voyage  à  Lyon,  Dupont  avait  entrepris  cette  organisation.  Il 
l'avait  confiée  à  quelques  émigrés  rentrés,  anciens  militaires,  qui,  après  des 
essais  infructueux,  parvinrent  à  former  «  quatorze  compagnies  plus  ou  moins 
complètes  "  A  son  retour,  il  s'enquit  de  trouver  un  officier  capable  de  com- 
mander ces  bandes.  C'est  alors  que,  sur  le  conseil  de  M'"®  de  Donnissan  et  des 
Dudon,  il  chargea  de  cette  mission  difficile  un  ancien  colonel  de  l'armée  des 
Pyrénées-Orientales,  proposé  pour  le  grade  de  général  de  brigade  avant    de 


ou  de  finance  dont  on  trouvera  la  liste  dans    la   Biographie  nouvelle.  D'après  cette 
Biographie,  VEssai,  p.  80  ;  Rollac,  p.  213;  Larue,  p.  130  (note). 

Lestrade  portait  dans  l'Institut  le  nom  de  Kitton. 

Estebenet,Jeixn.  maître  de  pension,  président  de  l'arrondissement  sud  de  Bordeaux 
(sous  le  nom  philanthropique  de  Maunj').  surveillait  la  fabrication  des  cartouches. 
Il  ne  fut  pas  impliqué  dans  les  poursuites  dirigées  contre  1  Institut  après  la  décou- 
verte du  complot,  mais  se  tint  caché  longtemps.  Duchesnc  de  Beaumanoir,  qui 
rentplaça  temporairement  Dupont  comme  visiteur  de  l'Inslitut,  le  choisit  comme 
secrétaire  de  llnstitut.  —  H)n  1814,  il  joue  un  rôle  actif  dans  le  complot  qui  pré 
pare  rentrée  du  maréchal  Beresford  et  du  duc  d'Angoulème  à  Bordeaux.  La  veille 
de  cette  entrée,  le  11  mars,  c'est  chez  lui  que  les  conjures  se  réunissent  pour 
arrêter  les  dernières  mesures  à  prendre  ;  c'est  sur  son  ordre  que  le  menuisier 
Hagry  fait  planter  le  drapeau  blanc  sur  le  clocher  de  Saint-Michel.  Le  duc  d'An- 
goulème le  décore  de  la  Légion  d'honneur,  le  9  mars  181."),  comme  capitaine  de  la 
garde  royale,  infanterie. 

Latour  pharmacien.  On  ne  peut  le  confondre  avec  un  autre  membre  de  l'Ins- 
titut, capitaine  de  la  compagnie  d'élite,  Latour-Olanier.  car  Dupont  et  HoUac 
distinguent  les  deux  personnages,  ni  avec  Péfaut  de  la  Tour  (écrit  aussi  Latour) 
que  Hollac  envoie  de  Londres  en  1813  pour  porter  à  Taflfard  de  Saint-Germain 
et  à  Louis  de  la  Hochejaquclein  l'ordre  de  reconstituer  la  <i  garde  royale  »  el 
de  réorganiser  l'Institut  Voir  les  lettres  de  ce  .1  -V.  de  la  Tour  dans  les  pièces 
justificatives  du  livre  de  Hollac  La  marquise  de  la  Hochejaquclein  écrit  Latour, 
p.  239. 

Lelellier.  On  trouve  aux  archives  départementales,  série  M  (liasse  contenant  les 
listes  de  notabilités  du  département),  une  liste  de  l'an  IX,  où  figure,  avec  le  nom 
de  Duchesne  de  Beaumanoir.  celui  de  LctelHer,  maire  d'un  arrondissement  de 
Bordeaux.  Letellicr,  aîné  (.I.-.I  -François),  écuycr,  conseiller  de  préfecture  en  1810, 
ancien  maire,  décoré  de  la  Légion  d'honneur  en  1810. 

1.  Ces  détails  généraux  sur  rorgonisntion  bordelaise  sont  empruntés  à  l'Essor, 
p.  31  £0,  55,  GO,  142,  143,  ou  au  Mémoire,  p.  15 


XXII  INTKODrcnoN 

quitter  larmée,  Papin  *.  Celui-ci  s'était  engagé  en  1792  comme  volontaire, 
par  enthousiasme  patriotique,  et  avait  fait  aux  armées  des  Pyrénées,  sous  les 
ordres  de  Doppet,  d'Augereau,  de  Moncey  qui  resta  un  de  ses  amis,  les 
campagnes  de  l'an  I,  de  l'an  II  et  une  partie  de  celle  de  1  an  III.  On  ci- 
tait sa  bravoure  brillante  ;  il  avait  contribué  au  succès  du  combat  de  la 
Montagne-Noire  et  à  la  prise  de  Figuières  ;  les  Bordelais  lui  avaient  envoyé 
un  sabre  d'honneur  avec  cette  inscription:  «  Au  brave  général  Papin.  »  Rentré 
dans  ses  foyers,  au  moment  où  la  guerre  finissait  sur  les  Pyrénées,  et  devenu 
négociant  en  épicerie,  il  était  entré  en  relations  par  Deynaud  avec  la  mar- 
quise de  Donnissan  qui  l'avait  décidé  à  se  ranger  du  côté  du  parti  royal. 
Dupont  l'avait  nommé,  sous  le  nom  philanthropique  de  Servant,  comman- 
dant en  chef  de  larmée  royale  de  Guyenne. 

«  Le  général  Papin,  raconte-t-il  lui-même  dans  des  notes  remises  au  mi- 
nistre de  la  guerre  sous  la  Restauration,  organisa  dans  les  formes  un  corps 
d'armée,  malgré  la  stricte  surveillance  de  la  police...  L'organisation  était  per- 
fectionnée au  point  que  les  revues  d'infanterie,  de  cavalerie  et  d'artillerie 
se  passaient  régulièrement  par  trimestre.  »  —  11  fut  aidé  dans  cette  tâche  par 
un  ancien  major  au  régiment  de  Champagne,  de  Maillan,  un  ancien  adjudant 
général  de  l'armée  républicaine,  Sabés,  un  ex-officier  de  la  garde  constitu- 
tionnelle de  Louis  XVI,  Labarthe  (Blondel),  le  véritable  chef,  après  la  mort 
de  Maillan,  du  petit  état-major  royaliste. 

Jusqu'à  quel  point  cette  organisation  a-t-elle  pris  consistance  ?  C'est  ce 
qu'il  est  impossible  de  savoir.  Il  faut  se  garder  d'accepter  sans  contrôle  les 
dires  des  intéressés.  Dans  les  derniers  mois  qui  précédèrent  le  18  Brumaire, 
à  la  faveur  de  l'anarchie  générale  de  l'Ouest,  grâce  au  mécontentement  et  aux 
troubles  que  provoquèrent  la  reprise  de  la  guerre  (2^  coalition)  et  la  loi  des 
otages,  les  recruteurs  royaux  trouvèrent  des  soldats  parmi  les  déserteurs  et 
les  réfractaires  qui  se  groupaient,  pour  échapper  à  la  gendarmerie,  dans  les 
régions  de  faible  peuplement,  comme  le  Médoc.  La  reprise  d'armes  de  la 
Vendée  et  de  laBretagne.l'insurrection  de  Toulouse, favorisaient  leurs  menées, 
en  occupant  ailleurs  les  troupes  républicaines  et  en  empêchant  le  gouverne- 
ment de  les  surveiller. 

1.  Voir  sur  Papin  les  pièces  publiées  ci-dessous,  2^  partie,  série  E.  —  Elle 
Papin,  né  le  27  février  1771,  à  l'île  Saint- George  (Gironde),  sous-officier  lors  de  la 
formation  de  la  garde  nationale  de  Bordeaux,  en  1789,  2^  chef  de  bataillon  au 
8^  bataillon  des  volontaires  de  la  Gironde  en  août  1792,  l^-^  chef  de  bataillon  en 
août  1794,  puis  adjudant  général  chef  de  bataillon,  promu  général  de  brigade  sur 
le  champ  de  bataille  de  Figuières,  refusa  le  grade  (dit-il,,  obtint  un  congé  le  29  mars 
1795.  —  Revenu  à  Bordeaux,  fut  chargé  par  Dupont  en  août  1798,  et  par  Willot 
en  mars  1800,  du  commandement  de  «  l'armée  rojale  de  Guyenne  ».  Impliqué 
dans  le  complot  de  1800,  ne  fut  pas  jugé,  grâce  à  l'intervention  de  ses  protecteurs, 
Augereau,  Lannes,  Moncey  chez  lequel  il  descendait  à  Paris  ;  mais  il  prit  part  au 
complot  des  Plombs  en  1804,  fut  condamné  à  mort  par  contumace  le  14  décembre 
1805,  s'enfuit  en  Amérique,  y  fit  sa  fortune  et  la  perdit  au  retour  dans  un  nau- 
frage. La  Restauration  le  nomma  maréchal  de  camp,  en  février  1817  ;  disgracié 
momentanément  et  mis  en  disponibilité,  sans  doute  à  la  suite  du  rapport  que 
nous  publions,  il  commande  ensuite  la  7«  division  militaire  (Hautes-Alpes)  en 
juillet  1821,  et  meurt  le  5  août  1825,  à  Agen,  où  il  commandait  depuis  octobre  1822 
la  2*  subdivision  de  la  20^^  division.  Il  était  baron  depuis  août  1822.  Il  a  laissé 
quatre  enfants,  Rollac,  p.  16,  211.  Voir  Mémoire  historique,  p.  17  ;  Essai,  p.  66;  La 
Rochejaquelein,  p.  230. 


INTRODUCTION  XXIII 

Ce  fut  à  cette  époque,  sans  doute,  que  furent  créées  les  compagnies  d'élite  ^j 
seules  forces  appréciables  de  V  «  armée  royale  »,  parce  qu'elles  étaient  seules 
composées  d'anciens  militaires,  de  déserteurs,  de  proscrits,  et  constamment 
disponibles,  compagnie  de  Chasseurs  royaux,  compagnie  du  Médoc,  chouan- 
nerie des  Charentes.  Le  reste  de  cette  armée,  les  compagnies  auxiliaires, 
formées  «  d'hommes  âgés,  de  pères  de  famille,  de  chefs  de  maisons,  destinée 
à  la  garde  des  villes  »,  n'offrait  sans  doute  aucune  consistance  et  ne  comptait 
que  sur  le  papier  -. 

Dupont-Constant  évalue  l'armée  de  l'arrondissement  de  Guyenne  à  28.000 
hommes,  4.000  pour  Bordeaux  seulement  ;  celle  de  tout  le  Midi  à  80.000  ^  Il 
faut  réduire  ces  chiffres  au  moins   des  deux  tiers. 

Quels  services  rendit  cette  armée  à  la  cause  royale  ?  Nous  ne  pouvons  évi- 
demment nous  montrer  moins  sceptiques  que  la  commission  créée  par 
Louis  XVIII,  en  mai  1814,  pour  examiner  les  services  des  officiers  qui 
avaient  défendu  le  trône  et  l'autel  les  armes  à  la  main  pendant  la  Révolu- 
tion ou  l'Empire.  La  commission,  présidée  par  le  prince  de  la  Trémoille, 
refusa  de  se  prononcer  sur  une  foule  de  réclamations,  par  la  raison  que  «  les 
armées  royales  du  Midi  n'avaient  pas  été  belligérantes  »  et  parce  qu'il 
n'était  resté  «  aucune  connaissance  authentique  »  de  leur  organisation  *. 

Papin  obtint  cependant  le  titre  de  maréchal  de  camp  ;  quelques  autres,  des 
grades  moins  élevés,  Roger  ^,  par  exemple,  celui  de  colonel  de  gendarmerie. 
Les  royalistes  du  Midi  protestèrent  contre  la  décision  de  la  commission.  Ils 
soutinrent  que  cette  armée  royale  avait  été  régulièrement  formée,  avec  ses 
cadres,  ses  divisions,  ses  compagnies,  son  administration,  son  matériel 
d'armes,  d'équipement,  de  munitions,  ses  drapeaux,  «  Par  l'ordre  du 
monarque,  dont  il  était  destiné  à  préparer  le  retour,  l'Institut,  affirmait 
Dupont,  a  fait  flotter  ses  bannières  invisibles  sur  le  Midi  de  la  France, 
depuis  Lyon  jusqu'à  la  Méditerranée  ^    « 

Contentons-nous  de  rechercher  les  traces  de  ces  «  compagnies  d'élite  », 
forces  agissantes,  les  seules  sans  doute,  de  l'Institut.  Ces  petites  bandes  fu- 
rent dirigées  par  les  Labarthe,  Roger,  Destang,  Tafifard  Saint-Germain',  etc.  ; 
elles  se  confondent  trop  aux  yeux  de  l'historien  avec    celles  des  conscrits   et 


1.  Rollac  cite  celle  du  «  commandant  »  Latour-Olanier  (p.  213).  Lestrade  (il 
écrit  Estrade)  était  lieutenant  et  Destang  sous-lieutenant. 

Latour  Olanier  dirigea  la  plupart  des  coups  de  main  de  Tlnstitut,  sauva  nombre 
d'émigrés  «  arrachés  aux  gendarmes  »,  dut  s'enfuir  pour  échapper  aux  recherches 
dont  il  était  l'objet,  et  mourut  à  Saint-Domingue,  peut-être  assassiné  Voir  VEssait 
p.  60  ;  Rollac,  p.  213  ;  les  Mémoires  de  la  marquise  de  la  Rochejaquelein,  p.  234. 

2.  Mémoire  historique,  p.  24,  25. 

3.  Essai,  p.  129-130.  Cf.  Mémoire  historique,  p.  36  :  «  plus  de  20.000  hommes  » 
pour  la  Guyenne  ;  HoUac,  p.  20,  évalue  ces  iorces  à  30.000  hommes  pour  la 
Gironde  et  les  Landes,  et,  p.  211,  à  10.000  hommes  pour  Bordeaux  et  ses  arrondis- 
sements. 

4.  Essai,  p.  120  ;  Chassin,  t.  III,  p.  744  (il  est  question  de  l'organisation  de 
1804). 

5.  Dans  l'Institut  il  est  «  capitaine  de  la  compagnie  des  guides  à  cheval  ». 
Hollac,  212.  Voir  sa  biographie,  ci-dessous. 

6.  Essai,  p.  130,  133. 

7.  Le  principal  chef  du  complot  de  1814,  prépara  l'entrée  du  duc  d'Angouléme 
le  12  mars.  Voir  notre  conclusion. 


XXIV  INTRODUCTION 

réquisitionnaires  déserteurs,  détrousseurs  de  diligences  ou  chaufifeurs  qui 
parcouraient  la  Gironde  en  l'an  VII  et  en  l'an  VIII. 

Elles  inquiétèrent  assez  l'autorité  départementale,  dès  1797,  pour  que  cellp-ci 
s'occupât  d'en  rechercher  les  organisateurs.  Le  commissaire  du  Directoire 
près  l'Administration  départementale,  Partarrieu,  signalait  au  Bureau  cen- 
tral les  «  hommes  pervers  vendus  à  la  cause  de  Louis  XVIII  (qui  a  des  agents 
très  zélés  dans  cette  commune)  et  qui,  pour  le  servir  de  leurs  personnes  et 
de  leur  fortune,  se  sont  enrôlés  à  son  service  ».  Il  dénonçait  un  ancien  offi- 
cier au  régiment  de  Champagne,  Dupuy  (sans  doute  Maillan».  qui  «  devait 
avoir  le  commandement  de  la  cavalerie  dans  le  département  et  qui  enrôlait 
un  grand  nombre  de  jeunes  gens  dans  l'armée  de  Louis  XVIII  ».  On  fit  des 
perquisitions  inutiles  dans  la  rue  Sainte-Catherine  ;  le  secret  était  bien 
gardé  *. 

Mais,  en  1799,  l'existence  des  bandes  royales  n'est  plus  un  secret.  L'Ecou- 
teur bordelais,  l'avocat  Bernadeau  ^,  dans  ses  Tablettes  encore  manuscrites, 
pourtant  si  précieuses  pour  1  histoire  de  Bordeaux,  note  au  30  ventôse  an 
VII  :  ((  On  parle  beaucoup  de  royalistes  qu'on  dit  tenir  des  assemblées  secrètes 
et  qu'on  dit  former  une  société  armée  au  besoin.  Cela  est  vrai,  mais  non 
prouvé  encore  ^    » 

Le  Bureau  central  exerce  une  surveillance  sur  les  embaucheurs  royaux, 
mais  les  commissaires  de  police  et  les  employés  d'administration  ne  sont  pas 
payés  ^  ;  la  garde  nationale  n'existe  que  sur  le  papier  ;  le  gouvernement 
n'envoie  pas  à  Bordeaux  de  forces  militaires  suffisantes.  Rien  d'étonnant  à  ce 
que  les  conspirateurs  échappent  aux  recherches.  Dans  les  premiers  jours  de 
thermidor  cependant,  on  fouille  la  maison  de  Louis  Hagry,  un  des  agents 
actifs  de  l'Institut,  ft  homme  d'un  zèle  extraordinaire  ^  ».  Le  Bureau  central 
y  trouve,  avec  des  objets  du  culte  célébré  clandestinement  chez  le  menuisier, 
90  paires  de  pistolets,  6  fusils  de  munition,  et  le  Bureau  dénonce  à  l'Admi- 
nistration départementale  le  «  dessein  d'armer  les  royalistes  que  la  voix  pu- 
blique annonce  s'organiser  dans  cette  commune  ».  On  arrête  Hagry,  Arno- 
zan,  Castelbert ''.  Hagry  reste  en  prison  plusieurs  mois,  mais  l'organisation 
de  l'Institut  demeure  secrète  :  Bernadeau  écrit,  le  9  frimaire  an  VIII  :  «  Le 
jury  d'accusation  de  Libourne  vient  d'acquitter  les    citoyens    Latte    et  Louis 

1.  O'Reilly,  Histoire  de  Bordeaux,  p.  294  du  VI^  volume. 

2.  Bernadeau  :  ses  manuscrits,  «  collection  héréditaire  de  mes  œuvres  »,  sont  con- 
servés à  la  Bibliothèque  municipale  de  Bordeaux.  Avocat,  il  tenait  sous  le  Direc- 
toire un  bureau  consultatif  d'agence  et  de  correspondance  pour  affaires  conten- 
tieuses  ;  fut  un  des  membres  actifs  du  Lycée,  société  musicale  et  littéraire  sous  le 
Directoire  à  Bordeaux,  professeur  d'histoire  au  Muséum  ensuite  ;  il  publia  les 
Antiquités  bordelaises,  le  Code  commercial,  les  Annales  de  la  ville  de  Bordeaux.  Le 
tome  VII  de  ses  Tablettes,  auxquelles  nous  empruntons  les  détails  qui  suivent,  con- 
tient la  série  des  faits  mémorables  de  la  vie  à  Bordeaux  depuis  la  Terreur 
(21  septembre  1793)  jusqu'au  milieu  du  Consulat  (22  septembre  1802).  Il  faut  se 
servir  de  ces  Tablettes  avec  prudence,  car  l'auteur  est  souvent  injuste  et  partial 
dans  ses  appréciations.  S'écrit  aussi  Bernadau. 

3.  Tablettes,  30  nivôse  an  VII. 

4.  Voir  Archives  départementales,  série  L,  547,  les  requêtes  des  commissaires  de 
police  (9  vendémiaire  an  VIII)  ou  employés  d'administration  (4  thermidor  an  VII), 
qui  se  plaignent  de  n'être  pas  payés  depuis  3  ou  6  mois. 

5.  Marquise  de  la  Rochejaquelein,  p.  231. 

6.  Registre  du  Bureau  central,  4  et  8  thermidor  an  VII,  Archives  municipales. 


INTRODUCTION  XXV 

(Hagry),  prévenus  d'amas  d'armes  dans  la  rue  de  Gourgues,  où  le  Bureau 
central  les  avait  arrêtés  en  thermidor  dernier.  On  a  fait  croire  qu'il  n'y  avait 
pas  d'indice  de  conspiration.  La  vérité  est  que  cela  devait  servir  à  armer  les 
compagnies  de  Fils  légitimes  qui  s'organisent  à  Bordeaux  secrètement  et 
que  nous  connaissons  personnellement  ^.  » 

Cependant  des  événements  graves  se  sont  produits  à  Bordeaux,  après 
l'arrestation  de  Hagry.  Les  jacobins  du  Cercle  de  la  Grande-Quille  ont 
adressé  à  l'Administration  du  département  une  déclaration  violente  «  contre 
les  éternels  ennemis  de  la  Révolution  qui  revêtent  la  robe  sanglante  de  la 
licence...,  s'agitent,  conspirent  ouvertement  dans  leurs  journaux...,  clandes- 
tinement par  des  amas  d'armes  et  de  munitions  de  guerre  et  par  des  écrits 
contre-révolutionnaires    répandus    avec   profusion  ^.  » 

Ils  ont  offert  leurs  services  et  placardé  une  affiche  sur  les  murs  de  la  ville, 
le  19  thermidor  La  Jeunesse  royaliste  a  arraché  l'affiche.  Sous  la  menace 
d'un  mouvement  royaliste,  l'Administration  a  fourni  des  armes  à  des  jaco- 
bins qui  parcourent  la  ville,  encadrés  de  commissaires  de  police.  Le  20, 
bataille  dans  les  rues  ;  les  jacobins  tirent  sur  la  Jeunesse  ;  il  y  a  des  tués, 
des  blessés,   dont  le  jeune  de  Lur-Saluces  qu'on  emprisonne. 

Dupont  affirme  qu'il  n'a  pas  prévu  ce  mouvement,  ne  l'a  point  ordonné, 
quil  y  était  même  opposé,  le  roi  ayant  défendu  tout  mouvement  partiel. 
C'est  l'ardeur  intempestive  de  la  Jeunesse  qui  en  est  cause.  La  publication 
de  la  loi  des  Otages  ce  même  jour  l'avait  exaspérée  ^.  Cependant  un  des 
présidents  d'arrondissement,  Coste,  avait  pris  une  part  active  à  la  mani- 
festation royaliste.  Il  dut  s'enfuir  et  se  cacher  du  côté  de  Lesparre.  Le 
Bureau  central  de  Bordeaux  en  prévint  l'Administration  centrale  et  celle 
de  Lesparre,  le  22  brumaire  an  VIII  :  «  Nous  vous  prévenons,  écrit-il, 
que  le  nommé  Cosse  *,  homme  très  suspect  sous  tous  les  rapports,  violem- 
ment soupçonné  d'avoir  prêté  une  main  active  à  tous  les  mouvements 
rébeUionnaires  des  19  et  20  thermidor  dans  cette  commune,  ainsi  qu'à 
l'émission  des  pamphlets  et  proclamations  royalistes  ^  qui  ont  été  répandus 
avant  cette  époque,  violemment  soupçonné  d  être  l'ami  des  royalistes  cons- 
pirateurs, que  cet  individu  est  depuis  25  à  26  jours  dans  les  communes  de 
Lesparre.  »  A  l'administration  de  Lesparre,  il  présentait  Cosse  comme 
«  très  dangereux,..,  un  des  agents  les  plus  dévoués  des  roj^alistes  ».  Un  des 
neveux  de  Dupont  fut  arrêté  à  la  suite  de  ces  journées  et  Dupont  dut  se  cacher 
lui-même   plusieurs  jours. 

Dans  les  rapports  qui  lui  furent   remis    les    21  23  thermidor,   dans  celui 


1  Tahlcllcs,  i)  friinain-  nii  VIII. 

2  Archivts  (Icpai  i<!iiunt;iles,  L,  547,  séance  de  l'Administralion  centrale  du 
16  thermidor  VII.  Le  15  thermidor,  les  membres  du  Bureau  central  demandaient  à 
rAdtiiiiiistration  de  faire  des  perquisitions  aux  environs  de  Bordeaux  (par  exemple 
à  Léognan),  où  «  les  émigrés  tenaient  leurs    conciliabules  ». 

3.  Voir  le»  Anna/es  de  Bcrnadeau,  à  la  date;  1  lissai,  p.  74,  elle  Mémoire  histo- 
rique,p.  18. 

4.  Archives  municipales,  correspondance  du  liureau  central  de  lan  VII  h 
lan  VIII. 

5.  Voir  dans  Essai,  p.  151,  les  Amis  confédérés  de  l'ordre  et  de  la  paix  aux  auto- 
rités départementales  de  la  Gironde,  pamphlet,  écrit  par  Dudon  de  Lcslrade,  à 
propos  de  la  loi  des  Ologes. 


XXVI  INTRODUCTION 

qu'elle  prépara  pour  le  ministre  de  la  police,  le  4  fructidor,  l'Administra- 
tion départementale  signala  l'agitation  royaliste  comme  dangereuse,  et  le 
26  thermidor  elle  prit  des  mesures  énergiques  pour  la  combattre  * .  Les 
jacobins  de  Bordeaux  annonçaient  même,  le  9  fructidor,  qu'une  contre  révo- 
lution, préparée  pour  la  veille,  avait  été  déjouée  par  le  Bureau  central  '^. 
Cependant  la  population  bordelaise  affectait  den  rire  et  6.000  signatures,  au 
Cercle  Séguineau,  couvrirent  une  pétition  adressée  au  Directoire  contre  la 
«  fusillade  anarchiste  du  20  thermidor  '^  ». 

A  ce  moment  la  Vendée  et  la  Bretagne  s'agitaient  (elles  s'insurgèrent  en 
octobre  pour  la  seconde  fois)  ;  les  roj'alistes  de  la  région  toulousaine  se 
soulevaient  (août)  sous  la  direction  d'un  ex-général  de  la  République,  Bougé, 
et  de  Paulo.  Ils  s'emparaient  de  Muret  et  de  quelques  villes,  tenaient  la 
campagne  pandant  une  quinzaine  de  jours  jusqu'à  leur  défaite  à  Montréjeau 
(3  fructidor)  et  leur  dispersion  *. 

Dupont,  que  le  Prétendant  avait  nommé  récemment  visiteur  des  provinces 
de  Saintonge,  d'Angoumois,  de  Limousin,  de  Périgord,  d'Agenais,  de 
Guyenne  et  d'une  partie  de  la  Marche  (décembre  1798)  °,  et  que  l'agence  de 
Lyon  avait  chargé  d'une  haute  surveillance  sur  les  arrondissements  des 
Landes  et  de  Toulouse  *^,  s'efforça  d'entrer  en  communication  avec  le 
visiteur  de  Toulouse  au  moment  de  l'insurrection,  comme  avec  l'Ouest.  Il 
se  tint  prêt  à  profiter  d'une  défaite  des  républicains  ou  d'un  nouvel  échec 
à  la  frontière  ^. 

La  mission  qu'il  envoya  à  Toulouse,  celle  du  sieur  Lestrade  (ou  Estrade), 
n'aboutit  pas  ^  ;  en  revanche,  il  entretint  avec  les  chefs  des  armées  ven- 
déennes ou  chouannes  une  correspondance  par  l'intermédiaire  d'un  ancien 
chef  de  chouans,  rentré  à  la  faveur  de  l'amnistie  de  1796,  Destravaux.  Ce 
«  Philibert  Destravaux,  resté  en  relations  avec  la  Vendée  et  avec  l'Angleterre», 
fut  dénoncé  par  le  Bureau  central  de  Bordeaux  à  l'Administration  départe- 
mentale, le  7  fructidor,  comme  soudoyé  «  pour  se  réunir  aux  conspirateurs 
qui  se  rassemblent  à  l'effet  de  favoriser  un  mouvement  royaliste    ^  ». 

Le  ministre  de  la  police,  Fouché.  s'inquiétait  de  cette  agitation  royaliste 
sans  en  connaître  encore  bien  toutes  les  causes.  Il  écrivait  au  Bureau 
central,  le  24  thermidor  :  «  Les  royalistes  ont  éclaté  et  le  sang  a  coulé  dans 
votre  commune...  J'approuve  les  mesures  sages  et  vigoureuses  que  vous 
avez  prises.  Vous  m'annoncez  l'arrestation  de  plusieurs  chefs  de  la  ré- 
volte. Leurs  affaires  se  lient  à  celles  des  embaucheurs  et  émissaires  de 
Louis  XVIII  10.  „ 

1.  Archives  départementales,  série  L,  547, 

2.  Tablettes,  9  fructidor  an  VII. 

3.  Tablettes,  14  fructidor  an  VII. 

4.  Voir  Lavigne,  Histoire  de  V insurrection  royaliste  de  l'an  VIII,  in-18,  Paris, 
1887;  et  les  mémoires  du  baron  de  Rougé  dans  les  Mémoires  de  tous-  Cf.  Aulard, 
Histoire  politique,  p.  676. 

5.  Le  brevet  du  roi  cité  dans  l'Essai,  p.  139. 

6.  Essai,  p.  74-75. 

7.  L'Italie  était  perdue  après  la  défaite  de  Novi  (15  août). 

8.  Essai,  p.  78-79    Voir  ci-dessus  la  biographie  de  Lestrade. 

9.  Mémoire  historique,  p.  25,  et  Essai,  p.  81  ;  Archives  municipales.  Police  du 
Bureau  central. 

10.  O'ReilJy,  Histçire  de  Bordeaux,  p.  320  du  t.  \T. 


INTRODUCTION  XXVII 

Les  Fils  légitimes  donnaient  la  mesure  de  leur  audace  et  de  leur  force  en 
enlevant  de  1  hôpital  Saint-André,  à  Bordeaux,  le  30  vendémiaire  an  VIII,  à 
8  heures  du  soir,  deux  agents  de  l'Institut,  Morille  et  Elissagaray.  avec 
seize  hommes  déguisés  en  chasseurs  basques  qui  terrorisèrent  le  concierge  et 
le  garde.  De  ces  deux  agents,  l'un  était  prévenu  d'émigration  et  l'autre 
d'embauchage  au  profit  du  Prétendant.  Dupont,  comme  Papin  dans  sa 
requête  au  roi,  se  vante  d'avoir  ordonné  le  coup.  Bernadeau,  en  relatant  ce 
fait,  le  commente  :  «  Ce  coup  hardi  a  été  exécuté  par  les  Fils  légitimes, 
bande  secrète  de  royalistes,  qu'on  dit  organisée  et  dirigée  par  M.  Papin 
jeune,  épicier  de  cette  ville,  qui  s'est  donné  une  réputation  ostensible  de 
patriotisme  dont  il  use  au  profit  de  son  parti.  Il  a  été  municipal  en  1796.  » 
(30  vendémiaire  VIII  *.) 

Telle  est  l'organisation  et  la  force  de  l'Institut  Philanthropique  à  la  veille 
du  Consulat  Dupont  va  jusqu'à  prétendre  que,  sans  la  victoire  de  Zurich, 
l'Institut  aurait  levé  victorieusement  l'étendard  royaliste  dans  le  Midi  de  la 
France  ^ 

On  verra  plus  loin  le  récit  du  voyage  de  Dupont-Constant  à  Augsbourg, 
sou  entrevue  avec  Wichkam,  l'ambassadeur  anglais  en  Souabe,  avec  Pichegru 
et  Willot,  organisateurs  du  complot  de  l'an  VIII  dans  le  midi  de  la  France. 

Quand  Dupont  revint  à  Bordeaux,  il  s'adjoignit  comme  collaborateur 
principal,  secrétaire  général  de  l'Institut,  Mathieu  de  Boissac,  ancien  pré- 
sident de  l'élection  de  Guyenne,  récemment  revenu  d'émigration. 

Voici,  d'après  les  pièces  originales  conservées  par  la  famille  de  Boissac,  le 
brevet,  scellé  aux  armes  de  France,  que  Dupont  délivra  au  secrétaire  général 
de  l'Institut. 

«  De  par  le  Roi,  nous  agent  et  visiteur  de  l'Institut  dans  les  provinces  de 
Saintonge,  Angoumois,  Limousin,  Périgord,  Agenois,  Guyenne,  et  d'une 
partie  de  la  Marche,  nommé  par  brevet  de  S.  M.  Louis  XVIII,  délivré  à 
Mittau,  le  1^^»'  décembre  de  l'an  de  grâce  1798  et  le  4"'«  du  règne  de  S.  M. 
très  chrétienne,  après  nous  être  bien  assuré  des  principes,  du  zèle  et  de  la 
fidélité  à  la  cause  du  Roi  du  sieur  Tristan,  l'avons  nommé  et  nommons 
secrétaire  général  de  notre  arrondissement  pour  servir  en  cette  qualité  prés 
de  notre  personne  et  contresigner  tous  les  actes  qui  intéresseront  le  service 
de  S.  M.  à  dater  de  ces  présentes. 

«Donné  à  Bordeaux,  sous  le  contreseing  du  secrétairegénéral  de  l'arrondis- 
sement, le  9  mars  de  l'an  de  grâce  1800  et  du  règne  de  Sa  Majesté  le  6«.  — 
[Signé]  Constant  et  (au-dessous),  par  mandement, Tristan,  secrétaire  général.  » 

Après  son  élargissement,  en  1802,  Dupont  donnait  à  M.  de  Boissac  l'attes- 
tation suivante  : 

«  Je  soussigné,  visiteur  général  de  l'ordre  de  l'Institut  général  établi  dans 
le  département  de  la  Guiennepar  brevet  de  S.  M.  Louis  XVIII,  certifie  à  qui 
il  appartiendra  que  le  brevet  de  secrétaire  général  de  l'ordre,  par  moi  délivré 
à  M.  Tristan,  appartient  à  la  personne  de  M.  Ch.  Henri  Mathieu  de  Boissac, 

1.  Archives  départementales,  L,  72,  Cf.  le  registre  de  délibérations  de  l'Adminis- 
tration départcnienlale,  L,  547  ;  Essai,  p.  82  ;  Archives  municipales,  J,  87, 
extrait  des  registres  du  Tribunal  criminel  ;  Tablettes,  30  vendémiaire  an  Vlll 
^21  octobre  1799). 

2.  Essai,  p.  36,  37. 


XXVIII  INTRODUCTION 

ci-devant  président  de  l'élection  de  Guienne,  séante  à  Bordeaux.  En  foi  de 
quoi,  pour  lui  servir  en  tant  que  de  raison.  Bordeaux,  le  20  avril  1802. 
(Signé)  Constant  *.  » 

1.  Le  tout  de  l'écriture  de  Dupont-Constant.  Mathieu  "de  Boissac  (Charles -Henri), 
né  à  Libourne  en  1754,  conseiller  du  roi  et  président  de  l'élection  de  Guyenne  (il 
succéda  en  mai  1784  à  Cop  Martin,  décédé,  comme  en  témoignent  les  lettres  de 
provision  conservées  par  la  famille  ;  il  avait  acheté  son  office  24.000  livres),  fut 
condamné,  le  3»^  jour  de  la  décade  du  2*  mois  de  l'an  11,  par  la  commission  mili- 
taire séante  à  Libourne  et  présidée  par  Lacombe,  à  être  «  détenu  jusqu'à  la  paix  », 
comme  a  accusé  d'aristocratie...  et  soupçonné  d'émigration  ».  Il  dut  s'enfuir, 
émigra  en  Espagne,  où  nous  le  retrouvons  en  janvier  1799  (à  Pampelune).  Il 
obtint  à  cette  date,  pour  rentrer  en  France,  un  passeport  qui  a  été  conservé.  Il 
revint  à  Bordeaux  ou  à  Libourne,  se  fit  rayer  de  la  liste  des  émigrés,  mais  resta 
sous  la  surveillance  de  la  police  de  Libourne  jusqu'en  brumaire  an    X. 


PREMIERE  PARTIE 


1796-1800 


LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

ET 

LES   INSTITUTS    PHILANTHROPIQUES   DU   MIDI 

CELUI  DE  BORDEAUX  EN  PARTICULIER 


A.    —  L'ANGLETERRE  ET  LA  FONDATION  DES  INSTITUTS  (1796-98). 

Pour  appuyer  les  cfiForts  de  la  première  coalition.  l'Angleterre  avait  fourni 
de  l'argent  et  des  armes  aux  Vendéens  et  aux  chouans,  et  son  envoyé  en 
Suisse,  Wickham,  avait  essayé  avec  Gondé  de  soulever  les  provinces  orien- 
tales de  la  France,  même  de  débaucher  l'armée  de  Rhin-et-Moselle,  com- 
mandée par  Pichegru. 

Dans  les  derniers  mois   de  1796,   elle  se  rendait  compte  de  son  échec. 

Non  seulement  la  coalition  était  vaincue,  car  la  France  avait  envahi  la 
Belgique,  la  Hollande,  l'ouest  de  l'Allemagne  et  l'Italie  du  Nord,  mais  les 
insurrections  de  l'Ouest,  comme  les  intrigues  de  lEst,  avaient  échoué.  Stofflet 
et  Charette  avaient  payé  de  leur  tête  leur  soulèvement  (février-mars  1796)  ; 
la  Vendée  était  pacifiée  par  Hoche,  et  Pichegru  avait  perdu  son  comman- 
dement. 

Sur  le  conseil  de  Wickham,  qui  s'inspirait  lui-même  des  avis  de  Dandré, 
l'cx- constituant,  réfugié  en  Suisse,  le  ministère  anglais  parut  alors  renoncer, 
momentanément  au  moins,  à  provoquer  des  mouvements  royalistes  en  France, 
pour  paralyser  l'action  du  gouvernement  français  au  dehors.  Mais  il  encou- 
ragea et  soudoya  le  complot  constitutionnel  d'une  partie  des  Conseils  et  de 
l'Institut  Philanthropi(iue. 

Nous  avons  étudié  ailleurs  les  relations  de  'Wickham  avec  les  Conseils 
par  1  intermédiaire  de  Dandré,  son  envoyé  à  Paris.  Nous  citons  ici  les 
documents  qui  prouvent  ses  rapports  avec  l'Iuslilut  dès  sa  fondation. 

1 


2  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

1.   —  Le  mémoire  de  V agence  royale  de  Paris. 

Le  23  août  1796,  le  représentant  du  prétendant  à  Londres,  le  duc 
d'Harcourt,  envoyait  au  ministère  Grenville  un  mémoire  émané  des 
trois  personnes  employées  en  France  par  M.  Wickham  ^.  Ce  mémoire 
démontrait  que  les  circonstances  n'étaient  «  pas  assez  mûres  pour 
le  rétablissement  de  la  royauté  »,  et  que  les  royalistes  devaient  «  se 
préparer  dans  le  silence  à  diriger  les  événements  et  à  en  profiter  ». 
Le  duc  d'Harcourt  insistait  sur  ces  conclusions  dans  sa  lettre  d'en- 
voi :  «  Les  circonstances  dans  lesquelles  se  trouve  l'intérieur 
paraissent  commander  impérieusement  de  substituer  le  plan  ci-joint 
à  tout  ce  qui  a  cessé  d'exister,  et  qui  doit  remplacer  d'une  manière 
infiniment  mieux   combinée. ..  les  rassemblements  de  royalistes.» 

Plus  de  «  guerre  d'action  »,  mais  une  «  guerre  d'opinion  »  !  Faire 
tourner  l'impopularité  du  régime  directorial  au  profit  du  roi  :  voilà 
le  but.  Pour  cela  on  s'eff'orcera  de  réunir  des  majorités  hostiles  à  ce 
régime  dans  les  assemblées,  assemblées  primaires  ou  électorales, 
conseils  des  Cinq-Cents  et  des  Anciens.  «  C'est  avec  ces  majorités  de 
chouans  bien  employées  qu'on  opérera  la  contre-révolution.  » 

On  formera  à  Paris  et  dans  les  départements  des  sociétés  roya- 
listes. «  Il  faut,  en  changeant  les  signes  maçonniques,  profiter  de 
cette  institution  pour  obtenir  des  moyens  de  reconnaissance.  Sans 
avoir  de  sociétés  publiques  et  de  comités  comme  les  jacobins,  il 
faut  chercher  à  obtenir  les  mêmes  résultats.  »...  «  Ce  n'est  pas 
une  société  qu'il  faut  établir,  mais  des  sociétés  dont  on  dirigera  le 
vote,  qu'on  pourra  rassembler  en  cas  de  besoin. 

«  La  trahison,  l'indiscrétion  même  étant  un  des  obstacles  les  plus 
dangereux  d'un  pareil  établissement,  il  faut  :  V  qu'à  l'exception  des 
chefs  correspondant  directement  avec  Paris,  tous  les  sociétaires 
ignorent  le  but  de  l'institution  ;  2o  que  les  sous-chefs  ne  connaissent 
que  le  chef  principal  du  département  et  point  du  tout  sa  correspon- 
dance avec  Paris  ;  3°  que  le  secrétaire  particulier  ne  connaisse  que  le 
sous-chef  de  son  canton  ;  4°  que  les  mots  de  passe  soient  tels  qu'en 
cas  qu'ils  fussent  découverts,  ils  ne  présentassent  d'autre  but  de  la 
part  des  sociétaires  que  celui  de  se  reconnaître,  afin  de  pouvoir  se 
réunir  pour  seconder  le  gouvernement  contre  les  entreprises  des 
jacobins  et  des  anarchistes.   » 

Suit  un  projet  d'organisation  de  ces  sociétés.   Elles  seront  favo- 


1.  L'abbé  Brottier.  DuvernedePresleetDespomelIes,  les  trois  principaux  membres 
de  l'agence  de  Paris  subventionnée  par  Wickham.  Voir  Caudrillier,  la  Trahison 
de  Pichegru,  p.  73  et  100.  Despomelles,  maréchal  de  camp  avant  la  Révolution,  ami 
et  collaborateur  de  Lemaître  qui  fut  condamné  à  mort  en  novembre  1795,  a  fait  le 
règlement  des  Instituts  et  des  divisions  militaires,  déclare  Duverne,  le  17  ventôse  IV 
(Barras,  Mémoires,  t.  II,  p.  340). 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  3 

râbles  au  gouvernement  en  apparence,  hostiles  aux  jacobins  seule- 
ment, essentiellement  pacifiques  jusqu'au  jour  de  la  levée  en  masse 
ordonnée  par  le  roi  On  établira  «  non  seulement  dans  les  dépar- 
tements autour  de  Paris,  mais  dans  tous  ceux  où  il  sera  possible, 
non  pas  un  comité  de  correspondance,  mais  un  commandant  qui 
sera  seul  chargé  de  la  correspondance  avec  Paris...  Les  limites 
de  chaque  présidence  (car  ces  commandants  n'auront  dans  le  public 
d'autre  titre  que  celui  de  président  des  Amis  de  l'Ordre)  seront 
tracées  dans  tous  les  sens  par  le  centre  de  correspondance...  Les 
présidents  ne  doivent  jamais  oublier  qu'aux  yeux  vulgaires,  1  éta- 
blissement ne  doit  avoir  pour  but  que  la  résistance  à  la  tyrannie 
des  jacobins.  En  conséquence,  il  leur  sera  expressément  enjoint 
de  ne  jamais  émettre  en  public  d'autre  vœu  que  l'amour  de  l'ordre. 
Toute  guerre  partielle  étant  non  seulement  inutile,  mais  même 
dangereuse  pour  la  bonne  cause,  il  faut  se  lever  en  masse  ou  rester 
passifs.  Aucun  président  ne  piourra  former  aucun  rassemblement  de 
sociétaires,  ni  commettre  aucun  acte  d'hostilité  sans  l'ordre  du  roi, 
qui  leur  sera  communiqué  par  le  centre  de  correspondance...  » 

«  Les  présidents  diviseront  leur  présidence  en  autant  de  cantons 
qu'ils  le  jugeront  convenable.  Ils  placeront  à  la  tête  de  chacun  un  chef 
qui  sera  connu  sous  le  titre  de  secrétaire  des  Amis  de  l'Ordre.  11 
devra  ignorer  la  correspondance  avec  le  centre  de  Paris.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

Le  mémoire  fait  suite  à  la  lettre  du  duc  d'Harcourt  Le  6  septembre  1796, 
l'agent  du  comte  d'Artois  à  Londres.  Dutheil,  demandait  à  Grenvillc  si  ce 
plan  d'organisation  secrète  des  sociétés  royalistes  lui  convenait.  La  lettre  de 
Wickham  du  27  août  1797,  ci-dessous  citée,  prouve  que  Grenville  accepta 
le  plan,  car  il  fournit  des  subsides  à  llnstitut  Philanthropique. 

2.    —   La    correspondance    de  Dandré   avec    Wickham    avant 
Fructidor. 

(Analyse  et  extraits.) 

En  1797,  caché  à  Paris  ou  dans  les  environs,  l'ex-constituant  Dandré  s'est 
mis  en  relations  avec  Dcspomellcs  qui  a  rédige  le  règlement  des  Instituts  et 
qui,  après  l'arrestation  de  Brottier  et  de  Duverne  de  Prcslc,  en  janvier,  reste 
seul  pour  les  diriger.  Il  comprend  le  parti  qu'il  peut  tirer  de  l'action 
politique  des  Instituts  dans  les  départements,  offre  à  Despomdles  son  appui 
auprès  de  Wickham  pouren  obtenir  des  fonds,  et,  grâce  à  l'argent  que  lam- 
bassadeur  met  à  sa  disposition,  il  multiplie  les  Instituts  en  dehors  de  la 
région  parisienne,  dans  le  Midi  surtout,  et  se  charge  de  leur  faire  pas.ser  des 
instructions  et  des  ordres. 

En  fait  il  prend  la  direction  des  Instituts  du  Midi,  charge  Caire  (Jardin), 
président  de  l'Institut  de  Marseille,  de  faire   une  tournée  dans  les  provinces 


4  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

méridionales.  Nous  savons  que  Caire  est  passé  par  Bordeaux,  qu'il  a  décidé 
Dupont  Constant  à  fonder  l'association  girondine  ;  il  revient  à  Paris  à  la  fin 
d'août,  car  Dandré  annonce  à  Wickham  le  retour  d'un  voyageur  venant  du 
Midi  qui  lui  apporte  des  nouvelles  des  Instituts  et  de  Marseille.  Il  repart 
pour  le  Midi  en  septembre,  après  le  coup  d'Etat,  pour  empêcher  une  insur- 
rection. 

Ces  détails  nous  sont  fournis  non  seulement  par  les  brochures  de  Dupont- 
Constant  (Voir  l'introduction),  mais  aussi  par  les  lettres,  si  importantes 
pour  l'histoire  de  la  conspiration  anglaise  avant  Fructidor,  lettres  que 
Dandré  adressait  à  Wickham  et  qu'il  lui  faisait  porter  en  Suisse  par  des  agents 
secrets,  Bayard  entre  autres.  Ces  lettres  se  retrouvent  aux  Archives  du 
Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  mêlées  à  la  correspondance  de  l'am- 
bassadeur avec  Grenville.    Dandré  signe  ces  lettres  Kilien  ou  Berger. 

Dandré  écrit,  en  mai  1797,  à  Wickham  (lettre  apportée  par  Bayard)  : 

«  Les  sociétés  s'organisent  dans  plusieurs  départements.  Avant 
trois  mois  elles  seront  établies  partout.  >>  —  Le  30  juin,  Wickham 
annonce  à  Grenville  que  Fabbé  Delamarre  est  arrivé  à  Berne  venant 
de  Paris,  accompagné  de  Bayard,  avec  un  plan  que  Dandré  propose 
et  que  l'abbé  devra  faire  approuver  au  roi.  Un  des  objets  principaux 
de  ce  plan  est  «  d'établir  des  associations  de  propriétaires  dans 
chaque  département  suivant  le  système  adopté  pour  la  formation  de 
rinstitut  Philanthropique,  système  connu  de  V.  E.  (Grenville).  Ces 
associations  auront  pour  but  d'influencer  le  choix  des  administra- 
teurs, de  les  encourager  et  de  les  soutenir.  » 

Le  29  juillet,  Dandré  annonce  qu'il  est  «  très  occupé  de  l'organisa- 
tion des  Philanthropes  du  Midi  ».  Il  déclare  à  l'ambassadeur  :  «  Rien 
n'est  meilleur  que  l'Institut,  parce  qu  il  nous  fait  travailler  avec 
sûreté  et,  si  on  nous  laisse  le  temps  d'arriver  en  germinal,  l'effet  est 
immanquable.  Tous  les  efforts  du  Directoire  doivent  tendre  à  empê- 
cher les  élections  ;  tous  les  nôtres  doivent  tendre  à  y  parvenir,  et 
d'ici  là  à  serrer  et  coaliser  les  honnêtes  gens.  »  —  Le  18  août,  «  la 
Philanthropie  va  bien  ;  elle  pourrait  aller  mieux  si  Despomelles 
n'était  pas  un  peu  mou.  Il  boit  un  peu,  et  l'après-midi  il  n'est  pas 
bon  à  grand'chose.  Je  lui  ai  remis  ses  1.900  louis.  » 

Car  Wickham  a  consacré  une  somme  fixe  par  mois  à  l'Institut  : 
«  M.  Wickham,  écrit  Leclerc,  secrétaire  de  l'ambassadeur,  à  La 
Barberie  ^  et  à  Despomelles  (26  juillet),  a  pris  sur  lui  de  vous  accor- 
der la  somme  que  vous  demandez.  Kilien  (Dandré)  a  ordre  de 
remettre  à  Despomelles  en  deux  paiements  la  somme  de  2.000  louis, 
sauf  200  louis  qu'il  m'a  ordonné  de  retenir  entre  mes  mains  pour  de 
petits  services  imprévus,  tels  que  les  appointements  de  Valdené;  les 


1.  La  Barbarie,  principal  collaborateur  de  Despomelles,  envoyé  par  lui  en   jan- 
vier 1797  à  Blaakembourg,  pour  exposer  au  roi  les  résultats  obtenus  déjà. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  5 

frais  de  voyageurs,  etc.  On  a  la  plus  grande  espérance  d'être  autorisé 
à  payer  régulièrement  la  même  somme  avec  la  même  retenue.. .  On 
tient  à  ce  que  cette  somme  soit  rigoureusement  appliquée  à  la  forma- 
tion des  Sociétés  Philanthropiques  et  à  ce  que  les  chouans  n'en 
emportent  rien,  excepté  la  juste  proportion  de  leur  partie.  » 

C'est  pourquoi  Wickham  annonce  à  Grenville,  le  27  août  :  «  Vous  êtes 
entièrement  soulagé  des  dépenses  de  l'Institut  Philanthropique  *.  »  Il  lui 
envoie  la  copie  de  la  lettre  ci-jointe  de  Leclerc.  Il  ajoute  ce  détail  important  : 
Despomelles  n  a  pas  à  s'occuper  des  dépenses  de  l'Institut  dans  22  dépar- 
tements, dont  Dandré  a  pris  l'entière  direction.  Ainsi  les  2.000  louis  par 
mois  servaient  à  payer  l'Institut  dans  moins  de  50  départements,  puisque 
Dandré  évalue,  dans  son  rapport  d'octobre,  à  70  le  nombre  de  ceux  où 
l'Institut  a  pris  racine. 

Cette  somme  est  régulièrement  payée  à  Despomelles  par  le  banquier 
Jacques  Martin  ;  quant  à  Dandré,  il  reçoit  4.000  louis,  pour  son  «  travail  de 
Paris  ))    et  pour  les  autres  Instituts,  par  le  banquier  Baboin 

Quelques  jours  avant  le  coup  d'Etat,  le  28  août,  Dandré  exprime  encore 
la  satisfaction  que  lui  cause  le  développement  de  l'Institut,  en  particulier  ses 
progrès  dans  les  départements  du  Midi  : 

«  Il  m'arrive  un  voyageur  venant  du  Midi  ^  ;  l'Institut  y  est  établi 
d'une  manière  avantageuse  dans  20  départements.  On  y  met  un  peu 
de  mollesse  dans  le  Lyonnais.  Il  faudra  que  M.  de  Précy  écrive  un 
mot  à  M.  de  Lacombe  pour  l'engager  à  activer  son  travail.  Il  y  a  un 
grand  mouvement  à  Marseille  :  les  honnêtes  gens  ont  perdu  deux 
hommes,  mais  ils  ont  fini  par  être  vainqueurs.  Les  Jacobins  sont  en 
fuite.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse.) 

3.  —  Le  rapport  doctohre. 

(Extraits  et  analyse.) 

Ce  rapport,  que  Dandré,  réfugié  en  Suisse  après  le  18  Fructidor,  remit  à 
Wickham,  a  été  publié  en  partie  par  Ballot  dans  le  Coup  d'Etat  du  18  Fruc- 
tidor. Nous  publions  les  Jjassages  intéressant  l'Institut,  qu'il  n'a  pas  pu- 
bliés. 

«...  Après  avoir  fait  nommer  les  députés,  écrit  Dandré,  il  fallait 
songer  à  les  soutenir.  J'avais  eu  le  projet  de  faire  des  sociétés  dans 
chaque  département,  d'établir  entre  elles  une  correspondance...  On 
me  proposa  le  plan  de  l'Institut  Philanthropique.  Je  renonçai  sur-le- 
champ  au  mien  qui  me  parut  moins  bon  que  celui  de  1  Institut,  et 
j'embrassai  celui-ci  avec  ardeur.  J'employai  à  cet  établissement,  qui 

1.  Donc  Grenville  faisoit  passer  dos  fonds  h  Despomelles  pour  l'Institut. 

2.  Sans  doute  Caire  (Jardin). 


6  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

n'était  encore  qu'un  projet,  une  partie  des  fonds  que  vous  m'aviez 
confiés.  Des  voyageurs  parcoururent  les  départements  et,  dans  le 
court  espace  de  six  semaines,  l'Institut  avait  jeté  des  racines  dans 
plus  de  70  départements.  Dans  quelques-uns,  tels  que  les  Bouches- 
du- Rhône,  Vaucluse,  Gironde,  Ardèche,  Seine-Inférieure,  il  était 
solidement  établi,  et  tous  les  administrateurs  avaient  été  pris  parmi 
les  Philanthropes... 

((  Chaque  jour  l'Institut  prenait  de  nouveaux  accroissements,  et  je 
ne  doute  point  que,  sans  la  catastrophe  qui  nous  a  écrasés,  les  élec- 
tions de  germinal  prochain  n'eussent,  été  entièrement  à  nous.  Un 
journal  de  premier  rang  destiné  à  servir  dans  la  suite  de  véhicule  à 
notre  correspondance,  était  entrepris.  Des  voitures  transportaient 
nos  lettres  à  l'abri  des  atteintes  du  gouvernement  ;  des  signaux  de 
reconnaissance,  une  communication  très  active  avec  les  présidents 
de  départements,  tout  nous  faisait  espérer  que  nous  acquerrions 
une  connaissance  exacte  du  nombre  des  bons  Français,  que  nous  les 
rallierions,  et  que  le  désordre  s'approchait  de  sa  fin...  » 

Avant  que  le  coup  d'Etat  éclatât,  Dandré  se  proposait  de  faire  servir  l'Ins- 
titut à  la  défense  de  l'Assemblée,  à  Paris. 

«  Le  dimanche  (17  fructidor),  les  agents  généraux  de  la  Philan- 
thropie et  les  affidés  généraux  de  Paris  se  rendirent  chez  moi.  Après 
une  longue  conférence,  il  fut  décidé  qu'ils  se  rendraient  dans  les 
municipalités,  que  tout  se  préparerait,  et  que,  s'il  y  avait  quelque 
danger,  ils  reviendraient  à  dix  heures  du  soir  chez  moi...  A  neuf 
heures, un  député,  qui  nous  servait  en  partie  d'intermédiaire  avec  les 
inspecteurs,  vint  chez  moi.  J'étais  avec  Léon  i,  un  des  agents  géné- 
raux. Il  nous  assura  qu'il  n'y  avait  rien  à  craindre  pour  ce  soir... 
Aucun  des  affidés  n'étant  revenu,  je  pensai  aussi  qu'il  n'y  avait  rien 
à  craindre.  » 

Après  le  coup  d'Etat,  Dandré  croyait  encore  que  l'Institut  pouvait  réparer 
le  mal  que  la  vigilance  du  Directoire  avait  fait  à  son  parti.  Il  importait  peu 
que  le  gouvernement  eût  découvert  ses  règlements,  car  «  on  n'a  pu  décou- 
vrir, ajoutait-il,  les  présidents  des  départements  et  les  agents  généraux  ; 
aucun  des  fils  n'a  été  rompu  ;  tous  les  présidents  sont  choisis  ;  il  ne  reste 
plus  qu'à  renouer  la  correspondance.  )) 

Despomelles  et  les  agents  généraux  suffisaient  pour  diriger  l'Institut,  si  les 
dénonciations  ne  les  forçaient  pas  à  quitter  la  France.  Il  importait  d'ail- 
leurs d'éviter  tout  mouvement  partiel. 

«...  Pénétré  de  cette  idée,  j'ai  fait  partir,  le  mercredi  20  fructi- 
dor. Jardin  ^   président   du   département  des    Bouches-du-Rhône, 

1.  Voir  ci-dessous  la  note  de  Desmarets  sur  Léon  Dubois,  chirurgien. 

2.  Caire.  Voir  ci-dessus,  introduction,  p.  xvi. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  7 

département  le  mieux  organisé  de  tous,  pour  empêcher  qu'on  ne  fît 
quelque  imprudence.  Il  se  concertera  avec  les  honnêtes  gens  de 
Lyon. 

.  .  Il  sera  essentiel  d'obtenir  du  roi  qu'il  n'envoie  plus  d'agents 
en  France.  Les  aliments  qui  restent  suffisent  pour  diriger  et  entre- 
tenir l'Institut  Philanthropique.  La  Barberie  et  Despomelles  sont 
les  hommes  qu'il  faut  pour  cela.  » 

Record  Office,  Foreign  Office,  France.  [Voir 
le  reste  du  mémoire,  dans  Ballot,  le  Coup 
d'Etat  du  18  Fructidor.] 

4.  —  2  mai  1798.  Lettre  de  Dandré  à  d'Avaray. 

(Extrait.) 

Cette  lettre  a  été  publiée  par  M.  de  Martel  dans  ses  Historiens  fantai- 
sistes, la  Machine  infernale,  p  290  à  291. 

Elle  prouve  que  Dandré  a  conservé  dans  l'agence  de  Souabe  (de  Vezet, 
Précy.  Dandré,  Imbert-Colomès)  \  à  laquelle  le  Prétendant  a  délégué  ses 
pouvoirs  sur  la  France  de  l'Est  et  du  Sud,  la  direction  des  Instituts  roya- 
listes. 

Il  semble  d'ailleurs  qu'à  cette  date  l'Institut  ait  perdu  de  son  importance 
dans  les  départements  autour  de  Paris.  Après  le  coup  d'Etat  de  Fructidor, 
Despomelles  s'est  terré  dans  les  environs  de  la  capitale,  et  il  n'est  plus  ques- 
tion de  lui  dans  les  documents  anglais.  La  Barberie  s'est  enfui  à  Londres, 
comme  le  prince  de  La  Trémoille  que  le  Prétendant  avait  chargé,  par 
l'ordonnance  d'avril  1797,    de  présider  son  agence  de  Paris  -. 

En  revanche,  l'organisation  des  Instituts  du  Midi  s'est  fortifiée  sous  la 
direction  de  l'abbé  Lacombe,  et  après  la  tournée  que,  sur  son  ordre,  Dupont- 
Constant  a  faite  dans    les  départements  méridionaux. 

C'est  donc  surtout  avec  les  Instituts  du  Midi  que  Dandré  reste  en  rapports, 
chef  d'autant  plus  écouté  de  ces  associations  royalistes  qu'il  a  contribué  à 
leur  fondation. 

Mais  Wickham  avait  quitté  la  Suisse,  rappelé  par  son  gouvernement  en 
décembre  1797.  Son  successeur  Talbot  avait  dû  reculer  devant  l'invasion  du 
pays  par  les  Français.  Réfugié  à  Augsbourg  avec  Dandré  il  combine  avec 
lui,  et  peut-être  avec  Royer-Collard,  qui  faisait  partie  de  l'agence  royale  de 
Paris  ^,  un  plan  de  coup  d'Etat  dont  le  premier  article  était  l'assassinat  des 
directeurs 

M.  André  Lebon  cite  ou  résume  dans  V Angleterre  et  l'Emigration  *    les 

1.  Sur  cette  agence,  Voir  surtout,  Forneron,  Histoire  des  émigrèbt  t.  II,  p.  269  ; 
Daudet,  Histoire  de  l'Emigration,  t.  HI,  p  176  (noie)  et  196  (note);  les  Mémoires  de 
Fauche- fiorel,  p.  357,  380-81,  et  la  publication  officielle  intitulée  Papiers  saisis  à 
liaretilh  et  àMende    importantes  lettres  d'Imbert-Coloniès  et  do  Précy). 

2.  Coudrillicr,  Trahison  de  Pichegru,  p.  374. 

3.  Agence  établie  au  printemps  de  1798,  après  une  entrevue  de  Dandré  avec 
Roycr-Collard  en  Suisse,  et  composée  de  l'abbé  de  Montesqutou,  du  marquis  de 
Clermont-Gallerande  et  de  Becquey. 

4.  P.  264  à  269.  Lire  la  lettre  de  Grenville  du  25  janvier  1799. 


8  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

lettres  de  Talbot  à  Grenville,  comme  la  réponse  de  Grenville  qui  le  désavoue. 
Le  ministre  anglais  refusa,  en  effet,  de  suivre  son  agent  de  Souabe  dans  la 
voie  de  l'assassinat  et  ne  tarda  pas  à  le  rappeler. 

«  ...  Je  crois  devoir  vous  dire,  écrivait  Dandré  à  D'Avaray,  qu'in- 
dépendamment du  travail  que  nous  faisons  ensemble,  je  suis  acti- 
vement un  autre  objet  dont  je  parle  peu,  parce  que  le  secret  seul 
peut  le  faire  réussir.  C'est  le  projet  de  faire  assassiner  le  Directoire. 
J'ai  fait  demandera  tons  les  présidents  de  V Institut  àes  hommes  de 
main.  Si,  ce  dont  je  doute  d'après  l'expérience  du  passé,  le  nombre 
suffisant  se  trouve,  je  rentrerai  pour  aller  dans  l'intérieur  tâcher 
de  frapper  un  grand  coup...  En  attendant  que  les  renseignements 
sur  cet  objet  me  soient  arrivés,  V***  est  destiné  à  former  des  intel- 
ligences dans  la  garde  du  Directoire  et  dans  l'état-major  de  Paris, 
mais  ni  cet  agent  ni  les  chefs  de  l'Institut  ne  savent  rien  du  but  que 
je  me  propose.  » 

(Martel,  Machine  infernale,  p.  290-291.) 


5.  —  3  et  25  novembre  1798,  Augsbourg,  Talbot  à  Canning. 

(Analyse.) 

[Les  deux  lettres  suivantes  prouvent  la  participation  de  Talbot  au  complot 
de  Dandré  et  le  rôle  qu'il  entend  faire  jouer  aux  Instituts  du  Midi  avant  ou 
après  le  coup  de  main. 

Le  3  novembre,  il  annonce  que  les  relations  sont  établies  entre  la  Franche- 
Comté  et  la  Vendée,  par  la  ligne  des  Instituts  du  Midi,  Lyon,  Toulouse, 
Bordeaux.  Les  forces  des  royalistes  dans  les  provinces  méridionales  se  sont 
accrues  depuis  le  départ  de  Bonaparte  pour  l'Egypte.  L'interruption  du 
commerce  du  Levant  a  singulièrement  augmenté  le  mécontentement 
public. 

A  Paris,  une  troupe  de  royalistes  déterminés  se  tient  prête  à  frapper  le  coup 
essentiel. 

Plus  explicite  à  ce  sujet  la  lettre  du  25  novembre  dont  j'emprunte  la  tra- 
duction à  M.  A.  Lebon  (p.  265). 

«  ...  La  fameuse  insurrection  de  Paris,  le  4  septembre  1797,  a 
prouvé  l'imprudence  qu'il  y  a  à  s'en  fier  seulement  au  jeu  naturel 
de  l'opinion  publique,  et  montré  la  nécessité  de  tenir  prête  une  troupe 
d'hommes  pour  commencer  par  un  coup  de  main  l'exécution  de 
tout  plan  ayant  pour  objet  de  changer  le  système  qui  a  si  longtemps 
prévalu  en  France,  quand  on  trouvera  une  occasion  suffisamment 
favorable...  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  9 

B.   LA  CONSPIRATION  ANGLAISE  DANS  LEST  ET    LE    MIDI     DE  LA 

FRANCE,  au  début   de  la   deuxième  coalition    (1799),   avant 
Zurich  ;  rôle  attribué  aux  Instituts  du  Midi. 

Il  semble  qu'au  début  de  la  deuxième  coalition,  après  le  rappel  de  Talbot, 
le  ministère  anglais  ait  voulu  abandonner  à  eux-mêmes,  sans  leur  donner  son 
appui  financier,  ces  Instituts  du  Midi  que  Dandré  et  Wickham  avaient  con- 
tribué à  fonder  en  1797. 

Le  successeur  de  Talbot  en  Souabe,  Craufurd,  reçut  Tordre  de  réduire  les 
dépenses  «  pour  l'intérieur  de  la  France  »  et  de  ne  plus  compter  que  sur 
«  les  succès  des  ennemis  extérieurs  du  gouvernement  français  »  pour  triom- 
pher du  Directoire. 

Craufurd  dut  exécuter  à  la  lettre  les  instructions  de  Grenville,  car  les 
membres  de  l'agence  de  Souabe  se  plaignirent  avec  amertume  du  mal  qu'avait 
causé  la  suspension  des  largesses  anglaises  pendant  trois  mois.  [Voir  ci- 
dessous,  n°^  12  et  13.] 

Enfin  Wickham  revint  en  Suisse  !  Son  gouvernement  lui  confiait  une  mis- 
sion nouvelle  (juin  1799),  plus  militaire  que  politique.  On  le  chargeait  de 
lever  des  troupes  suisses,  souabes  ou  bavaroises  pour  appuyer  les  mouve- 
ments de  l'archiduc  Charles  et  de  Korsakof.  Sa  mission  devint  bientôt  plus 
politique  que  militaire,  car  il  se  préoccupa  surtout  d'organiser  une  insurrec- 
tion des  royalistes  de  l'Est  et  du  Midi. 

Cette  insurrection  devait  éclater,  aussitôt  la  Suisse  conquise,  après  la  dé- 
faite de  Masséna  qu'on  jugeait  prochaine  et   inévitable. 

Des  levées  suisses,  auxquelles  se  joindraient  des  levées  royalistes,  forme- 
raient une  petite  armée  à  la  tête  de  laquelle  se  mettrait  le  comte  d'Artois, 
venu  d'Angleterre,  avec  Pichegru  comme  chef  d'état-major.  On  marcherait 
sur  Lyon,  «  centre  de  correspondance  )>  des  Instituts  du  Midi  ;  on  donne- 
rait le  signal  de  l'insurrection  à  ces  associations  royalistes  qui  se  lèveraient 
en  armes  de  la  Rochelle  à  Besançon.  [V.  n»»  10  et  19.] 

En  fait,  les  royalistes  ne  se  sont  soulevés  que  dans  la  région  toulousaine 
en  août.  [Voir  les  Mémoires  du  baron  de  Rougé  dans  les  Mémoires  de  tous  et 
y  Histoire  de  l'Insurrection  royaliste  de  Van  VII  de  Lavigne.]  Encore  n'est- 
il  pas  prouvé  que  ITnstitut  de  Toulouse  ait  donné  le  signal  du  mouvement. 
Plus  probablement  il  a  essayé  de  l'enrayer,  suivant  les  ordres  reçus  de  Lyon, 
car  le  visiteur  de  Toulouse  s'était  caché  au  moment  de  l'insurrection,  et 
Lestrade,  que  Dupont-Constant  lui  envoya,  ne  parvint  pas  à  le  rencontrer. 
[Cf.  Essai,  p.  79.] 

Mais  les  passages  suivants  de  l'Essai  de  Dupont  et  des  Mémoires  de  Fau- 
che prouvent  que  les  Instituts  du  Midi  n'attendaient  qu'un  ordre  pour  se 
soulever.  [Cf.  l'introduction,  p.  xxiv  et  xxv  :  le  mouvement  royaliste  de 
Bordeaux,  19  et  20  thermidor  an  VII;  armes  saisies  chezHagry  ;  enlèvement 
de  Morille  et  d'Elissagaray.] 

«  Il  est  très  certain,  écrit  Dupont,  que,  sans  la  catastrophe  de 
Zurich,  on  aurait  pu  disposer  d'une  armée  nationale  et  toute  royale 
qui  en  aurait  imposé  par  son  nombre,  par  sa  discipline,  par  son  cou- 


10  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

rage,  et  surtout  par  son  dévouement...  Les  événements  politiques  de 
l'Europe...  ont  fait  échouer  les  projets,  les  plans  et  toutes  les  me- 
sures des  royalistes  de  l'intérieur,  auxquels  il  avait  été  expressément 
défendu  de  prendre  les  armes  avant  que  l'armée  des  alliés  n'y  eût 
pénétré.  »  (Essaie  p.  36,  37.) 

D'autre  part,  les  Mémoires  de  Fauche  rapportent  une  conversation  du  géné- 
ral Pichegru  avec  ce  libraire,  conversation  qui  témoigne  au  moins  chez  celui 
qui  l'a  rédigée  d'une  connaissance  exacte  et  précise  des  projets  royalistes, 
t.  II,  p  337-338. 

«Vous  savez,  me  dit-il,  que  tandis  qu'on  détruisait  au  dehors 
l'ascendant  militaire  et  politique  du  gouvernement  directorial,  des 
coups  plus  terribles  encore,  préparés  par  la  Confédération  des  roya- 
listes de  l'intérieur,  allaient  lui  être  portés  des  divers  points  du 
royaume.  Outre  les  provinces  de  l'Ouest  qui  comptaient  plus  de 
soixante  mille  royalistes  en  armes,  Lyon  ranimait  les  souvenirs 
de  sonhéroïque  résistance  ;  les  fidèles  de  Lyon  donnaient  la  main  aux 
fidèles  du  Jura,  régulièrement  préparés  à  une  levée  en  masse.  Vous 
savez  que,  traversant  l'Allemagne,  je  vins  me  placer  en  Suisse,  vers 
la  lisière  de  la  Franche-Comté,  province  qui  m'était  dévouée  tout 
entière...  Si  l'armée  française  était  battue,  je  devais  en  réunir  les 
débris  ;  les  proclamations  étaient  imprimées  ;  tous  les  subsides  étaient 
fournis  par  l'Angleterre  à  l'agence  royale. 

«  De  l'autre  côté,  sur  les  rives  du  Rhône,  de  l'Hérault  et  de  la 
Haute-Garonne,  des  partis  royalistes  se  montraient  à  découvert  : 
c'était  surtout  dans  la  Guyenne,  la  Gascogne,  la  Saintonge  et  VAn- 
goumois  que  la  fédération  prenait  une  forme  régulière.  Ces  provinces 
étaient  liées  entre  elles  par  une  association  dont  Bordeaux  était  le 
ce/2/re,etdans  laquelle  on  comptait  vingt  mille  hommes  militairement 
organisés. 

«  Tout  était  disposé  au  mois  de  septembre  pour  la  levée  générale 
des  boucliers,  quand  des  revers  inattendus  vinrent  enchaîner  le  zèle 
et  faire  évanouir  les  espérances  des  amis  du  roi.  » 

6.     -  21  mars   1797.  Instructions  données  par  lord  Grenville  au 
colonel  Craufurd. 

(Traduction.) 

«...  En  ce  moment...  des  soulèvements  partiels,  soit  dans  Paris, 
soit  dans  une  province,  non  seulement  ne  doivent  pas  être  engagés  par 
vous,  mais  sont  manifestement  inhumains,  car  ils  compromettent 
sans  profit  les  meilleurs  amis  de  la  monarchie,  et  impolitiques,  car  ils 
fortifient  le  pouvoir  du  gouvernement.  C'est  seulement  parle  succès 
des  ennemis  extérieurs  du  gouvernement  français  quel'on  peutouvrir 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  11 

une  voie  sûre  à  une  lutte  heureuse   de  l'extérieur   contre  la  tyrannie 
dont  souffre  aujourd'hui  la  France.  » 

Craufurd  devra  donc  réduire  les  dépenses  «  pour  Tintérieur  de  la 
France  ».  Cependant  :  1°  il  faut  entretenir  «  les  canaux  de  corres- 
pondance, qui  peuvent  être  nécessaires  pour  recevoir  des  renseigne- 
ments sur  les  actes  du  gouvernement,  l'état  des  partis  et  de  l'opinion 
publique  en  France  »  ;  2«  subvenir  aux  besoins  de  «  ceux  des  émigrés 
qui  peuvent  avoir  quelque  droit  à  des  secours,  à  raison  des  services 
qu'ils  ont  rendus  à  M.  Wickham  et  à  M.  Talbot  pendant  leurs 
missions  et  qui  vivent  actuellement  de  ces  secours  »  ;  3o  faciliter 
à  Précy  «  le  moyen  de  conserver. ..  les  officiers  et  autres  agents  qui 
lui  ont  été  attachés  depuis  le  commencement  de  ses  rapports  avec 
M.  Wickham,  dans  le  but  d'avoir  les  premiers  cadres  d'une  armée 
qu'on  pourrait  lever  dans  les  provinces  de  l'Est  après  le  succès 
d'une  invasion  en  France  »... 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.  Cf.  Lebon, 
V Angleterre  et  l'Emigration,  p.  270.) 

7.  —  Edimbourg,  21  avril  1799.  Le  baron  de  Roll  ^  à  Wickham, 

«  Mon  cher  Wickham  ^  il  faut  absolument  que  je  m'entretienne 
un  instant  avec  vous...  Je  suis  premièrement  chargé  de  vous  répéter 
de  la  part  de  S.  M.  B.  Monsieur  ce  que  vous  savez  si  bien  de  son 
extrême  désir  d'être  mis  en  activité.  Vous  vous  imaginez  bien  que 
le  renouvellement  des  hostilités  sur  le  continent  a  augmenté  son  im- 
patience et  lui  rend  de  jour  en  jour  sa  situation  plus  pénible.  Mais  il 
espère  que  les  événements  qui  viennent  de  se  passer  pourraient 
déterminer  votre  gouvernement  à  saisir  ce  moment  pour  relever 
avec  vigueur  le  parti  des  royalistes  de  l'intérieur.  Les  lettres  que 
Monsieur  reçoit  des  provinces  de  Bretagne,  de  Normandie  et  de  la 
Vendée  s'accordent  toutes  pour  presser  et  solliciter  instamment  de 
profiter  du  moment  actuel.  lien  esta  peu  près  de  même  des  provinces 
du  Midi.  Les  dispositions  doivent  s'enflammer  de  plus  en  plus  à  me- 
sure que  les  armées  républicaines  éprouveront  des  revers  sur  le 
continent.  Si  par  toutes  ces  considérations  réunies  vous  croyez  aper- 
cevoir que  le  ministère  serait  disposé  à  s'occuper  incessamment 
d'un  plan  relatif  aux  royalistes  de  l'intérieur,    Monsieur  espère  que 

1.  D'origine  suisse,  sollicitait  le  ministère  anglais  de  délivrer  sa  patrie  du  joug 
des  Français  ;  il  partit  pour  la  Suisse  quelque  temps  après,  pour  préparer  les  voies 
au  comte  d'Artois  qui  devait  se  rendre  dans  ce  pays  et  prendre  le  commandement 
des  levées  suisses  que  Wickham  et  le  major  Hamstiy  furent  chargés  d'organiser 
avant  et  après  la  bataille  de  Zurich.  Le  baron  de  Holl  était  un  des  conseillers  les 
plus  écoulés  du  comte  d'Artois,  qui  résidait  ù  Edimbourg. 

2.  Wickham,  à  son  retour  de  Suisse,  avait  été  chargé  des  fonctions  de  sous- 
secrétaire  d'Ktat  au  ministère  de  l'intérieur. 


12  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

VOUS  vous  intéresserez  à  faire  valoir  auprès  des  ministres  tout 
l'avantage  qu'ils  peuvent  tirer  de  sa  personne  et  toute  la  confiance 
qu'il  mérite  de  leur  part...  » 

(Publié  dans  la  Correspondance  de  Wickhaniy  t.  II,  p.  423,  424.) 

8.  —  [Londres]  3  mai  1799.  Lettre  de  Duthell  ^  [à  M.  Frère  ^  ]. 

«  M.  Dutheil  ne  sachant  pas  si  Milord  Grenville  a  donné  connais- 
sance à  M.  Frère  des  relations  qui  existent  avec  le  général  Pichegru^, 
il  croit  convenable,  dans  l'incertitude  où  il  est  à  cet  égard,  d'avoir 
rhonneur  de  lui  envoyer  copie  de  la  lettre  qu'il  vient  de  recevoir  de 
M.  La  Rue  *,  le  collègue  au  Corps  législatif  du  général  Pichegru  et 
son  homme  de  confiance.  Si  Son  Excellence  croyait  que  M.  Dutheil 
pût  mander  quelque  chose  aujourd'hui  au  général  Pichegru,  en  ce 
qui  peut  être  relatif  à  la  réponse  qu'il  désire,  M.  Dutheil  attendra 
ce  que  Milord  Grenville  jugera  à  propos  de  lui  faire  savoir  à  cet 
égard.  » 

[Suit  copie  de  la  lettre  de  La  Rue  àDutheil,  Hanovre,  20  avril  1799.  j 

«  Des  lettres  que  nous  avons  reçues  hier  ont  déterminé  le  général 
Pichegru  à  me  faire  partir  en  avant  du  côté  de  la  Suisse.  Je  merends 
directement  à  Augsbourg  pour  y  conférer  avec  des  agents  impor- 
tants. Il  m'y  aurait  accompagné  s'il  eût  reçu  réponse  à  la  lettre  qu'il 


1.  Le  représentant  du  comte  d'Artois  à  Londres  et  son  intermédiaire  habituel  au- 
près des  ministres  anglais. 

2.  Au  ministère  du  Foreign  Office  (Affaires  étrangères).  Frère  semble  tout  parti- 
culièrement, à  cette  époque,  chargé  par  Grenville  des  affaires  des  émigrés  réfugiés  en 
Angleterre. 

3.  Pichegru,  après  son  évasion  de  la  Guyane,  avait  été  bien  accueilli  en  Angle- 
terre. (Cf.  les  lettres  de  Malouet,  du  duc  de  Portlandt  la  note  de  Canning  dans  la 
Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  75-79,  80,  81,  83.)  —  Il  quitta  cependant 
l'Angleterre  en  décembre  1798,  pour  suivre  de  près  la  négociation  entamée  par 
Fauche-Borel  avec  David  Monnier,  qui  se  disait  autorisé  par  Barras.  M.  Daudet  a 
raconté  longuement  cette  intrigue  dans  les  Emigrés  et  la  2«  coalition  et  dans  son 
Histoire  de  l'Emigration,  t.  IL  Les  Archives  anglaises,  surtout  les  papiers  de 
l'agent  du  prince  d'Orange  à  Berlin,  1  Anglais  Stamfort,  contiennent  de  curieux 
détails  à  ce  sujet.  Pichegru  séjourna  en  Allemagne  jusqu'en  juillet  1799,  souvent 
à  Brunswick,  où  le  duc  l'accueillit  avec  faveur,  ou  à  Zelle  (duché  de  Saxe-Golha). 
L'Angleterre  lui  faisait  une  pension  sans  lui  donner  de  mission  spéciale  sur  le  con- 
tinent. Il  projetait  un  soulèvement  de  la  Franche-Comté  contre  le  Directoire, 
entretenait  des  relations  avec  des  officiers  de  l'armée  républicaine,  songeait  même 
à  profiter  de  la  popularité  qu  il  avait  conservée  en  Hollande  pour  se  mettre  à  la  tête 
dune  insurrection  de  ce  pays  contre  le  gouvernement  français.  Aucune  de  ces 
intrigues  n'aboutit.  Cf.  Mémoires  de  Fauche,  t.  II,  p.  241  à  285. 

4.  Beau-frère  de  Hyde  de  Neuville,  député  de  la  Nièvre  (an  IV  et  an  V)  aux 
Cinq-Cents,  déporté  au  19  fructidor  ;  s'échappe  de  la  Guyane  avec  Pichegru,  Iç 
suit  en  Angleterre,  puis  en  Allemagne,  d'où  il  le  quitte  pour  revenir  en 
France.  Pichegru,  exclu  du  rappel  des  fructidorisés  par  Bonaparte,  ne  put  l'y 
accompagner. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  13 

a  écrite  en  Angleterre  il  y  a  environ  trois  semaines.  Hâtez,  si  vous 
pouvez,  l'expédition  de  ce  qu'il  demande  :  nous  n'attendons  que  cela 
pour  entamer  nos  plans.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'il  n'y  a  que  la 
plus  grande  activité  qui  puisse  réparer  la  funeste  perte  de  temps  que 
nous  avons  faite.  Le  général  Pichegru  le  sent  tellement  qu'il  est 
décidé  à  ne  donner  que  dix  jours  à  l'attente  de  cette  réponse.  Nos 
points  de  réunion  sont  fixés  en  conséquence  ;  mais  il  serait  infini- 
ment fâcheux  qu'on  n'eût  pas  auparavant  satisfait  à  ce  qu'il  ré- 
clame... » 


Dutheil  ajoute  au  bas  de  la  copie  : 


«  Je  vous  réitère  de  ne  pas  nous  abandonner  au  moment  où  votre 
assistance  nous  devient  le  plus  nécessaire.  Des  intrigues  ont  déjà 
donné  du  dégoût  à  cet  important  serviteur  du  roi  ;  il  y  aurait  peut- 
être  plus  d'inconvénient  qu'on  ne  croit  à  ajouter  ce  nouveau  motif 
de  mécontentement  et  d'inquiétude. 

«  Je  ne  vous  parle  pas  encore  de  la  rentrée  de  vos  fonds  qui  me  de- 
viennent bien  moins  nécessaires,  quoique  leur  remplacement  soit 
convenu  avec  le  général  Pichegru.  Dès  qu'il  sera  en  état  de  le  faire, 
je  m'en  occuperai  et  je  vous  en  donnerai  avis.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

9.    —   Londres,    21    mai    1799.    Wickham     au   major   Pérou 
(Pichegru). 

«  Mon  cher  major,  votre  lettre  du  23  mars  m'est  parvenue  très 
exactement  ;  mais  malheureusement  il  n'y  a  guère  plus  de  huit  jours 
que  j'ai  su  la  déchiffrer.  La  lettre  de  votre  compagnon  de  voyage  à 
M.  Dutheil  du  20  du  mois  passé  m'a  encouragé  à  faire  de  nouveaux 
efforts  et  enfin  ils  ont  été  heureux.  . 

«  Votre  lettre  lue,  mon  premier  soin  a  été  de  la  communiquer  à 
qui  de  droit.  Le  style  tant  soit  peu  énigmatique  qui  y  domine  m'a 
empêché  de  deviner  vos  vues  et  vos  intentions.  On  croit  cependant 
avoir  trouvé  remède  à  tout. 

«  Il  faut  de  toute  nécessité  que  vous  ayez  en  vue  soit  la  Suisse  *, 
soit  les  Pays-Bas. 

«  Dans  l'un  et  l'autre  de  ces  deux  cas,  vous  trouverez  actuellement 
suriccontincntdeuxpersonnesjouissantruneetrautrcde  la  confiance 
du  gouvernement... 

1.  Ou  plutôt  la  Franche-Comté.  C'est  seulement  lorsqu'il  est  oblige  de  renoncer 
à  ses  projets  sur  la  Franche-Comte,  apriNs  la  défaite  des  alliés  à  Zurich,  que 
Pichegru  songe  à  prendre  le  commandement  des  royalistes  du  Sud-Ouest,  organisés 
en  Instituts. 


14  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

«  Dans  le  cas  que  vos  vues  se  portent  sur  les  Pays-Bas,  vous  irez  à 
Berlin  où  vous  trouverez  M.  Grenville  ^  prêt  à  vous  recevoir,  après 
avoir  communiqué,  si  vous  le  jugez  convenable,  avec  celui  dont  vous 
vous  vantez  d'avoir  été  si  bien  accueilli.  Si  vous  croyez  votre  pré- 
sence plus  nécessaire  du  côté  de  la  Suisse,  le  colonel  R.  Craufurd  2, 
qui  doit  y  être  à  l'heure  qu'il  est  et  qui  vous  connaît  déjà,  sera  charmé 
de  vous  recevoir. 

«  Partout  où  vous  irez,  comptez  que  vous  recevrez  Taccueil  que 
vous  méritez  à  tant  de  titres.  Je  ne  m'engagerai  pas  dans  des  raison- 
nements oiseux  sur  l'état  actuel  des  choses  et  les  assurances  qui 
doivent  en  naître.  Vous  êtes  sur  les  lieux  ;  vous  devez  connaître  les 
moyens  qu'on  doit  employer  pour  en  profiter  mieux  que  per- 
sonne... » 

(Publié  dans  la  Correspondance  de  Wickham,  t. II,  p.  425-426.) 

10.  —  Londres,    [3]  juin  1799.  Instructions  de  lord  Grenville  à 

lord  Mulgrave  ^. 

(Traduction.) 

...  «  Le  principal  objet  de  ce  plan  est  que  l'armée  russe,  sous  le 
maréchal  Souvarow,  aidée  par  les  Suisses  et  les  troupes  de  Wurtem- 
berg, puisse,  après  la  réoccupation  de  la  Suisse,  pénétrer  jusquà 
Lyon,  de  façon  à  occuper  cette  cité  en  force  et  prendre  une  bonne 
position  militaire  dans  les  provinces  voisines  avant  l'hiver,  afin 
que  l'étendard  de  la  monarchie  française  y  soit  relevé  sous  le  comte 
d'Artois,  et  qu'on  sache  si  les  dispositions  de  la  contrée  permettent 
de  pénétrer  plus  en  avant  dans  l'intérieur  du  pays  pendant  le  prin- 
temps, et  même  d'entreprendre  des  opérations  dans  la  direction  de 
la  capitale  elle-même. ..  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

11.  —  Londres,  6  juin  1799.   Instructions   de  lord  Grenville  à 

M,  Wickham  *. 

(Résumé  et  traduction.) 

Wickham    est  envoyé  en  Suisse  à  la  nouvelle  des  premiers  succès  de  la 

1.  Ambassadeur  anglais  à  Berlin  :  Thomas  Grenville,  frère  de  lord  Grenville  ;  il 
est  mêlé  à  l'intrigue  de  Pichegru  comme  Stamfort. 

2.  Qui  venait  d'être  nommé  en  remplacement  de  Talbot  à  Augsbourg,  où  se  tenait 
l'ambassade  anglaise  de  Suisse,  en  attendant  que  les  Français,  qui  avaient  occupé 
ce  pays,  en  fussent  chassés.  Craufurd  fut  rappelé  en  Angleterre,  lors  de  la  deuxième 
mission  de  Wickham  sur  le  continent,  pour  servir  comme  quartier-maître  général 
sous  les  ordres  du  duc  d'York  en  Hollande. 

3.  Envoyé  au  quartier  général  de  l'archiduc  Charles  et  du  général  Korsakow  en 
Suisse,  pour  concerter  avec  eux  les  opérations  de  la  campagne. 

4.  Voir,  sur  cette  seconde  mission  de  Wickham,  Lebon,  p.  270  et  suiv.,  et  Corres- 
pondance de  Wickham,  t.  II,  p.  104  et  suiv. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  15 

coalition.  Il  est  surtout  chargé  d'assurer  la  délivrance  de  ce  pays,  occupé  par 
les  Français,  de  faire  des  levées  suisses  ou  allemandes  et  de  favoriser  les 
progrès  militaires  des  armées  autrichiennes  et  russes. 

Jusqu'à  nouvel  ordre,  et  en  attendant  les  victoires  de  la  coalition,  il  s'abs- 
tiendra de  dépenser  au  delà  d'une  somme  fixée  d'avance  —  1.200  livres  ster- 
ling par  mois  et  même  1.000  —  pour  entretenir  les  relations  de  1  Angleterre 
avec  les  royalistes  français,  et  assister  les  députés  fructidorisés,  etc.  Cepen- 
dant : 

«  Vous  savez,  ajoute  Grenville,  que  des  promesses  ont  été  faites  au 
général  Pichegru,  à  Précy  et  aux  princes  français,  promesses  d'assis- 
ter tout  parti  de  l'intérieur  qui  présenteraitassez  de  consistance  pour 
résister  au  gouvernement  tyrannique  actuel  et  prêter  aux  alliés  un 
concours  efficace  ^...  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date  ) 

12.  —  Augsbourg,  17  juin  1799.  Le  comte  de  Précy  à  Wickham. 

(Extrait.) 

Précy  ignore  encore  l'arrivée  prochaine  de  Wickham  en  Suisse. 

«...  Je  dois  croire  que  M.  de  Talbot  aura  avec  vous  des  confé- 
rences sur  son  travail  de  cet  hiver.  Je  regrette  vivement  qu'il  soit 
arrêté,  car  l'on  pouvait  raisonnablement  en  attendre  les  résultats  les 
plus  heureux,  et  la  manière  dont  il  a  été  supprimé  a  jeté  le  décourage- 
ment et  l'inquiétude  parmi  les  personnes  de  l'intérieur  avec  lesquelles 
on  était  en  rapport,  et  qui,  je  puis  le  dire,  étaient  choisies  pour  leurs 
talents  et  leur  moralité...  » 

[Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  428.) 

13.  —  Augsbourg,  3  juillet  1799.  Dandré  à  Wickham. 
Dandré  vient  d'apprendre  le  retour  de  Wickham  en  Suisse. 

«...  J'attendais  vos  ordres  pour...  concerter  avec  vous  les  moyens 
de  réparer  le  mal  qu'ont  fait  une  fausse  interprétation  des  ordres  de 
votre  gouvernement  et  une  foule  de  malentendus  plus  inexplicables 
les  uns  que  les  autres...  J'espère,  quand  j'aurai  l'honneur  de  vous 
voir,  que  vous  serez  convaincu  que  nous  avons  fait  tout  ce  qui  dépen- 
dait denous  pour  ne  laisser  détruire  aucun  des  établissements  que  nous 
avions  formés  (quoique  quelques-uns  aient  souffert  de  la  suspension  qui 
régne  depuis  trois  mois)  et  que  je  suis  toujours  le  même,  absolument 
dévoué  à  vos  ordres. ..  » 

(Correspondance  de  Wickfianitl.  II,  p.  430.) 

1.    Dandré  apprit   nvcc  une    satisfaction  peu  dissiinuléc  lu  retour  de  Wickham  en 
Suisse.  Voir  sa  lettre  à  l'ambassodeur  ci-dessous  citée. 


16  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

14.  — Augsbourg,  10  juillet  1799.  Lettre  de  La  Rue  à  DutheiL 

«  Voici  ce  que  me  mande  mon  frère  : 

«  Beaucoup  de  généraux  et  de  députés  n'attendent  que  le  moment 
de  se  montrer.  J'en  connais  plusieurs  qui  pourraient  être  par  leurs 
talents  et  leur  influence  de  la  plus  grande  utilité.  Cependant  il  fau- 
drait pour  les  militaires  que  le  général  Pichegru,  qui  a  en  France  et 
surtout  dans  l'armée  plus  de  partisans  que  jamais,  se  mît  à  leur  tête 
et  de  manière  à  être  leur  garantie. 

«  Indiquez-moi  un  lieu  où  je  puisse  me  réunir  à  vous  et  \ous  porter 
sur  tout  cela  et  beaucoup  d'autres  objets  des  détails  et  des  renseigne- 
ments précieux. 

«  L'état  du  Directoire  est  tel  que  s'il  se  manifestait  une  insurrection 
bien  dirigée,  je  ne  lui  vois  aucun  moyen  de  résistance.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

15.— [Londres],  A//e7î  Office,  ISjuillet  1799. Flint^  à  John  King. 

(Résumé  et  traduction.) 

Flint  rapporte  une  conversation  qu'il  vient  d'avoir  avec  Barthélémy  ^  et  le 
générlal  Willot  ^.  Il  leur  a  recommandé  de  se  tenir  à  l'écart  de  toute  relation 
qui  puisse  compromettre  leur  situation  en  Angleterre,  de  ne  voir  même  que 
les  personnes  que  le  gouvernement  les  autorisera  avoir. 

Barthélémy  déclare  qu  il  ne  veut  plus  s'occuper  d'affaires  publiques  :  «  Les 
temps,  dit-il,  m'ont  fait  jouer  un  rôle  bien  peu  adapté  à  mon  caractère.  Je 
n'aime  à  présent  que  la  tranquillité.  » 

Willot,  au  contraire,  demande  à  être  employé  dans  la  Sud  de  la  France  : 
«  Je  ne  suis,  dit-il,  ni  patriote  ni  républicain  enragé.  Je  suis  Français  et 
je  désire  contribuer  autant  qu'il  me  sera  possible  au  rétablissement  (sic)  et 
au  bonheur  de  mon  pays  et  servir  la  cause  des  honnêtes  gens  qui  est  celle 
de  votre  gouvernement  aussi  bien  que  celle  des  alliés.  »  Flint  lui  répond 
qu'il  n*a  aucune  autorisation  du  gouvernement  pour  prendre  des  engagements 

1.  Qui  était  chef  du  bureau  des  Etrangers  à  Londres  (AHen  Office). 

2.  Evadé  de  la  Guyane,  arrivé  après  Pichegru  en  Angleterre.  L'ancien  directeur 
profita  de  l'amnistie  que  Bonaparte  accorda  aux  fructidorisés  pour  revenir  en 
France. 

3.  Willot,  né  à  Belfort  en  août  1755,  fils  de  Willot  de  Grandprez,  sengage  comme 
volontaire  au  régiment  provincial  de  Nantes  en  1771  ;  lieutenant  de  grenadiers  en 
juin  1780,  capitaine  en  février  1787,  lieutenant-colonel  du  5^  bataillon  d'infanterie 
légère  en  mars  1792,  envoyé  à  l'armée  des  Pyrénées,  où  il  obtint  les  grades  de 
général  de  brigade,  juin  1795,  et  de  général  de  division,  juillet  1795  ;  envoyé  à 
l'armée  de  l'Ouest  en  septembre  1795,  puis  à  l'armée  des  Côtes  de  l'Océan  en  janvier 
1796,  suspect  à  Hoche,  chargé  des  commandements  de  la  8^  division  militaire, 
juillet  1796,  à  Marseille,  encourage  les  menées  royalistes,  est  défendu  dans  le  Direc 
toire  par  Garnot  ;  élu  député  en  1  an  V  par  les  Bouches-du  Rhône,  déporté,  s'en- 
fuit avec  Pichegru  ;  mais  tombe  malade  et  n'arrive  qu'après  lui  en  Angleterre 
(d'après  son  dossier,  Archives  administratives  de  la  guerre). 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  17 

à  ce  sujet  ;  qu'il  en  parlera    cependant  au  ministre  de  lintérieur,  le  duc  de 
Portland. 

Willot,  en  partant,  dit  à  Flint  avec  chaleur  : 

«  J'espère,  Monsieur,  que  votre  gouvernement  ne  me  regarde  pas 
comme  un  Français  suspect.  Je  ne  le  mérite  pas.  Je  me  suis  toujours 
comporté  en  galant  homme  et  je  ne  désire  rien'  mieux  que  d'être 
employé  et  remis  en  activité  '.  » 

{Record  Office^  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

16.  —    Edimbourg,    18  juillet  1799.    Le    comte    d'Artois    à 
M.  Wickham. 

«  Monsieur,  je  profite  avec  empressement  du  départ  du  baron  de 
Roll  2  pour  vous  parler  de  la  vive  satisfaction  que  j'éprouve  de  voir 
enfin  arriver  le  moment  où,  grâce  à  l'intérêt  de  votre  gouvernement, 
je  vais  me  trouver  à  portée  de  servir  les  causes  unies  de  S.  M.  B.  et 
du  roi  mon  frère..,  » 

(Publié  dans  la  Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  430.) 

17.  — Londres,  18  juillet  1799.  Dutheil  à  lord  Grenville. 

«  En  conséquence  des  ordres  que  M.  Dutheil  vient  de  recevoir  de 
Monsieur,  il  a  l'honneur,  en  demandant  à  Milord  Grenville  la  per- 
mission de  voir  le  général  Willot  de  la  part  de  Monsieur,  d'informer 
Son  Excellence  que  S.  A.  R.  désire  que  M.  Dutheil  ait  l'honneur  de 
rappeler  à  Milord  Grenville  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  liniluence 
dont  le  général  Willot  jouit  dans  les  provinces  méridionales  de  la 
France,  où  Monsieur  pense  que  ce  général  pourrait  être  utilement 
employé.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

18.  —  Edimbourg,  19  juillet  1799.   Monsieur  à  lord  Grenville. 

«.  .  J'accepte  avec  le  plus  vif  empressement  la  proposition  (jue 
vous  me  faites  de  vous  revoir,  ainsi  que  M.  Pilt,  avant  de  me  rendre 
en  Suisse  •^  et  je  ne  perdrai  pas  un  moment  pour  me  porter  au  lieu 
que  vous  m'indi(iuerez,  aussitôt  que  vous  m'aurez  donné  le  signal 
que  j'attendrai  avec  une  juste  impatience.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date  ) 

1.  Cf.  Diarifs  of  Windham,  nu  11  «l  nu  l.'J  août  179t)  Willot  alla  voir  Itî  ministre 
de  la  guerre.  Wirulham  Ir  juge  ussc/.  uuil  :  «  li  p.ula  trop  et,  pur  sa  rouversatiou,  uc 
donna  pas    une   haute  idée  de  ses  talents,  u    Willot  allait  partir  poiu-   le  conlineut. 

2.  Le  baron  de  Koll  se  rend  en  Suisse,  où  Monsieur  doit  le  suivre  à  bref  délai. 
Une  lettre  de  I..emnitre  ù  Talleyrand.  Hambourg,  12  vendémiaire  an  VIII 
(4  ocl.  1799),  annonce  que  l'émigré  (!aslelnnu  a  été  envoyé  de  I.oiulres  pour  prépa- 
rer la  réception  du  cornue  d'Artois  eu  Suisse  (Archives  des  Allaires  étrangères. 
Miiinbourg). 

3.  Où  le  baron  de  Roll  Tavait  précédé  (lettre  du  18  juillet). 

2 


18  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

19.  —  Londres,  30  juillet  1799.    Lord  Grenville   à  Wickham. 

(Résumé.) 

Grenville  prévient  Wickham  que  le  comte  d'Artois  se  propose  de  partir 
dans  une  quinzaine  de  jours  pour  la  Suisse,  où  il  doit  se  mettre  à  la  tête  du 
mouvement  royaliste.  Il  ne  sera  accompagné  que  de  quatre  ou  cinq  personnes, 
Lyon  sera  sans  doute  son  principal  objectif.  Mais  les  troupes  suisses,  qui 
sont  levées  par  l'Angleterre  pour  la  défense  de  leur  pays  \  voudront  elles 
entrer  en  France  ? 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

20.  —    Zurich,   28    juillet,  l^r   août   1799.    Wickham    à  lord 
Grenville. 

(Résumé.) 

Le  28  juillet,  Wickham  écrit  à  Grenville  qu'à  son  avis,  quelque  désirable 
que  soit  la  présence  de  Monsieur  et  des  princes  en  Suisse,  en  ce  moment 
leur  arrivée  serait  plus  gênante  qu'utile.  (Voir  Record  Office,  Foreign  Office, 
Suisse,  à  la  date.) 

Le  ler  août,  il  leur  annonce  que  Pichegru  se  rend  en  Suisse  «  sur  le  désir  )> 
de  l'archiduc  Charles,  C'est  le  colonel  l^lunkett  qui,  à  son  arrivée  du  quartier 
général  de  l'archiduc,  le  lui  apprend.  Le  colonel  lui  a  demandé  s'il  ne  croyait 
pas  qu'il  conviendrait  de  confier  le  commandement  de  «  1  armée  suisse  »  à 
Pichegru;  l'archiduc  s'en  montrerait  satisfait,  pourvu  que  Pichegru  consentît 
à  servir  sous  ses  ordres  et  que  le  général  Hotze  résignât  toute  prétention  à 
cet  égard.  L'archiduc,  a  dit  Plunkett,  lui  avait  «  montré  une  correspondance 
qu'il  entretenait  avec   le  général  au  sujet  de  la  campagne  ». 

Wickham  avait  fait  une  réponse  évasive  à  Plunkett.  Il  venait  de  recevoir 
une  lettre  de  Pichegru  lui  annonçant  son  arrivée  prochaine,  sans  allusion  à 
sa  correspondance  avec  l'archiduc.  Il  pensait  qu'il  y  aurait  ((  avantage  ))  à 
lui  donner  ce  coqimandement  au  voisinage  de  la  frontière,  tant  à  cause  de 
son  nom,  de  sa  réputation,  que  de  ses  talents  militaires  ''^. 

(Publié  dans  la  Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  141.) 

21.  —  Edimbourg,  4  août  1799.  Monsieur  à  Dutheil. 

(Résumé.) 
Le   comte  d'Artois  charge  Dutheil  de  prévenir  le  ministre   Grenville    qu'il 

1.  Le  lieutenant-colonel  Ramsaj^  devait  organiser  ces  levées  suisses  comme 
«  inspecteur  général  et  commissaire  des  levées  suisses  ».  Il  n'y  réussissait  guère  ; 
aussi  Wickham  n'était  pas  pressé  de  voir  arriver  Monsieur. 

2.  Pichegru  se  rendit,  en  effet,  en  Suisse.  Un  extrait  du  journal  de  Lullin,  secré- 
taire de  Wickham,  extrait  publié  dans  la  Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  148, 
prouve  que  le  général  français  eut  avec  l'archiduc,  en  présence  de  Wickham,  une 
entrevue  (entre  le  14  et  le  17  août),  au  moment  où  l'archiduc  essayait  d'enfoncer  les 
lignes  de  Masséna  sur  TAar.  Pichegru  était  d'ailleurs  en  correspondance  avec  Kor- 
sakow  comme  avec  l'archiduc  Charles  :  Cf.  Correspondance  de  Wickham,  t.  II,  p.  249. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  19 

se  rendra,  sur  son  invitation,  à  Stowe  chez  le  duc    de  Buckingham,  le  8,  et 
qu'il  ira  ensuite  voir  à  Dropmore  lord  Grenville  et  Pitt . 

Le  duc  d'Harcourt  et    lord    Grenville  se    rencontreront  à  Dropmore  avec 
Monsieur. 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

22.  —  Londres,    18    août  1799.    Monsieur  à  lord    Grenville, 

(Résumé.) 

Monsieur  est  cruellement  affecté  du  retard  «  que  les  circonstances  et  la 
dépêche  de  Wickham  »  apportent  à  son  départ. 

Il  restera  quelques  jours  à  Londres,  puis  se  rendra  «  vers  Southampton  », 
au  lieu  que  lui  indiquera  lord  Grenville. 

(Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

23.  — 22  août  1799.  Uévêque  [dArras]  au  marquis  de  Buckin- 
gharUy  à  Stowe. 

(Résumé.) 

Le  comte  d'Artois,  arrivé  le  lundi  précédent  à  Londres,  devait  partir  le 
jeudi  [pour  la  Suisse].  Il  dîna  le  mercredi  chez  le  frère  du  marquis  avec 
M.  Pitt,  mais  ne  put  parler  d'affaires,  et  l'entretien  avec  Pitt  fut  remis  à 
plus  tard. 

Il  fut  alors  malade  des  hémorroïdes,  et  Pitt  vint  le  voir  chez  lui.  Mais  lors- 
qu'il se  rétablit,  il  n'était  plus  question  de  son  départ,  parce  que  Wickham 
ne  réussissait  pas  «  du  côté  du  rassemblement  des  Suisses  ».  Monsieur 
ne  veut  pas  se  rendre  à  l'île  de  Wight  «  pour  servir  d'épouvantail  aux  répu- 
blicains ))  ;  il  voudrait  cependant  quitter  Londres,  mais  voir  auparavant 
lord  Grenville  et  Pitt  ' . 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

[Le  comte  d'Artois  mit  à  profit  son  séjour  à  Londres,  nous  le  verrons  plus 
loin,  pour  obtenir  du  ministère  anglais  des  subsides  destinés  aux  insurgés 
de  l'Ouest  Mais  il  dut  renoncer  décidément  à  partir  pour  la  Suisse  après  la 
victoire  de  Masséna  à  Zurich.] 


G.  —  LA  CONSPIRATION   ANGLAISE    DANS    l'eST    ET    LE  MIDI,    après 

Zurich,  avant  Marengo  (1799-18(X)),  et  la  mission  de  Dupont- 
Constant  à  Augsbourg, 

Après  Zurich  (septembre  1799;,  la  Suisse  est  perdue  pour  les  armées  coa- 
lisées, d'autant  que  la  Russie  se  décide  à  retirer  de  la  coalition  son  contingent. 
Aussi  le  projet  de  pénétrer  par  la  Suisse  sur  Lyon  est  abandonné.  Sans  renon 

L  La  défaite  des  coalisés  À  Zurich  força  le  ministère  anghiis  vi  le  comte  d'Artois 
à  renoncer  au  plan  de  pénétration  dans  le  Lyonnais  par  la  Suisse. 


20  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

cer  absolument  à  l'espoir  de  soulever  la  Franche-Comté  après  une  victoire  des 
Autrichiens  sur  le  Rhin,  le  gouvernement  anglais  et  Wickham  veulent  profiter 
de  l'organisation  des  Instituts  du  Midi  pour  faire  insurger  la  Provence^  le 
Languedoc  et  la  Guyenne.  L'entrée  des  Autrichiens  en  France  par  le  comté  de 
Nice  doit  faciliter  le  mouvement.  Et  comme  l'Ouest  est  en  armes  de  nouveau 
depuis  octobre,  la  France  républicaine  sera  attaquée  de  tous  les  côtés  à  la  fois. 
L'insurrection  du  Midi  aura  pour  chefs  Willot  qui  s'offre  et  Pichegru  qui 
se  résigne.  Le  premier  commandera  en  Provence  et  en  Languedoc  ;  le  second 
en  Guyenne,  si  les  circonstances  restent  contraires  à  ses  plans  en  Franche- 
Comté.  Après  Zurich,  ils  sont  l'un  et  l'autre  à  Ueberlingen,  en  Souabe,  oii 
Willot  a  rejoint  Pichegru,  Wickham  l'annonce  à  Condé,  qui  arrive  de  Russie 
avec  son  corps  d'armée  (trop  tard  pour  prendre  part  à  la  bataille  de  Zurich). 
Il  lui  écrit,  le  22  septembre,  qu'il  «  trouvera  M'^"  Z...  (Pichegru),  fort  bien 
pensante,  et  prête  à  se  jeter  aux  pieds  de  Son  Altesse  )),  et  le  l^'i'  octobre  : 
«  M"e  Z...  devait  se  rendre  à  Pfullendorf  ce  matin.  Elle  a  appris  le  départ 
de  V.  A.  et  doit  se  rendre  à  Slokach  dans  le  jour.  J'en  suis  extrêmement 
content  sous  tous  les  rapports.  ))   Chantilly,  Y,  t.  XV,  p.  433,  435.) 

Condé  voit,  en  effet,  Pichegru  et  Willot.  «  J'ai  vu  M""  Zède,  écrit-il  au 
Prétendant  ;  elle  m'a  dit  qu'elle  était  toujours  prête  à  obéir  à  vos  ordres,  mais 
qu'elle  suppliait  V.  M.  de  ne  pas  lui  ordonner  de  se  mettre  en  évidence  tant 
que  ses  amis  intimes  seraient  en  prison,  attendu  que  ce  serait  leur  donner 
la  mort...  Je  n'ai  vu  que  le  major  du  Pérou  (Pichegru),  Willot  et  Imbert 
(Imbert-Colomès).  Je  n'ai  entendu  parler  d'aucun  autre,  et  s'il  y  en  avait 
d'autres  à  Ueberlingen,  où  j'ai  été  trois  jours,  il  est  à  présumer  que  leurs  in- 
tentions ne  sont  pas  bien  pures,  puisqu'ils  n'ont  pas  cherché  à  me  voir, 
comme  ont  fait  les  trois  autres,  dès  que  j'ai  été  à  portée  d'eux.  ))  (Chantilly, 
Z,  t.  II,  p.  184.) 

Condé,  que  le  Prétendant  vient  de  charger  de  la  direction  de  l'agence  de 
Souabe  pendant  son  séjour  dans  ce  pays,  veut  faire  servir  ces  deux  généraux 
au  succès  des  plans  royalistes  L'émigré  Ferrand  lui  écrit  de  Munich,  le 
23  décembre  :  «  C'est  une  pénible  tâche  que  celle  de  l'agence  nouvellement 
imposée  à  Monseigneur.  Les  deux  hommes  dont  nous  avons  parlé  à  Lands- 
berg,  Pichegru  et  surtout  Willot,  ont  conservé  assez  de  correspondances  et 
de  partisans  en  France  pour  y  être  écoutés  en  parlant  au  nom  de  Monsei- 
gneur. Les  portes  leur  seront  sûrement  ouvertes  d'ici  à  peu  de  temps.  Mon- 
seigneur sait  combien  j'étais  disposé  à  travailler  avec  eux.  Je  suis  toujours 
à  leur  égard  dans  les  mêmes  dispositions,  car  je  n'ai  aucun  doute  sur  la 
pureté  de  leurs  vues.  »  (Chantilly,  Z,  t.XLVIII.) 

Cependant  Condé  ne  joue  quun  rôle  très  secondaire  dans  l'affaire  du 
Midi.  C'est  Wickham  qui  la  propose  au  ministère  anglais,  qui  la  défend 
auprès  du  gouvernement  autrichien,  qui  la  dirige  et  la  subventionne  Willot, 
dont  il  approuve  les  plans,  Dandré,  qui  doit  mettre  en  branle  les  Instituts 
du  Midi,  le  consultent  en  tout  ;  les  délégués  royalistes  se  rendent  auprès 
de  lui,  et  cest  à  Augsbourg,  sons  sa  présidence,  quils  se  réunissent,  dans 
l'hiver  de  1800,  pour  arrêter  le  plan  général  d'opérations. 

Ce  plan,  d'ailleurs,  a  varié  de  décembre  à  février.  Eu  décembre,  Wickham 
espère  encore  utiliser  les  relations  que  Pichegru  conserve  en  Franche-Comté 
pour  soulever  la  province,  et  il  ne  songe  pas  ou  peu  à  soulever  la  Guyenne. 
En  février,  le  mauvais  vouloir  de  l'Autriche  laisse  peu  d'espoir  de    réaliser 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  21 

le  plan  Franc-Comtois  et  Dupont-Constant  sollicite  Pichegru  de  prendre 
la  direction  du  mouvement  de  Guyenne.  Aussi  le  général  reçoit  une  des- 
tination nouvelle,  Bordeaux  après  Besançon.  Les  lettres  suivantes  témoi- 
gnent de  l'évolution  qui  se  fait  dans  les  idées  de  Wickham.  Il  importe  de  les 
résumer,  ne  fût-ce  que  pour  marquer  la  liaison  qui  unit  les  complots  du  Sud- 
Ouest  aux  complots  de  l'Est. 

Un  passage  du  Mémoire  historique  de  Dupont-Constant  sert  de  commen- 
taire à  ces  lettres,  et  prouve  le  rôle  important  que  devait  jouer  l'Institut 
bordelais  dans  la  conspiration  anglaise. 

<(  Environ  un  mois  après  [le  18  Brumaire],  je  reçus  del'agence  l'or- 
dre de  me  rendre  à  Augsbourg.  Je  partis  dans  la  huitaine  avec  un 
passeport  de  ma  façon.  Je  m'arrêtai  quelques  jours  à  Lyon  et  pour- 
suivis ma  route  avec  M.  le  chevalier  de  F...  (Floirac).  Il  fallut  s'arrêter 
encore  quelques  jours  à  Altkirch,  où  nous  apprîmes  qu'un  cordon  de 
troupes  françaises  venait  d'être  établi  sur  la  rive  gauche  du  Rhin... 
Enfin,  malgré  les  obstacles  qui  nous  retardèrent  beaucoup,  et  malgré 
les  glaces  qui  rendaient  les  routes  presque  impraticables,  nous  arri- 
vâmes à  Augsbourg  vers  le  15  nivôse...  Après  avoir  vu  les  membres 
de  l'agence  du  roi,  nous  fûmes  présentés  par  le  général  Willot  à 
M.  W...  (Wickham).  Celui-ci  s'entretint  longtemps  avec  nous  et  l'en- 
tretien roula  principalement  sur  la  situation  de  la  France  et  sur  les 
dispositions  des  royalistes.  Je  leur  remis  un  mémoire  détaillé  sur 
l'arrondissement  de  la  Guyenne,  avec  un  état  des  objets  dont  nous 
avions  besoin.  Il  nous  promit  les  secours  et  les  moyens  nécessaires 
pour  nous  préparer  à  un  mouvement  général  qu'on  projetait  alors 

«  Encouragé  par  ces  promesses  magnifiques,  enchanté  des  projets 
et  du  plan  qui  avait  été  concerté  entre  l'agence  et  deux  généraux 
français,  j'entrepris  d'engager  le  général  Pichegru  à  venir  prendre  le 
commandement  des  armées  royales  de  la  Guyenne  et  des  Landes.  Je 
parvins  à  l'y  déterminer  ^  De  quels  succès  ne  devions-nous  pas  nous 
flatter  ayant  ce  général  à  notre  tête  ?  Quelle  confiance  n'eût-il  pas 
inspirée  à  tous  les  braves  qui  devaient  cire  sous  ses  ordres.  Je  me 
chargeai  de  lui  envoyer  des  passeports  pour  lui  et  pour  son  étal- 
major,  ce  que  je  fis  très  exactement  dès  mon  retour   à   Bordeaux  *. 

1.  Ci.  Essai,  p.  91  :  «  J'eus  beaucoup  de  peine  à  déterminer  le  général  Pichegru  à 
venir  prendre  le  commandement  des  armées  royales  des  trois  arrondissements  que 
je  dirigeais  II  lui  répugnait,  mcdit-il,dc  comniander  des  bourgeois;  mais  lorsqu'il 
sut  que  ces  armées  étaient  composées  en  grande  partie  d'hommes  exercés  au  métier 
des  armes,  il  se  rendit  à  mes  instances.  Je  lui  promis  et  lui  envoyai  depuis  de 
Bordeaux  tous  les  passeports  nécessaires  pour  son  état-major.  » 

2.  A  tout  hasard  je  cite  ce  passage  de  la  lettre  des  frères  Marul  à  Imbert-Colo- 
nu-a  (Papiers  saisis  à  liayreutb,  p.  40)  :  «M.  Dupont,  ancien  capitaini'  au  rëgiiiwnt  de 
Lyonnais,  nous  apporta  une  lettre  du  général  W'illot,  datée  d'Augsbourg,  2  mars,  par 
laquelle  cet  ollicier  est  désigné  sous  le  nom  de  Pierre  Henri,  ollicier  supérieur. 
Par  cette  lettre,  le  général  nous  recommandait  de  remettre  ù  M.  Dupont  tous  les 
renseignements  que    nous    nou«    serions    procures  et  de  le  seconder  de  tout    notre 


22  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

Muni  des  instructions  et  des  ordres  pour  l'intérieur  de  la  France,  je 
quittai  '  l'Allemagne  pour  retourner  à  mon  poste...  J'arrivai  à  Bor- 
deaux le  9  mars  1800.  » 


24.  —  Augsbourg,   9  décembre  1799.   Wickham  à  lord  Minto. 

(Résumé  et  traduction  ) 

Il  ne  faut  plus  espérer  que  les  troupes  russes  se  joignent  à  celles  des  Au- 
trichiens en  Allemagne  ou  en  Italie,  ni  même  le  désirer.  Dès  lors  l'Autriche 
reste  seule  à  combattre  la  France  sur  ces  deux  frontières.  Mais  derrière  la 
ligne  de  ses  armées  on  peut  organiser  une  petite  armée  royaliste. 

«  A  ce  sujet  je  pense,  continue  Wickham,  que  vous  pouvez  dire  à 
M.  Thugut  en  toute  sûreté  et  sans  crainte  de  vous  compromettre 
que,  dès  l'instant  où  la  première  ville  de  la  frontière  aura  été  prise 
de  la  manière  ci-dessus  indiquée,  une  tentative  générale  sera  faite 
à  nos  frais  sur  les  derrières  de  l'armée  ennemie,  pour  établir  un  parti 
armé  hostile  au  gouvernement  existant,  qui  prendra  des  couleurs 
plus  ou  moins  royalistes,  suivant  les  circonstances.  Cette  tentative 
sera  conduite  non  par  des  émigrés  dont  l'archiduc,  comme  M.  Thu- 
gut, se  défie  si  profondément,  mais  par  les  généraux  Pichegru, 
Willot  et  Précy,  qui  en  ce  moment  travaillent  sans  trêve  à  se  pro- 
curer les  moyens  de  faire  flotter  l'étendard  de  la  Royauté  lorsque 
l'état  des  affaires  rendra  la  chose  prudente  et  possible. 

«  Willot  se  tient  prêt  à  partir  pour  les  départements  du  Midi  ^  (où 
il  se  propose  de  rester  caché  jusqu'après  les  premiers  succès  de  la 
campagne)  quand  il  en  sera  temps.  Le  général  Pichegru  est  dans  la 


pouvoir,  »  et  p.  43  :  «  M.  Dupont  nous  répondit  qu'il  était  d'autant  plus  fâché  de 
ce  que  nous  venions  de  lui  dire,  relativement  à  M.  Boniface  de  Fonbeton,  qu'il  avait 
compté  le  trouver  à  Sisteron,  ainsi  que  portait  son  instruction  du  général  Willot,  et 
recevoir  de  lui  des  renseignements  sur  l'intérieur  de  la  France  relatifs  à  sa 
mission,  et  qu'en  outre  ce  M.  Boniface  de  Fonbeton  devait  lui  faire  connaître 
M   de  Puiverd,  avec  lequel  il  devait  traiter  dafiPaires  dans  l'intérieur.  » 

Quel  est  ce  Dupont  ?  Le  nôtre  ?  mais  il  n'avait  pas  été  capitaine  au  régiment 
de  Lyonnais,  ou  nous  ne  le  savons  pas.  En  tout  cas,  parti  d'Augsbourg,  le  2  mars, 
il  n'était  pas  arrivé  à  Bordeaux  le  9.  —  Cf.  le  brevet  donné  à  M.  de  Boissac, 
introduction,  p.  xxvni. 

1  II  est  important  de  consulter  les  pièces  justificatives  qui  terminent  VEssai 
de  Dupont-Constant.  La  lettre  du  président  de  Vezet  du  28  mars  1815  et  celle  de 
l'abbé  de  Lacombe  du  8  avril  1816  témoignent  que  Dupont-Constant  a  a  été  envoyé 
à  Augsbourg  pour  y  recevoir  les  ordres  et  instructions  de  l'agence  pour  l'organisa- 
tion de  l'intérieur  »  ;  de  même  celle  de  'Willot,  p.  183,  184.  Cf.  celle  de  Dandré, 
p.  183  ;  celles  du  comte  de  Floirac,  p.  182  et  186  ;  celle  du  marquis  de  Puivert, 
p.  185 

2.  Voir  sur  l'expédition  de  Willot  :  Daudet,  Histoire  de  l'Émigration^  t.  II,  p.  392- 
394,  t.  III,  p.  175  à  192;  Lebon,  l'Angleterre  et  l'immigration,  p.  278  à  283,  d'après 
les  Archives  anglaises  ;  une  série  de  lettres  dans  les  Papiers  saisis  à  Bayreuth 
et  à  Mende,  en  particulier  celles  des  frères  Marut,  p.  24  à  66.  —  Cf.  "Vandal, 
Avènement  de  Bonaparte,   t.  II,  p.  17,  101,  354,  370. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  23 

même  situation  par  rapport  à  la  Franche-Comté,  mais  avec  cette 
différence  essentielle  que,  comme  le  pays  dans  lequel  il  doit  agir 
sera  tout  d'abord  occupé  par  l'armée  ennemie,  il  lui  sera  impossible 
d'y  rien  entreprendre  jusqu'à  ce  que  l'ennemi  soit  chassé  au  moins 
d'une  partie  de  la  province.  » 

C'est  pourquoi  Pichegru  propose,  sous  réserve  de  l'approbation  de  Thugut 
et  de  l'archiduc,  de  former  un  corps  de  déserteurs  sur  les  derrières  de  l'ar- 
mée autrichienne,  corps  à  la  tête  duquel  il  se  placera,  pour  agir  suivant  les 
volontés  de  l'archiduc,  quand  le  moment  en  sera  venu. 

«  Par  ce  que  j'ai  su  des  trois  hommes  ci-dessus,  ajoute  Wickham, 
je  suis  persuadé  que  leurs  principes  et  leurs  vues  sont  parfaitement 
purs  et  qu'ils  sont  d'aussi  fermes  amis  de  la  maison  de  Bourbon  et 
de  l'ancienne  monarchie  qu'aucun  des  premiers  émigrés  de  France. 
Je  puis  ajouter...  que  Monsieur  a  la  plus  complète  confiance  en  eux 
et  qu'il  désire  particulièrement  qu'ils  préparent  les  voies  pour  son 
arrivée...  » 

(Publié  en  anglais  dans  la  Correspondance  de  Wickham.) 

25.  —  Augsbourg,  13  décembre  1799.  Wickham  à  lord  Grenville. 

(Résumé  et  extrait.) 

Wickham  expose  le  projet  ci-dessus.  Il  ajoute  : 

«Les  généraux  Pichegru  et  Willot,  M.  de  Précy  et  M.  d'André 
m'ont  pressé  d'essayer  de  former  un  corps  de  déserteurs  et  conscrits 
français  commandé  par  des  officiers  français.  » 

Wickham  avoue  qu'il  a  été  d'abord  hostile  au  projet  à  cause  de  la  dépense 
et  des  obstacles  que  les  Autrichiens  ne  manqueraient  pas  d'élever.  Mais  il 
s'est  décidé  à  l'accepter  parce  qu'il  croit  que  l'archiduc  sera  consentant  et 
que  Pichegru  prendra  les  mesures  nécessaires  pour  empêcher  les  «  bêtes 
galeuses  »  d'entrer  dans  ce  corps. 

Pichegru  formera  derrière  l'armée  autrichienne  un  dépôt  de  troupes  aux- 
quelles il  donnera  des  officiers  et  des  sous-officiers  qu'il  connaît,  et  quand 
ces  troupes  seront  organisées,  il  les  mettra  à  la  disposition  de  l'archiduc, 
pour  opérer  une  diversion  en  faveur  de  l'armée  autrichienne.  Si  l'invasion 
réussissait,  Monsieur  pourrait  venir  se  mettre  à  la  tête  de  cette  petite  armée. 

{Record  Office^  l'oreifjn  Office^  Suisse,  à  la  date.) 

Le  même  jour,  Wickham  envoie  une  lettre  séparée  à  Grenville  ;  il  fait  le 
compte  des  dépenses  (|u'il  prévoit.  I^n  particulier  il  juge  nécessaire  d'accorder 
aux  royalistes  un  subside  de  W.OOO  livres  sterling  par  mois,  soit  2W.0(X) 
livres  par  an,  de  leur  fournir  davancr  100  000  livres  et  de  consacrer  ^o. 000 
livres  aux   dépenses  préliminaires.  Il  évalue  donc  au  total  à  3G5.000  livres 

f 


24  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

sterling  les   sommes  indispensables  pour  assurer  le  succès  du  mouvement 
royaliste  sur  les  frontières  de  la  Franche-Comté,  des  Alpes  ou  dans  le  Midi. 

{Correspondance  de   Wickham,  II,  377.) 

Mais  lord  Minto  répond  de  Vienne  à  Wickham,  le  14  décembre  1799,  que 
Thugut  ne  veut  pas  entendre  parler  de  la  formation  d'un  corps  de  déserteurs 
sur  les  derrières  de  l'armée  autrichienne,  quelque  bien  qu'il  pense  de  Piche- 
gru,  de  Précy  et  de  Willot. 

{Correspondance  de  Wickham,  II,  382.) 

26.  —  AugsUourg,  25  décembre   1799.  Wickham  à  Grenville. 

(Résumé  et  traduction .  ) 

Le  baron  de  Thugut  refusant  de  consentir  à  la  formation  d'un  corps  de 
déserteurs  sur  les  derrières  de  l'armée  autrichienne,  Wickham  a  modifié  ses 
plans . 

«  Depuis  le  moment,  écrit-il,  où  j'ai  reçu  la  dépêche  de  Votre 
Excellence  du  30  juillet,  je  n'ai  rien  négligé  pour  rétablir  mon 
ancienne  correspondance  avec  Lyon,  la  Franche-Comté  et  les  pro- 
vinces du  Sud...  Avec  l'aide  du  général  Pichegru,  de  M.  de  Précy  et 
Dandré,  et  la  complaisance  de  l'archiduc,  j'ai  si  bien  réussi  qu'une 
correspondance  régulière  était  établie  avec  Lyon,  Marseille,  Be- 
sançon et  Paris,  quand  la  malheureuse  affaire  de  Zurich  a  détruit 
tous  nos  moyens  de  correspondance  et  nous  a  obligés  de  trouver 
de  nouveaux  moyens  pour  l'entretenir.  J  ai  obtenu  ce  résultat  depuis 
mon  arrivée  ici... 

c(  Dans  le  sud  de  la  France  les  personnes  employées  se  sont  princi- 
palement attachées  à  encourager  la  désertion  dans  l'armée  d'Italie,  à 
recevoir  les  déserteurs,  à  les  former  en  compagnies  dispersées  dans 
tout  le  pays,  prêtes  à  être  réunies  aussitôt  que  les  circonstances 
rendront  nécessaire  ou  une  insurrection  générale  ou  l'apparition 
d'une  masse  importante  en  armes  avec  un  général  à  sa  tête.  Le 
général  Willot,  qui  doit  prendre  la  direction  et  le  commandement 
du  tout,  quittera  cette  ville  pour  Turin  au  commencement  de  février 
et,  après  avoir  pris  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  entretenir 
une  correspondance  avec  les  généraux  autrichiens  en  Piémont 
(auprès  desquels  il  aura  les  plus  fortes  recommandations  de  l'ar- 
chiduc), il  se  propose  d'être  à  Marseille  vers  le  l^''  mars  et  prêt  à  se 
déclarer  aux  environs  du  15  ou  du  20  de  ce  mois... 

«  Le  général  Willot  sera  accompagné  par  M.  Dandré,  qui  a  montré 
un  zèle,  une  activité,  une  intelligence,  peu  communes  ^...  » 

1.  Je  crois  inutile  d'analyser  toutes  les  lettres  de  Wickham  relatives  à  la  mission 
de  Willot, car  A.Lebonles  a  résumées,  et  E.  Daudet  adonné  les  raisons  de  l'échec 
du  projet  provençal.  On  trouvera  ici  celles  du  17  et  du  28  février  les  plus  impor- 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  25 

Du  côté  de  Lyon,  des  mesures  de  même  sorte  sont  prises,  bien  qu'elles 
soient  de  moindre  importance  et  de  moindre  effet.  Comme  le  gouvernement 
surveille  de  très  près  Lyon,  c'est  dans  les  montagnes  du  Vivarais,  du  côté  de 
Mende  \  que  tous  les  déserteurs  et  proscrits  de  la  région  lyonnaise  seront 
rassemblés.  lisseront  soutenus  par  les  bandes  armées  qui  se  forment  dans  le 
Forez  et  le  Bourbonnais.  Précy  prendra  le  commandement  du  tout  aussitôt 
que  le  rassemblement  aura  quelque  consistance. 

Mais  du  côté  de  la  Franche-Comté,  impossible  de  faire  un  pas.  L'impres- 
sion produite  par  l'affaire  de  Zurich  et  le  18  Brumaire  a  été  si  profonde  que 
tous  les  agents  se  sont  cachés,  et  beaucoup  des  habitants  qui  avaient  promis 
leur  concours   à  Pichegru. 

En  outre,  le  pays  est  occupé  par  l'armée  républicaine.  Il  faut  provisoire- 
ment établir  les  corps  de  déserteurs  dans  la  Savoie  et  dans  les  Vosges,  quitte 
à  les  appeler  en  Franche-Comté  après  les  premiers  succès  des  Autrichiens. 
Le  général  Pichegru  ne  peut  songer  à  l'action  avant  ces  succès. 

Wickham  espère,  d'ailleurs,  pouvoir  lever  un  corps  de  troupes  suisses 
capables  d'apporter  un  appui  efficace  à  la  coalition  et  de  pénétrer  en  France. 

«  Les  généraux  Pichegru  et  Wiilot  sont  également  désireux  qu'un 
membre  de  la  famille  royale  prenne  le  commandement  des  royalistes 
dans  les  provinces  du  Sud,  et  que  Monsieur  soit  ce  prince. 

«  Au  sujet  de  la  proclamation  qu'il  serait  utile  aux  alliés  de  faire 
à  leur  entrée  en  France,  ces  officiers  sont  d'avis  qu'il  n'est  pas 
nécessaire  (quoique  certainement  désirable)  de  parler  du  Roi  et  de 
la  restauration  de  la  monarchie,  pourvu  qu'ils  soient  autorisés  à 
promettre  à  leurs  partisans  que  lorsqu'une  province  ou  une  étendue 

tantes,  que  je  résume  ou  donne  en  extraits.  Celle  du  26  mars  annonce  à  Grenville 
que  WilIot  a  été  obligé  de  se  rendre  à  Vienne,  mandé  par  Thugut  (de  là  retard 
dans  ses  opérations);  celle  du  27  mai  le  prévient  des  obstacles  apportés  par  les 
Autrichiens  à  son  entrée  en  campagne  ;  celle  du  29  mai  (même  sujet)  ;  celle  du 
14  août  résume  les  causes  de  son  échec  et  rend  pleinement  justice  à  son  activité. 
—  Cette  lettre  et  les  deux  suivantes  (17  et  18  février)  prouvent  assez  la  participation 
de  l'Angleterre  au  complot  Wiilot. 

1.  Ce  fut  le  comte  de  Noyant,  un  des  visiteurs  de  l'Institut  Philanthropique,  qui 
s'occupa  de  la  levée  et  de  l'organisation  de  ces  bandes  dans  le  V^ivarais.  Voir  un 
passage  d'une  note  de  la  police  secrète  adressée  à  Pelet  de  la  Lozère  dans  Boulay 
de  la  Meurthe,  Correspondance  du  duc  d'Enghien,  t.  II,  p.  28.  et  quelques-unes  des 
lettres  de  Noyant  au  chanoine  Mazel,  à  Mende,  publiées  dans  les  Papiers  saisis  à 
Bayreuth  et  à  Mende,  p  375,  379.  La  police  trouva  des  poudres  dans  un  jardin  à 
Mende  et  saisit  26  fusils  neufs.  Cf.  note  de  la  page  377.  Le  comte  de  Noyant 
fut  arrêté  plus  tard,  mais  ne  révéla  aucun  des  secrets  de  l'organisation  royaliste. 
Le  chanoine  Mazel  avait  été  arrêté  le  2  août  1801  ;  il  resta  détenu  à  Porto-Logone, 
lie  d  Elbe.  Voir,  sur  Noyant,  d'H.nilci  ivc,  p.  61  (Sources:  F^  (5268);  sur  Mazel, i6(e{., 
p.  61  et  259  'Sources  :  F"'  62r)8  (iiliO.  (iJf;8,  6318). 

D.iMsi.'i  Provence,  le  vt  ril.ihic  t  lu  f  du  mouvement  royaliste  (qui  n'éclata  pas) 
(Il  \;iil  .  tr(!  le  martjuis  de  Tiiiv)  1 1,  doril  la  Revue  de  Paris  du  1''  avril  1907  a  puhlir 
le  Liore  de  raison  («'xliiMli  :  «  On  mil  à  ma  disposilion.  (•ciit-il.  le  nslc  dfs  londs 
accordés  par  M.  \\  icldiam,  lous  les  inoijcns  de  I  hislilul  l'IiiUmiliinjtunit'  dmis  l«'s 
proNiiiccs  (loul  l:i  diicclioii  m'était  contîée...  n  p  .')'_' 1  .  n  Apiis  .immi-  rt'cu  d«-s 
jiriiicijiiiiix  chefs  de  l'Institut,  </(»/•  je  trouvai  réunis  ii  l.ijon.  lis  iiisi  i  mlioiis  sur  l«'!al 
présent  des  affaires...  etc.  »,  p.  525.  Voir  d'Huulerive  :  Puiveil  phisirurs  fois  eil«', 
consulter  la  table  (Sources  :  F''  6*256,  6258  à  6260). 


26  •  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

considérable  de  territoire  sera  mise  aux  mains  de  l'armée  royaliste 
et  qu'un  prince  du  sang  sera  à  leur  tête,  les  allies  traiteront  avec  ce 
prince...  et  reconnaîtront  le  roi  légitime...  » 

(Traduit  de  la  Correspondance  de   Wickham,  II,  p.  402  à  406.) 

27.  —  Londres,   11  février  1800.  Lord  Grenville  à   Wickham, 

(Résumé.) 

Grenville  eût  approuvé  la  formation  d'un  corps  de  déserteurs  sur  les  der- 
rières de  l'armée  autrichienne;  il  est  regrettable  que  la  cour  de  Vienne  en  ait 
rejeté  le  plan. 

Pour  appuyer  les  opérations  de  Willot,  l'amirauté  va  donner  au  comman- 
dant de  la  flotte  anglaise  dans  la  Méditerranée  l'ordre  de  faire  concorder  ses 
opérations  avec  celles  des  royalistes  du  Midi  et  de  leur  porter  secours  au 
besoin.  Un  corps  de  15  à  20.000  hommes,  commandé  par  le  général  Stuart, 
concertera  ses  mouvements  avec  ceux  des  Autrichiens  et  des  royalistes. 

Monsieur  a  fait  connaître  à  Grenville  son  désir  d'aller  rejoindre  Wickham 
aussitôt  que  possible. 

Grenville  doute  qu'on  puisse  employer  le  corps  de  Condé  aux  opérations 
du  Midi  K 

Les  provinces  de  l'Ouest  se  sont  insurgées  trop  tôt. 

[Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

28.  —    Augsbourg,   17   février  1800.    Wickham    à    Grenville. 

(Résumé.) 

Conformément  aux  instructions  de  Grenville  du  24  décembre,  Wickham  a 
tiré  sur  le  Trésor  anglais  treize  traites,  s'élevant  à  cinquante  mille  livres  ster- 
ling, en  faveur  de  M.  Baboin,  et  une  série  de  traites  s'élevant  à  cinq  cent 
mille  marcs  banco,  c'est-à-dire  aune  somme  à  peu  près  égale,  sur  MM.  Thorn- 
ton  et  Power. 

Il  a,  en  outre,  autorisé  ces  messieurs  à  accepter  des  traites  tirées  par  les 
agents  de  Liouis  XVIII  jusqu'à  concurrence  de /re/i/e-cmg  mille  livres  sterling . 

Il  joint  à  sa  lettre  les  reçus  ci-dessous. 

[Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

29.  —  Les  reçus. 

17  février  1800,  reçu  de  R.  Baboin  2,  autographe. 

((  Je  reconnais  avoir   reçu   aujourd'hui   de  M.   Wickham...    des 

1.  Cependant,  le  19  avril,  Grenville  annonce  à  Wickham  que  le  corps  de  Condé 
sera  débarqué  en  Provence  pour  appuyer  l'insurrection  provençale.  Il  était  même 
question  d'envoyer  le  duc  de  Berry  en  Provence,  avec  ou  sans  troupes  napoli- 
taines. 

2.  Baboin,  banquier  ordinaire  de  Wickham  pour  les  envois  d'argent  en  France, 
et  surtout  à  Lyon  ;  c'est  lui  qui  faisait  passer  à  Dandré,  en  1797,  ses  4.000  louis 
mensuels. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  27 

lettres  de  change  sur  lord  Grenville  et  MM.  Thornton  et  Power  de 
Hambourg  pour  la  valeur  de  cent  mille  livres  sterling  dont  je  dois 
tenir  le  produit  à  la  disposition  des  agents  de  Sa  Majesté  Louis  XVIII 
et  des  généraux  Précy  et  Willot.  » 

Augsbourg,  22  février  1800,  reçu  de  Dandré,  qui  signe  A.  Mayor  (auto  • 
graphe) . 

«  J'ai  reçu...  un  crédit  de  trente-cinq  mille  livres  sterling  sur 
MM  Thornton  et  Power  d'Hambourg  pour  être  employées  à  l'expédi- 
tion du  général  Willot  et  accessoires  ». 

Au  bas  du  billet  (de  la  main  de  Willot)  : 

«  Approuvé  le  reçu  ci-dessus  dont  les  fonds  ont  été  mis  à  ma 
disposition  K  » 

{Record  Office,  Foreign  Office^  Suisse,  joint  à  la  lettre  de  Wickham.) 

30.  —  [Augsbourg],    28   février  1800.    Wickham    à    Grenville. 

(Résumé  et  traduction.) 

Malgré  la  pacification  de  l'Ouest^  Wickham  ne  renonce  pas  à  l'entreprise 
projetée  du  général  Willot  en  Provence,  entreprise  qui  offre  les  plus  grandes 
chances  de  succès  Willot  a  reçu  Tordre  de  partir.  Il  a  des  recommandations 
pour  les  généraux  Mêlas  et  Zag  -,  M.  Jackson,  lord  Keith,  M.  Paget  ^.  Jack- 
son est  autorisé  à  lui  remettre  en  cas  de  besoin  vingt  mille  livres  sterling 
pour  gagner  les  Barbets  Wickham  lui  a  donné  de  l'argent  et  un  crédit  sur 
plusieurs  places  de  la  Méditerranée  jusqu'à  concurrence  de  quatre-vingt 
mille  livres  sterling. 

L'ambassadeur  aurait  désiré  appuyer  l'entreprise  de  Willot  par  une  insur- 
rection des  régions  lyonnaise  et  franc-comtoise  : 

«  Après  plusieurs  consultations  à  ce  sujet  avec  les  généraux  Piche- 
grUf  Willot.,  Précg  et  des  envoyés  (deputies)  de  Marseille,  Bordeaux  *, 
Lyon  el  Besançon,  il  a  été  décidé  d'abandonner  tout  projet  d'ac- 
tion dans  la  Franche-Comté...,  mais  de  faire  quelques  préparatifs  en 
vue  d'un  soulèvement  du  Lyonnais  ..  Si  les  royalistes  de  l'Ouest 
eussent  été  capables  de  se  maintenir,  il  était  projeté  de  relier  leurs 

1.  Au  total,  135.000  livres  sterling  pour  les  royalistes  du  Midi,  soit  3.375.000 
francs.  —  Puivert  savait  qu'on  avait  disposé  de  20.000  louis  pour  les  dépenses 
préparatoires,  et  il  dépensa  250.000  francs  pour  .son  organisation  du  Midi.  Revue 
de  Pans  524,  527. 

2.  Mêlas,  commandant  rarnicc  autrichienne,  qui  assiégea  Masséna  dans  Zurich  ; 
Zag,  son  chef  détat  major. 

3.  Jackson,  agent  anglais  en  Italie  ;  lord  Keith,  commandant  de  la  flotte  an- 
glaise ;  Paget.  outre  agent  anglais,  très  au  courant  des  intrigues  royalistes,  en  par- 
ticulier du  complot  de  l'an  XII.  [C(.  les  l'aget's  papers.) 

4.  Les  Barbets,  insurgés  dans  le  comté  de  Nice  contre  le  gouvernement  répu- 
blicain. Voir  les  lettres  des  frères  Marut,  Papiers  de  Bayreuth,  l.  c. 


28  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

opérations  à  celles  de  Willot  par  une  puissante  insurrection  séien- 
dant  de  Bordeaux  à  Toulouse,  doni  tous  les  éléments  étaient  préparés, 
et  le  général  Picliegru  s'était  engagé  à  prendre  le  commandement  du 
tout.  Il  se  préparait  à  partir  quand  est  arrivée  la  nouvelle  de  la 
pacification  de  la  Vendée  ^ . 

«  Même  à  présent,  il  n'abandonnera  pas  le  projet,  jusqu'à  ce  qu  il 
reçoive  des  informations  que  tous  les  espoirs  du  parti  royaliste 
dans  l'Ouest  sont  détruits  et  que  S.  M.  ne  peut  tenter  une  descente 
dans  une  de  ces  provinces. 

«  Si  les  renseignements  ne  sont  pas  défavorables,  il  se  rendra  à 
Bordeaux...  et  s'efforcera  aussitôt  d'établir  une  communication  avec 
le  commandement  des  vaisseaux  de  Sa  Majesté  dans  cette  région, 
par  le  moyen  de  signaux  dont  j'envoie  ci-joint  une  copie.  Le  général 
Willot  se  servira  des  mêmes  signaux.  On  peut  trouver  à  lAlien 
Office  un  spécimen  de  l'écriture  de  Pichegru.  » 

Ce  générî^l  pense  qu'une  insurrection  du  côté  de  Bordeaux,  appuyée  par 
une  descente  anglaise  puissante,  a  chance  d'aboutir.  Si  les  renseignements 
ne  sont  pas  défavorables,  son  intention  est  de  joindre  immédiatement  le  géné- 
ral Willot. 

{Record  Office  (Suisse),  à  la  date-.) 

1.  Voirie  Résumé  historique  de  Dupont-Constant,  p.  31  à  33,  et  l'Essai,  p.  01-92, 
ci-dessous  cités.  —  Puivert  se  rendit  aussi  à  Augsbourg,  Revue  de  Paris,  p.  524. 
Les  passages  cités  de  son  Livre  de  raison  témoignent  bien  que  dans  la  Provence 
comme  dans  la  Guj'enne  la  force  principale  du  parti  royaliste  résidait  dans  l'orga- 
nisation philanthropique.  Le  complot  de  1800  dans  le  midi  de  la  France  est  essen- 
tiellement un  complot  des  Instituts.  Page  525,  Revue  de  Paris  citée  :  «  Après  avoir 
reçu  des  principaux  chefs  de  l'Institut,  que  je  trouvai  réunis  à  Lyon.,  les  instructions 
sur  l'état  présent  des  affaires...  je  me  trouvai  à  la  tête  de  25.000  hommes,  la 
plupart  conscrits  réfractaires  ..  ))  Cf.  d'Hauterive,  La  police  secrète  du  premier 
Empire,  déclarations  de  Rougier,  p.  37,  quelques  vagues  aveux  de  Puivert,  p.  112, 
avis  sur  ses  envois  de  poudre,  p.  186,  etc. 

2.  Je  ne  crois  pas  nécessaire  de  citer  les  autres  lettres  de  Wickham  relatives  à 
l'expédition  Willot,  par  exemple  celles  du  26  mars  1800  et  du  27  mai  relatives  au 
mauvais  vouloir  des  Autrichiens  et  aux  obstacles  que  Thugut  et  le  baron  de  Mêlas 
apportent  au  succès  de  l'entreprise.  Lebon,  dans  l'Angleterre  et  l'Emigration,  et 
surtout  E.  Daudet,  dans  VHistoire  de  l'Emigration,  t.  III,  racontent  longuement 
l'histoire  de  cette  intrigue. 

Il  serait  plus  intéressant  de  citer  la  lettre  du  14  août,  où  Wickham  affirme, 
d'après  une  lettre  de  Jackson,  agent  de  l'Angleterre  en  Italie,  que  l'entreprise  de 
Willot  aurait  abouti  si  elle  avait  été  encouragée  et  soutenue  par  les  Autrichiens,  et 
que  les  Autrichiens,  prévenus,  dès  le  12  avril,  par  «  deux  personnes  chargées  par 
le  général  Willot  ou  par  M.  Dandré  de  leur  procurer  toutes  les  informations  possi- 
bles sur  Vétat  de  l'armée  de  Dijon  »,  ne  voulurent  tenir  aucun  compte  de  leurs  avis. 

La  brusque  arrivée  de  cette  armée  de  Dijon  (l'armée  de  réserve)  sur  les  champs 
de  bataille  de  l'Italie  mit  fin  à  l'intrigue  de  Willot.  Il  dut  s'enfuir,  après  l'abandon 
de  Turin  par  Mêlas,  à  Alexandrie,  puis  à  Gênes  ;  après  Marengo,  il  se  réfugia  à 
Livourne,  puis  en  Angleterre.  De  là,  plus  tard,  il  gagna  les  Etats-Unis.  La  cause 
de  son  départ  nous  est  indiquée  dans  une  note  que  Danican  fit  passer  à  Fauche- 
Borel  à  Londres  en  juillet  1808.  Danican,  qui  devait  suivre  Willot  en  Italie  en  1800, 
comme  chef  d'état-major  (Cf.  son  dossier  aux  Arch.  adm.  guerre),  raconte  que 
Willot   fut    convaincu    devant    les    tribunaux    anglais,    avec    d'autres    émigrés, 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  29 

[Pichegru  ne  devait  pas  rejoindre  Willot  en  Italie  (pour  de  là  passer  en 
Guyenne).  Le  comte  d'Artois  et  l'Angleterre  l'appelèrent  à  Londres  pour  le 
consulter  au  sujet  du  complot  Cadoudal  et  pour  lui  donner  un  rôle  dans 
l'Ouest.  L'intrigue  de  Londres  le  disputait  à  l'intrigue  d'Augsbourg.] 


D.     —     LA     CONSPIRATION     ANGLAISE    A     PARIS    ET    DANS    l'oUEST 

EN  1799-1800,  et  les  relations  de  l'Institut  bordelais  avec   la 
Vendée  et  Londres. 

Tandis  que  Wickham,  Willot  et  Pichegru  rattachaient  le  mouvement 
bordelais  à  l'insurrection  générale  de  l'Est  et  du  Midi,  appuyée  par  l'armée 
autrichienne,  l'Institut  bordelais  entrait  en  relations  avec  les  Vendéens  ré- 
voltés et  avec  le  comte  d'Artois  qui  subordonnait  1  insurrection  girondine 
au  succès  de  ses  projets  à  Paris  et  dans  l'Ouest. 

La  Vendée,  en  effet,  s'était  soulevée  pour  la  seconde  fois  en  octobre,  avec 
l'Anjou,  le  Maine,  la  Bretagne  et  la  Normandie.  Dupont,  visiteur  de  l'Insti- 
tut bordelais,  s'efforça  aussitôt  d'entrer  en  relations  avec  ces  provinces  et 
organisa  dans  les  Deux-Charentes  une  chouannerie  pour  communiquer  avec 
elles.  Il  importe  de  citer  ce  passage  de  son  Mémoire  historique  (p.  24  et  25)  : 

«  J'organisai  en  même  temps  une  chouannerie  dans  les  Deux- 
Charentes,  entre  les  deux  grandes  routes  de  Paris  et  de  Bretagne. 
Mon  intention  était,  dès  que  nous  recevrions  Tordre  de  prendre  les 
armes,  de  faire  marcher  de  concert  les  royalistes  de  tous  les  dépar- 
tements de  mon  arrondissement  sur  Blaye  et  la  Rochelle...  »  [Cf. 
Essaie  p.  81  :  a  J'établis  dans  les  Deux-Charentes,  entre  les  deux 
grandes  roules  de  Paris  et  de  la  Bretagne,  un  corps  d'éclaireurs, 
sous  le  commandement  du  sieur  Brunet,  émigré  rentré...  »] 

«...  D'après  les  ordres  que  je  reçus  à  celte  époque  de  l'agence  de 
Souabe,  je  fis  partir  un  commissaire,  M.  Destravaux  *,  pour  les 
provinces  de  l'Ouest,  dirigées  par  S.  A.  R  Monsieur,  frère  du  roi, 
avec  une  circulaire  adressée  à  tous  les  commandants  pour  le  roi  et 
avec  des  instruclions.  L'objet  de  sa  mission  était  de  parcourir  la 
Vendée,  la  Bielagne  et  la  Normandie,  d'y  voir  tous  les  chefs,  de 
concerter  avec  eux  les  moyens  de  correspondance,  de  leur  donner 
mon  adresse  et  de  prendre  la  leur.  Mon  commissaire  me  lit  à  son 

f<  (I  .ivoit  pnic  à  une  usure  énorme  les  sommes  qu'ils  tenaient  du  gouvernement 
aiif^luis.  L<-  gciK  rai  Willot, condamné  à  25  000  livres  sterling  d'amende,  fut  obligé  de 
se  réfugier  àN(!vv-York.(]e  misérnbleavait  reçu  du  gouvernement  anglais,  en  1800, 
un  million  toiirnriis  à  l'rfrct  de  soulever  les  provinces  du  midi  de  la  France.  » 
l'.-.|n.rs  I',.   <!.•    Siiinl   Ail. in 

1.  D'iipKs  une  note  du  Hureau  central  de  Bordeaux  du  7  fruclidor.  le  mouve- 
ment insurrectionnel  de  Bordeaux  du  20  thermidor  doit  se  raltachci  :i  !;i  piésence 
dans  cvUr  vilN-  d'un  PliililM  ri  Destrnvaux,  ancien  chef  do  chouans,  niilré  à  la 
fnv<'in  lir  1  iiiiiii  tir  .1  I.  I,  (M  II  hitions  avec  la  Vendée  et  l'Angleterre,  soudoyé 
par  <f  tir  (in  tiiri  r  ..  |H.iii  s,  I unir  aux  conspirateurs  qui  se  rassemblent  à  l'elFet 
de  favoriser  un  inou  \  r  inml  royaliste  ». 


30  L  \  CONSPIRATION  ANGLAISE 

retour  un  rapport  très  satisfaisant.  Mes  propositions  avaient  plu  à 
tous  ces  anciens  et  intrépides  défenseurs  du  trône  et  de  l'autel  -,  ils 
m'envoyèrent  tous  leur  adresse,  et  jusqu'à  l'époque  de  mon  arresta- 
tion notre  utile  correspondance  a  été  toujours  très  active.  »  [Cf. 
Essaie  p.  81.] 

La  lettre  de  Georges  Cadoudal  du  19  juin  1800,  que  nous  publions  plus 
loin,  confirme  les  relations  de  l'Ouest  avec  le  Midi. 

L'Institut  bordelais  correspondait  aussi  avec  le  comte  d'Artois  et  avec  le 
duc  de  Lorges,  qui  recevait  lui-même  ses  instructions  de  Monsieur.  Nous 
citons  plus  loin  la  lettre  de  Papin  au  duc  de  Lorges,  9  mai  1800.  Il  importe 
aussi  de  connaître  les  passages  suivants  du  Mémoire  historique  de  Dupont- 
Constant  : 

<{  Peu  de  jours  avant  ou  après  le  18  Brumaire,  je  profitai  d'une 
occasion  pour  rendre  à  S.  A.  R.  Monsieur,  comte  d'Artois,  un 
compte  exact  et  sommaire  de  tout  ce  que  j'avais  fait  jusqu'alors  pour 
le  service  du  roi.  Je  mis  sous  ses  yeux  1  état  de  nos  forces,  de  nos 
ressources,  de  nos  besoins,  et  en  lui  faisant  connaître  les  bonnes 
dispositions  des  royalistes,  je  lui  demandai  des  instructions  et  des 
ordres.  » 

{Mémoire  historique,  p.  31.) 

Après  son  voyage  à  Augsbourg  (il  est  de  retour  à  Bordeaux  le  9  mars  1800)  : 

«  Je  reçus  à  cette  époque  une  lettre  de  S.  A.  R.  Monsieur,  frère  du 
Roi,  par  l'occasion  d'un  sieur  Burkcl,  suisse,  établi  à  Bordeaux. 
J'en  fis  part  à  tous  les  agents  en  chef  de  l'Institut,  dans  la  seule  vue 
d'exciter  leur  confiance  et  leur  zèle.  Elle  portait  en  substance  que  le 
prince  était  très  satisfait  de  tout  ce  que  nous  avions  fait  ;  qu'il  nous 
engageait  à  continuer,  et  qu'il  allait  incessamment  nous  envoyer  des 
commissaires  chargés  de  nous  faire  connaître  ses  intentions.  Elle 
nous  assurait  aussi  que  S.  A.  R.  allait  donner  des  ordres  pour  que 
l'on  nous  fît  des  remises  à  mesure  des  besoins.  » 

{Mémoire  historique^  p.  34.  Cf.  Essai,  p.  91.) 

«  Une  nouvelle  occasion  pour  l'Angleterre  se  présenta,  et  j*en 
profitai  pour  annoncer  à  S.  A.  R,  Monsieur  que  nous  étions  prêts 
et  que  nous  n'attendions  que  les  ordres  pour  prendre  les  armes.  Je 
lui  donnai  un  aperçu  de  nos  forces  disponibles.  Je  crus  devoir 
instruire  S  .A.  R.  que  les  commissaires  qu'elle  m'avait  annoncés 
par  sa  dernière  lettre  n'étaient  pas  encore  venus.  » 

(Mémoire  historique,  p.  35.) 

Bordeaux,  transition  entre  le  Midi  et  l'Ouest,  recevait  des  ordres  d'Augs- 
boûrg  et  de  Londres.  L'intrigue  girondine  rattachait  le  complot  de  Provence 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  31 

au  complot  parisien  ou  chouan.  Dupont-Constant  et  Papin  donnaient  la  main 
à  Willot  d'une  part,  à  Hyde  et  à  Cadoudal  de  l'autre. 

En  effet,  une  conspiration  s'ébauchait  à  Paris  et  à  Londres  contre  Bona- 
parte au  lendemain  de  Brumaire,  la  Conspiration  anglaise  dont  la  police  a 
publié  les  pièces  (lettres  de  Hyde  de  Neuville  à  l'agent  des  princes  à 
Londres, lettres  de  Dutheil  à  Hyde,  etc.),  après  la  découverte  de  cette  conspi- 
ration, le  12  floréal  an  VHI  2  mai  1800. 

Au  moment  où  l'Ouest  déposait  les  armes,  Hyde  et  l'agence  de  Londres 
voulaient  le  soulever  à  nouveau  :  Monsieur  devait  débarquer  à  Brest,  livré 
par  Dubouchage  ;  Pichegru  le  rejoignait  avec  les  troupes  de  l'Ouest  ;  à  Paris, 
un  coup  de  main  réduisait  Bonaparte  à  l'impuissance  ^  Comme  la  combinai- 
son Willot,  celle  de  Hyde  utilisait  Pichegru  -.  Ce  n'était  point  la  seule  ana- 
logie. Hyde  comptait  sur  une  insurrection  du  Midi,  de  Bordeaux  en  particu- 
lier, pour  appuyer  celle  de  l'Ouest.  «  Le  Midi  était  prêt,  écrit-il  dans  ses 
mémoires,  à  se  lever  de  nouveau,  à  se  placer  sous  les  ordres  du  général 
Willot,  qui  y  avait  laissé  les  plus  honorables  souvenirs...  Bordeaux  s'était 
tout  à  fait  enrégimenté  par  les  soins  du  général  Pépin  (sic)  et  pouvait  se  ral- 
lier à  la  Vendée  par  de  nombreuses  intelligences  ^.  »  Dans  sa  correspondance, 
Hyde  signalait  le  passage  à  Paris,  le  4  février,  d'envoyés  du  Midi  :  «  Les 
commissaires  pour  le  Midi  sont  arrivés.  Ils  ont  vu  Isaac  Larue)  et  Paul 
(Hyde).  Leurs  moyens  paraissent  être  très  grands.  Si  leur  levée  d'hommes 
réussit,  Willot  se  mettant  à  leur  tête,  ce  sera  un  bien  grand  moj^en  de  diver- 
sion *.  »  Déjà,  le  11  janvier,  Hyde  entrait  en  relations  avec  Wickham  pour 
établir  une  concordance  entre  les  complots  de  l'Ouest  ou  du  Nord  et  ceux  du 
Midi  5. 

Son  complot  découvert,  Hyde  passa  la  main  à  Georges  Cadoudal,  le  chef 
de  la  chouannerie  bretonne,  qui  attendait  oisif  à  Londres  l'occasion  d'agir 
de  nouveau.  Les  plans  de  Georges  furent  adoptés  dans  un  conseil  secret  qui 
se  tint  à  Londres  chez  le  premier  ministre,  conseil  auquel  Pitt.  Dundas, 
Grenville,  assistèrent  avec  le  comte  d'Artois  (16  mai  1800)  *.  on  devait 
s'emparer  de  Calais,  de  Lorient,  de  Nantes,  avec  l'aide  des  forces  anglaises 
et,  tandis  que  les  royalistes  s'insurgeraient  dans  la  Bretagne  et  qu'un  prince 
y  débarquerait,  le  «  coup  essentiel  »>  serait  frappé  à  Paris  contre  Bonaparte. 
Trois  jours  après,  Georges  partait  pour  soulever  la  Bretagne,  annonçant  sa 
venue,  dès   le   15,    à  Bourmont,  comme  son  arrivée,  le  3  juin,  à  Grenville  ^. 


1.  Voir  dans  la  Conspiration  anglaise  surtout  les  lettres  de  Hyde  des  13  et 
15  janvier,  du  4  février. 

2.  Surtout  comme  commandant  du  corps  russe  de  Jersey,  débarqué  en  Bretagne, 
et  des  levées  bretonnes  ou  vendéennes.  Cf.  Conspiration  anglatsCf  p.  61,  lettre  du 
11  janvier  à  Pichegru;  p.  62-63,  lettre  i\  Larue,  et  p.  58,  79,87,  97,  lettres  à 
Dutheil  ou  au  comte  d'Artois  ;  Mémoires  de  Hyde^  p.  290,  et  lettre  de  Bourmont  du 
17  janvier,  p.  531, 

3.  Mémoires  de  Hyde  de  Neuville,  p.  238. 

4.  Conspiration  anglaise,  p.  107. 

5.  Lettre  du  11  janvier,  Conspiration  anglaise,  p.  60. 

6.  Le  comte  de  Martel  a  publié  une  partie  des  lettres  de  Georges  conservées  au 
Foreign  Office  ( France  i  dans  les  Pacifications  de  l'Ouest.  Nous  en  avons  publié 
d'autres  dans  la  Revue  historique  de  novembre-décembre  1900.  M.  Vandal 
utilise  ces  lettres  duns  l Avènement  de  Bonaparte ,  t.  Il,  354-356,  395. 


32  LA  CONSPIRATION  ANGLAISE 

Mais  il  entendait  bien  que  l'Ouest  girondin  prendrait  les  armes  avec  l'Ouest 
breton.  Sa  lettre  du  19  juin  que  nous  publions  en  témoigne. 

Il  paraît  donc  hors  de  doute  que  l'Institut  bordelais  fut  en  relations  avec  le 
comte  d'Artois,  comme  avec  les  chefs  vendéens,  et  qu'il  était  destiné  à  jouer 
un  rôle  dans  le  plan  de  Hyde  comme  dans  celui  de  Cadoudal. 

Reste  à  prouver,  par  la  publication  des  pièces  ci-des«ous,  que  les  insurrec- 
tions ou  complots  royalistes  de  1799-1800  dans  l'Ouest  ou  à  Paris  se  ratta- 
chent à  l'intrigue  anglaise  comme  les  complots  de  l'Est  et  du  Midi,  et  que 
le  comte  d'Artois  ne  les  autorisait  et  ne  les  encourageait  qu'avec  l'assen- 
timent  du  ministère  anglais   et  ses  promesses    de  subsides 

Ces  pièces  témoignent  aussi  que  le  comte  d'Artois  voulait,  en  appelant 
Pichegru  à  Londres  avec  Dandré,  enlever  à  Wickham  la  direction  du  mou- 
vement royaliste,  du  Sud-Ouest,  et  même  accaparer  tous  les  ressorts  de 
Tintrigiie  des  Instituts. 

Est  ce  à  dire  qu'il  voulait  affranchir  le  parti  royaliste  dans  le  Midi  de  lin- 
fluence  anglaise,  le  soustraire  à  ses  compromissions  avec  nos  ennemis  ? 
Nullement,  car  il  sollicitait  les  secours  de  l'Angleterre  II  n'agissait  ainsi 
que  par  hostilité  contre  Wickham,  auquel  il  reprochait  d'avoir  empêché 
son  voyage  en  Suisse  avant  Zurich,  et  surtout  ses  procédés  à  l'égard  de  son 
frère,  le  Prétendant  ^ 

31.  —  6  septembre  1799,   Stratford  House  2.  Le  comte  cT Artois 
à  Grenville. 

(Analyse  ) 

A  la  suite  des  conférences  qu'il  a  eues  avec  Grenville  à  Stowe,  Monsieur 
a  recommandé  aux  chefs  royalistes  de  ne  pas  se  soulever  encore. 

Il  pense  d'ailleurs  que  le  soulèvement  n'aura  de  succès  que  si  le  gouver- 
nement anglais  consent  à  solder  70.000  Vendéens  ou  Bretons,  à  les  armer 
et  les  équiper,  et  s'il  les  fait  appuyer  par  un  corps  de  débarquement  anglais 
ou  russe  d'au  moins  20  000  hommes. 

/         [Record  Office^  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

32.  —  11  et  14,   15  septembre.  Dutheil  à  Frère. 

(Analyse  et  extrait.) 
Le  11  septembre,  Dutheil  annonce  à  Frère  que  le  comte  d'Artois  a   l'inten- 

1.  Extrait  d'une  lettre  du  roi  de  France  à  Monsieur,  de  Millau,  le  17  mai  1800, 
Chantilly,  Z,  t.  II,  p  30  :  «  Je  ne  sais  pas  ce  que  j'ai  fait  à  Wickham  pour 
qu'il  ait  commencé  en  1797  par  me  faire  une  grossièreté,  en  se  dispensant  de 
répondre  à  une  lettre  très  honnête  que  je  lui  avais  écrite.  Je  sais  depuis  qu'il  a 
constamment  cherché  à  me  nuire..  Aujourd'hui,  il  n'y  a  plus  qu'une  voix  contre 
lui  sur  la  manière  dont  il  conduit  les  affaires.  Ceci  entre  nous;  mais  Condé, 
Pichegru,  Willot  et  le  baron  de  Salis  ne  peuvent  s'en  taire,  et  j'ai  lieu  de  penser 
que  Roll  ne  vous  en  aura  pas  fait  un  rapport  plus  favorable.  » 

2.  Cf.  ci-dessus  les  n''*  18,  21  et  23.  Le  comte  d'Artois  met  à  profit  son  séjour  à 
Londres  pour  solliciter  en  faveur  des  Vendéens  et  des  chouans  les  secours  du 
gouvernement  anglais. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  33 

tiou  de  se  rendre  demain  à  Londres  pour  parler  soit  au  ministre  Grenville, 
soit  à  Frère. 

D'une  lettre  du  Comte  d'Artois  qu'il  joint  à  la  sienne,  Dutheil  infère  que  le 
ministre  a  bien  accueilli  les  demandes  de  Monsieur  en  faveur  des  Vendéens 
et  des  Bretons. 

Le  14  septembre,  il  sollicite  le  versement  d'une  somme  de  5.000  livres 
sterling  aux  royalistes  de  l'Ouest  II  viendra  voir  Frère  pour  toucher  ces  5.000 
livres  restant  à  payer  sur  les  12.000  livres  promises.  Il  a  fallu  déjà  avancer 
1.200  livres  sur  ces  5  000. 

Suit,  en  effet,  un  état  de  répartition  des  12.000  livres  accordées  par  le  minis- 
tère britannique,  répartition  faite  par  Monsieur  :  2.000  à  la  Vendée  et  à  l'ar- 
mée située  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire  depuis  Saumur  ;  1.800  à  l'Anjou; 
1.500  au  Maine  ;  1.600  au  Morbihan  ;  1.200  à  l'Ille-et-Vilaine  ;  1.500  aux 
Côtes-du-Nord  et  au  Finistère  ;  1  200  à  la  haute  Normandie  ;  1.200  à  la 
basse  Normandie. 

Au  dos  de  cet  état  de  répartition,  Dutheil  a  écrit  : 

«  Reçu  du  département  des  Affaires  étrangères,  le  29  août  1799, 
7.000  livres  sterling  pour  être  distribuées  entre  les  différentes  divi- 
sions de  l'armée  de  l'Ouest  de  France. 

«  Employé  8.200  livres. 

({  Avance  faite.  » 

Sur  cet  état  de  répartition,  il  est  fait  mention  des  reçus  de  La  Prévalaye, 
de  La  Boessière,  de  Mercier,  de  Bourmont,  de  Frotté,  de  Mallet,  reçus  datés 
aussi  du  29  août. 

Le  15  septembre,  Dutheil  envoie  un  état  «  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  en 
armes,  vêtements,  solde,  vivres  par  fantassin  *  ». 

[Record   Office,  Foreign  Office,  France,  aux  dates.) 

X].  —  28  octobre  1799,  Portsmoiith.  Le  comte  de  CrénoUes  à 
Monsieur.  [La  lettre  est  en  copie  aux  archives  du  Record 
Oflicc] 

(Analyse.) 

Le  comte  de  CrénoUes  annonce  qu'il  arrive  de  France  avec  Hyde  de  Neu- 
ville -  qui  est.  dit-il,  «  le  chef  de  l'entreprise  dont  nous  aurons  l'honneur 
de  vous  soumettre  le  plan  ". 

Ils  sont  partis  de  Paris  le  14  octobre,  et  sont  arrivés  aux  îles  Saint-Marcou 

1.  Sur  la  pacification  de  la  Vendée,  voir  Martel,  p.  24,  les  négociations  de 
Pouoncé  ;  p.  57,  la  paix  de  Montraucon.  18  janvier  1800  ;  p.  65  et  125,  La  Préva- 
laye adhère  à  celle  paix  le  24  janvier  et  Hourniont  le  4  février.  Hourmoiit  espérait 
une  diversion  qui  lui  permettrait  d<'  ne  pas  rendre  les  armes  :  il  écrivoit,  le 
17  janvier,  à  Hyde  de  Neuville,  que  les  royahstes  de  la  Vendée  seraient  heureux 
d'avoir  pour  chef  Pichegru  {Mémoires  de  Ilijde,  p.  531),  Il  était  au  courant  des 
projets  de  Hyde  et  croyait  peut-être  que  les  Anglais  débarqueraient  Pichegru  avec 
une  petite  armée  (par  exemple  celle  des  Husses  de  Jersey)  sur  les   cAtes  de  l'Ouest. 

2.  Sur  l'intrigue  de  Hyde  de  Neuville,  voir  ses  Mémoires  et  lu  publication  signée 
d'£.mery,  Cbaptul,  Urune  et  Chumpugnv,   la  Conspiration  anglaise. 


34  CONSPIRATION  ANGLAISE 

le  22  seulement,  car  ils   étaient   poursuivis.   Ils  ont  dû  jeter  à  la   mer  leurs 
dépêches. 

Ils  se  rendront  demain,  29  octobre,  chez  le  duc  de  Portland.  Crenolles 
ajoute  : 

«  L'importance  de  la  mission  dont  je  suis  chargé  me  prescrit  de 
ne  dire  quà  S.  A.  R.  le  nom  de  la  personne  qui  m'envoie  et  de  ne 
pas  le  confier  au  papier.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

[Il  est  possible  que  cette  copie  ait  été  jointe  à  la  lettre  suivante  de  Dutheil.] 

34.  —  23  novembre  1799.  Dutheil  à  Frère. 

(Analyse  et  extrait.) 

Dutheil  insiste  pour  qu'on  accepte  le  plan  des  deux  députés  que  Frère  a 
vus  et  que  Grenville  et  Pitt  n'ont  encore  vus  ni  l'un  ni  l'autre. 

Ce  plan  offre  de  grandes  chances  de  succès,  proposé  «  par  un  homme  aussi 
considérable  et  voyant  aussi  bien  que  celui  par  qui  ont  été  envoyées  lés 
deux  personnes  ». 

«  Si  beaucoup  de  chances  de  succès  existaient  avant  la  révolu- 
tion du  20  novembre  en  faveur  du  plan  proposé,  on  ne  peut  pas  dire 
que  ces  chances  soient  diminuées  depuis  que  les  généraux  Andréossi, 
Beurnonville  et  Lefèvre  ^  qui  ont  des  engagements  plus  ou  moins 
positifs  avec  le  roi  et  qui  devaient  concourir  à  Texécution  du  plan, 
ont  été  mis  à  la  tête  des  troupes,  et  que  Berthier  et  quelques  autres, 
dont  les  dispositions  sont  connues  de  Monsieur,  ont  été  placés  au 
Ministère   ou  dans  des   administration's.  » 

Pourtant  le  ministère  britannique  s'est  déterminé  «  à  suspendre  l'exécution 
du  projet  envoyé  de  Paris  à  Monsieur  ».  Dutheil  demande  qu'il  revienne  sur 
cette  décision. 

(Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date  ) 

Le  ministère  anglais  refusa  longtemps,  semble-t-il,  de  subventionner  une 
entreprise,  fort  semblable,  en  somme,  à  celle  de  Talbot,  puisqu'elle  devait 
avoir  pour  résultat  l'enlèvement  et  sans  doute  la  mort  du  premier  consul.  Il 
s'y  décida  cependant  en  février  1800.  Voir,  en  effet,  la  lettre  de  Hyde  à 
Dutheil  dans    la  Conspiration   anglaise,  p.  107  et  108. 

35.  —  8  avril  1800.  Billet  de  Dutheil  [à  Frère]. 

(Analyse.) 
Une  personne  qui  a  communiqué  à  Malmesbury,  en  1797,  à  Lille,  des  ren- 

1.  Cf.  Conspiration  anglaise,  p.  63,  79,  111.  Deux  de  ces  lettres  sont  chiffrées  et 
difficiles  à  traduire. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  35 

seignements  sur  les  intentions  du  Directoire  au  sujet  des  conquêtes  de  l'An- 
gleterre dans  les  possessions  hollandaises  et  qui  en  a  reçu  5.000  livres  ster- 
ling, offre  ses  services  à  Dutheil. 

[Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

Cf.  la  lettre  suivante.  Depuis  le  mois  d'août  Dupérou  sollicitait  les  agents 
des  princes  à  Londres  d'offrir  ses  services  au  ministère  anglais. 

36.  —  5  mai  1800.  Lettre  de  Dupérou  [à  Grenville  ou  à  Frère]. 

(Analyse  et  extrait.) 

Dupérou  offre  encore  de  procurer  au  ministère  anglais  des  rensei- 
gnements des  «  mêmes  personnes  qui,  dans  le  temps  des  négociations 
de  Malmesbur3\  à  Lille,  avaient  touché  cinq  mille  livres  sterling 
pour  faire  connaître  si  le  Directoire  regarderait  la  restitution  du  cap 
de  Bonne-Espérance  et  du  port  de  Trinquemale  comme  la  condition 
sine  qua  non  de  la  paix  ». 

L'abbé  Ratel  et  Hyde  de  Neuville  n'ont  point  encouragé  ces  ouver- 
tures faute  d  argent. 

Suivent  des  renseignements  surtout  diplomatiques.  Dupérou  ajoute  : 

«  Bonaparte  vient  d'organiser  une  police  secrète  dont  les  membres 
sont  môme  inconnus  à  ses  familiers.  A  cet  égard,  je  peux  annoncer 
que  les  personnes  dont  je  suis  l'organe  peuvent  en  partie  dicter  les 
rapports  des  individus  attachés  à  cette  police  et  s'engageraient  égale- 
ment à  transmettre  au  gouvernement  anglais  le  précis  de  leurs 
opérations.  » 

[Cf.  la  Correspondance  dé  Dupérou,  chargé  de  la  police  secrète  de  Hyde, 
dans  la  Conspiraiion  anglaise,  p.  20G  et  suiv. 

Le  même  individu  qui  signe  Dupérou  écrit  à  Flint  à  l'Alien  Office,  le 
7  mai,  et  signe  Martin.] 

[Record  Office,  Foreign  Office  y  France,  à  la  date.) 


37.  —  Bordeaux,  le  9  mai  1<S()().    «  Le  (jènêral  comninndnnt  la 
division  de    la   Gironde    »    au   duc  de  Loryes. 

(Analyse  et  extraits.) 

I^e  général  fonde  les  plus  grandes  espérances  «  sur  la  glorieuse 
nitic  prise  dont  les  Bordelais  attendent  impatiemment  rexéculion  ». 
11  apprend  avec  joie  (|u'un  prince  viendra  se  mettre  ii  la  tète  des 
forces  de  la  Gironde  et  que  le  duc  de  Lorges  est  nommé  gouverneur 
de  la  Guyenne. 


36  CONSPIRATION  ANGLAISE 

Le  corps  formé  par  Servant  s'accroît  de  jour  en  jour  :  «  Nous 
avons  reçu  des  armes  et  des  munitions...  J'attends  les  fonds  que 
vous  m'annoncez,  ainsi  que  les  deux  envoyés.  » 

Signé:  Servant  [nom  philanthropique  de  PapinJ  \ 
[Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 


38.  —  Londres,  8  mai  1800.  Monsieur  à  Ch.  de  Tinseaii  2,  a  lieu- 
tenant de  Tétat-major  du  corps  d'armée  suisse  à  la  solde  de 
S.  M.  britannique  ». 

Monsieur  a  chargé  le  baron  de  Roll,  qui  lui  a  remis  la  lettre  de  Tinseau, 
de  le  prévenir  qu'il  ne  tarderait  pas  à  faire  appel  à  son  dévouement 

«  Le  moment  n'a   pas   tardé  à  arriver,  puisque  je  vous  donne 
l'ordre  de  vous  rendre  le  plus  promptement  possible  près  de  moi. 
«  J'adresse   un  ordre   pareil    au   général    Piche^ru  3,  et  je  vous 


1.  La  parenthèse  n'est  pas  dans  le  texte;  mais  nous  savons  par  Dupont  et 
Rollac  quePapin  portait  le  nom  philanthropique  de  Servant.  —  Les  fonds  annoncés, 
Cf  Essai,  p.  92  :  C(  L'agence  royale  me  promit  des  fonds  pour  les  premiers  achats 
à  faire...  les  plus  considérables  me  seraient  portés  par  le  général  Pichegru  ..  C'est 
la  première  fois  que  l'agence  me  donna  de  l'argent.  » 

Le  prince  attendu.  D'un  interrogatoire  du  chimiste  Gazalet,  qui  avait  vu  Willot 
en  Angleterre  en  1803  et  qui  le  connaissait  intimement,  nous  extrayons  le  passage 
suivant  :  «  Sur  ce  qu  on  avait  dit  au  comte  d'Artois  qu'il  y  avait  à  Bordeaux 
douze  à  quinze  mille  hommes  prêts  à  agir  pour  lui,  le  duc  de  Berry  avait  résolu  de 
prendre  un  passe-port  pour  venir  à  Bordeaux,  en  qualité  de  commis  négociant. 
Willot,  qui  me  dit  le  fait,  ajouta:  «  Ce  jeune  fou  veut  exposer  sa  vie.  »  Archives 
départementales,  série  M,  liasse  intitulée  :  Police  générale,  affaires  politiques,  an  IX, 
1804-1808. 

Les  envoyés  :  Forestier  et  Céris  sans  doute.  Ils  ne  sont  venus  à  Bordeaux  que  plus 
tard,  avant  le  complot  des  Plombs  de  1804.  Papin  les  a  logés  chez  Acquart-Vreilhac. 

2  Voir  surTinseau  d'Amondans,  qui  en  1795-1796  avait  été  l'un  des  chefs  de  l'insur- 
rection franc-comtoise,  la  Trahison  de  Pichegru.  p.  71,  129,  131,  163,  191,  197,  221. 
Cf  Mémoires  de  Fauche  Borel,  t.  Il,  p  324  :  «  Pichegru  avait  été  envoyé  en  Suisse 
avec  le  colonel  Tinseau,  lorsqu'on  nourrissait  encore  l'espoir  que  la  négociation  avec 
Barras  aurait  un  plein  succès.   » 

3.  Voir  sur  la  vie  de  Pichegru  à  Leitershofl,  près  d'Augsbourg  en  Souabe,  le 
récit  des  Mémoires  de  Fauche- Borel,  t.  II,  p.  337  à  345.  Fauche  passa  une  partie 
de  l'hiver  de  1799-1800  auprès  de  Pichegru  (récit  du  bal  masqué)  ;  il  ne  partit 
pour  Londres  qu'au  printemps.  Lire  une  très  importante  conversation  de  Pichegru 
avec  Fauche,  où  il  résume  le  plan  royaliste  et  anglais  de  1799,  plan  qui  est,  à  peu 
de  différences  près,  celui  de  1800,  p.  337  à  339. 

Sur  le  rappel  de  Pichegru  à  Londres,  cf.  Lebon,  p.  286.  —  Se  préparait-il  à  «  aller 
d'Augsbourg  en  Italie  »,  comme  le  croit  M.  Daudet,  Histoire  de  VÉmigration,  t.  III, 
p.  192?  Dans  ce  cas,  il  devait  se  rendre  d  Italie  à  Bordeaux.  —  Dupont-Constant 
prétend  qu'il  passait  par  l'Angleterre  afin  d'arriver  plus  sûrement  à  Bordeaux  : 
((  J'attendais  le  général  Pichegru  dont  le  départ  d'Augsbourg  m'était  annoncé  et 
qui  était  passé  en  Angleterre  pour  de  là  se  rendre  à  Bordeaux  »,  Essai,  p.  100.  Il 
est  probable  que  le  comte  dArtois  l'appelait  en  Angleterre  pour  lui  donner  un  rôle 
dans  le  grand  plan  élaboré  avec  Cadoudal. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  37 

engage  à  vous   arranger  avec  lui   pour   que  vous  puissiez  faire  le 
voyage  ensemble. 

«  M.  Wickham,  qui  reçoit  par  le  même  courrier  les  instructions  de 
lord  Grenville,  est  prié  par  moi  de  subvenir  aux  frais  de  votre  route 
ainsi  qu'à  celle  du  général  Pichegru.  Lord  Grenville  m'a  promis  que 
vous  conserveriez  le  traitement  dont  vous  jouissez  aujourd'hui.  Je 
n'entrerai  point  dans  plus  de  détails,  me  réservant  de  causer  avec 
vous  sur  la  manière  dont  je  compte  employer  votre  zèle  et  vos 
talents... 

«  Je  vous  recommande  d'éviter  que  l'on  connaisse  le  motif  de 
votre  voyage.  Je  fais  la  même  recommandation  au  général  Piche- 
gru. » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

39.  —  Londres,  10  mai  1800.  Lord  Grenville  à  Wickham, 

(Analyse  et  traduction.) 

«Comme  les  circonstances  peuvent  donner  occasion  de  tenter  une 
entreprise  sur  les  provinces  du  nord  et  de  l'ouest  de  la  France, 
Monsieur  a  exprimé  le  désir  que  le  général  Pichegru  soit  consulté 
au  sujet  de  cette  expédition,  à  laquelle  Sa  Royale  Altesse  peut 
prendre  part,  et  qu'il  soit  employé  à  son  exécution.  » 

Le  ministre  prie  donc  Wickham  de  faire  passer  Pichegru  en  Angleterre  le 
plus  tôt  possible,  l'opération  en  question  devant  avoir  lieu  vers  la  fin  du 
mois  prochain,  à  moins  d'imprévu. 

{Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

40.  —  Londres,   27    mai   1800.   Lord    Grenville  à    Wickham. 

(Analyse.) 

Monsieur  veut  donner  des  instructions  à  Dandré  '  et  désire  qu'il  passe  en 
Angleterre.  A  lui  et  à  Wickham  d'aviser  si  la  chose  est  possible.  Le  comte 
d'Escars,  qui  porte  cette  lettre,  est  chargé  de  fournir  à  Dandré  toutes  les 
explications  qui  lui  permettront  de  se  décider  en  connaissance  de  cause. 

(Ibidem.) 


1 ,  En  réalité,  le  comte  d'Artois  voulait  attirer  Dandré  à  Londres  pour  l'y  garder. 
Dandrc,  en  effet,  était  nu  courant  de  toutes  les  relations  de  l'agence  de  Sounbe  avec 
les  Instituts  du  Midi,  qu'il  avait  contribué  à  fonder.  (Vest  pour  cela  que  Wickham 
tenait  à  conserver  auprès  de  lui  cet  important  dépositaire  des  secrets  royalistes 
(voir  la  pièce  47  de  ce  recueil).  Dandré  refusa  de  quitter  Au^sbourg,  c'est-à-dire 
Wickham,  dont  il  avait  la  confiance  et  qui  disposait  de  crédits  considérables,  dont  il 
entendait  se  servir  au  profit  de  la  cause  royaliste. 


38  CONSPIRATION  ANGLAISE 

41.  —  Londres,  13  mai    1800.  Dutheil  à  M.  Frère. 

(Analyse.) 

Le  comte  d'Artois  envoie  en  Souabe  son  capitaine  des  gardes  *  pour  s'ex- 
pliquer avec  l'agence  sur  de  prétendues  missions  qu'il  aurait  envoyées  dans 
le  midi  delà  France,  et  qu'il  n'a  pas  envoyées  en  réalité,  car  il  s'interdit  tout 
ce  qui  touche  à  ces  régions  qui  dépendent  de  Wickham  et  de  l'agence. 

[Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date  -.) 

42.  —  19  juin  1800.  Georges  à  lord  Grenville^. 

(Lettre  écrite  de  Bretagne.  Extrait.) 

((  Tout  est  prêt;  j'ai  parlé  à  tous  les  chefs  ;  ils  sont  en  mesure. 

(1  Le  peu  de  troupes  républicaines  qu'il  y  a  encore  dans  l'Ouest  s'est 
concentré  dans  le  Morbihan  et  le  Finistère.  L'Anjou,  le  Maine,  le 
Poitou,  la  Normandie,  sont  absolument  dégagés.  Nantes  n'a  pas 
800  hommes  de  garnison  et,  depuis  le  Croisic  jusqu'à  celte  ville,  il 
n'y  en  a  pas  600.  Rien  ne  peut  empêcher  le  plan  que  j'ai  présenté  à 
votre  gouvernement,  mais  il  faut  faire  diligence... 

«  Il  suffira  de  prévenir  les  chefs  de  l'intérieur  huit  jours  avant  le 
débarquement  et  V insurrection  éclatera  dans  tout  V Ouest  et  même  dans 
une  partie  du  Midi  avec  laquelle  nous  correspondons  *. 

<(  Plusieurs  villes  conséquentes  seront  prises  le  même  jour  par  les 
insurgés.  Ceux  du  Morbihan,  du  Finistère,  des  Côtes-du-Nord  et  de 
rille-et-Vilaine  feront  leurs  efforts  pour  détruire  partiellement  et 
empêcher  la  réunion  de  la  petite  armée  qui  est  contre  eux  et  lui  ôter 


1.  La  vraie  cause  de  la  mission  confiée  au  comte  d'Escars  et  au  marquis  de 
Rivière  nous  est  connue  par  une  lettre  de  l'abbé  Delamarre  à  TAlien  Office,  lettre 
qui  se  retrouve  au  British  Muséum  (papiers  de  Puisaye,  vol.  LXXVI).  La  lettre  est  du 
16  octobre  1805  :  le  comte  d'Artois  envoya  «  en  Allemagne  le  marquis  de  Rivière  et 
le  comte  François  d'Escars  pour  y  casser  une  agence  établie  par  Louis  XVIII...  Ils 
étaient  spécialement  chargés  d'offrir  à  M.  Dandré,  membre  de  cette  agence,  la  place 
de  M.  Dutheil,  en  qui,  disaient-ils,  Monsieur  ne  pouvait  plus  avoir  confiance.  » 
Celte  mission,  qui  devait  servir  à  endormir  les  défiances  de  Wickham,  avait  pour 
but  réel  d'enlever  Dandré  (et  avec  lui  le  parti   royaliste  du  Midi)   à   son  influence. 

Wickham  s'était  plaint  que  le  comte  d'Artois  envoyât  des  agents  dans  le  Midi, 
bien  que  le  Midi  ne  fût  pas  placé  par  le  Prétendant  sous  sa  direction  et  ne  relevât 
que  de  l'agence  de  Souabe.  11  avait  chargé  le  baron  de  Roll  de  faire  à  ce  sujet  des 
représentations  amicales  au  comte.  Cependant  un  Suisse,  du  nom  de  Bourrât,  s'était 
présenté  dans  le  Midi  comme  agent  de  Monsieur.  Cf  lettre  de  Wickham  du  26  avril 
1800,  Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date. 

2.  Martel,  p.  232,  place  à  tort  cette  lettre  à  la  date  du  18  mai. 

3.  Martel,  Pacifications,  p.  212,  ne  publie  que  les  dernières  lignes  de  cette  lettre, 
et  la  suite. 

4.  Dupont-Constant  s'était  mis  en  relations  avec  l'Ouest  vendéen  et  chouan  par 
Destravaux. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  39 

tout  moyen  de  se  porter,  du  moins  en  corps,  sur  l'armée  débarquée. 
Alors  les  royalistes  de  l'Anjou,  du  Poitou  et  du  Maine  réunis  à  la 
grande  armée...  peuvent  espérer  le  plus  grand  succès.  Surtout  si 
on  n'a  pas  manqué  le  coup  essentiel  de  Paris...  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

Je  ne  publie  pas  les  autres  lettres  de  Georges,  car  M.  de  Martel  les  a 
analysées  ou  publiées  en  partie  dans  Les  Historiens  fantaisistes.  Cf.  aussi 
mon  article  de  la  Revue  historique   de  novembre   1900, 


43.  —  Londres,  23  juin  1800.  Fauche-BoreU  [à  Frère], 

(Extrait.) 

«  En  rentrant  chez  moi  dimanche  dernier,  au  sortir  de  chez  Son 
Altesse  royale,  j'ai  trouvé  MM.  Montferrat  et  Montchenu,  qui  m'ont 
remis  une  lettre  de  M.  de  la  Neuville  ^,  qu'ils  ont  demandé  que 
j'anéantisse  après  lecture,  ce  que  j'ai  fait.  Ladite  lettre  portait  en 
substance  qu'on  m'adressait  ces  deux  messieurs  pour  les  mettre  à 
même  de  faire  la  connaissance  du  Major  [Pichegru]  à  son  arrivée, 
qu'il  était  important  de  lui  faire  connaître  le  terrain,  c'est-à-dire  de 
lui  donner  connaissance  des  personnes  qui  entouraient  Monsieur  ; 
que  M.  de  la  Neuville  correspondait  de  l'intérieur  avec  ces  Messieurs 
et  qu'il  leur  ferait  part  de  son  succès  auprès  des  chefs  vendéens, 
auxquels  il  allait  s'adresser  pour  demander  leur  signature  3,  afin  de 
déterminer  le  Major  à  se  mettre  à  leur  tête.   » 

Fauche  s'est  tenu  sur  la  réserve,  a  répondu  que  Pichegru  n'était 
pas  arrivé,  et  qu'il  ne  savait  pas  quand  il  arriverait.  Il  croit  que 
M.  de  la  Neu^^ille,  dont  la  «  légèreté  »  est  connue,  n'aura  guère  de 
prise  sur  Pichegru,  «  à  cause  de  l'extrême  réserve  du  Major.  » 

(Record  Office^  Foreign  Office^  France,  à  la  date.) 


1.  Fauche  partit  presque  aussitôt  pour  Augsbourg,  Voir  le  n"  46  du  recueil. 
On  trouve  dans  ses  Mémoires  un  long  récit  de  son  voyage,  très  mouvementé,  car  le 
vaisseau  qui  le  portait  fut  arrêté  par  un  corsaire  français.  Fauche  dut  jeter  à  la 
mer  les  lettres  et  instruclious  que  lui  avait  confiées  Grenville. 

2  Après  la  découverte  de  la  conspiration  anglaise,  Hjde,  qui  étaitalorsà  Londres, 
repartit  pour  la  France,  afin  de  «  tout  disposer  dans  le  plus  grand  secret  pour 
revenir  ensuite  avec  le  général  Georges  ».  Voir  Martel.  Pacifications.,  p.  298.  Mais 
il  voulait  gagner  Pichegru  à  l'idée  de  venir  ù  Paris  s'entendre  avec  les  généraux 
ennemis  du  premier  consul  pour,  de  lA,  aller  prendre  le  commandement  des  forces 
insurgées  de  l'Ouest.  C'est  pourquoi  il  avait  chargé  ses  amis  de  parler  & 
Pichegru. 

3.  Cf.  la  lettre  de  Hourmont  du  17  janvier  1800,  citée  en  appendice  dans  les 
}fémoire$  de  Hyde.  Bourmont  aurait  accepté  de  servir  sous  les  ordres  de  Pichegru. 


40  CONSPIRATION  ANGLAISE 

44.  —  Lundi,  4  h.  après-midi  [reçu  30  juin   1800].   Le  baron 
de  Roll  \à  Frère]. 

«  Monsieur,  je  suis  venu  pour  avoir  l'honneur  de  vous  voir  de  la 
part  de  S.  A.  R.  Monsieur  et  pour  vous  dire  que  le  général  Pichegru 
vient  d'arriver  ^  Ce  prince  vous  prie  d'en  informer  lord  Grenville 
et  M.  Pitt  et  de  leur  demander  de  sa  part  s'il  désire  voir  le  général 
Pichegru  encore  (sic)  aujourd'hui  ou  demain  matin.  Monsieur, 
désirant  le  leur  amener  lui-même,  vous  prie  de  lui  envoyer  une 
réponse  dans  la  journée,  afin  qu'il  puisse  se  régler  en  conséquence.  » 

{Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 

45.— ^Londres,  2  juillet  1800.  Lord  Grenville  au  général  Georges  \ 

(Minute.) 

Accuse  réception  de  trois  lettres  de  Georges,  dont  la  dernière  est  du  19  juin. 

((  J'avais  déjà  préparé  mes  réponses  aux  deux  premières  et  tout 
était  arrangé  pour  l'exécution  des  mesures  que  le  gouvernement  du 
Roi  avait  décidé  d'adopter,  quand  on  a  appris  ici  la  nouvelle  de  l'ar- 
mistice conclu  en  Italie. 

«  Il  n'est  que  trop  évident  que  si  cet  armistice  venait  à  être  prolongé 
et  mieux  étendu  aux  autres  armées,  les  républicains  se  verraient  par 
là  en  état  de  tourner  contre  les  royalistes  une  masse  de  forces  supé- 
rieure à  celle  dont  ils  auraient  pu  disposer  dans  d'autres  circons- 
tances. Les  mesures  dont  il  a  été  question  deviendraient  par  consé- 
quent infiniment  plus  hasardeuses  et  ne  serviraient  qu'à  compromettre 
sans  avantage  réelles  braves  gens  auxquels  vous  avez  la  gloire  de 
commander.  Je  ne  puis  donc  que  vous  inviter  de  leur  persuader  de 
rester  tranquilles  pour  le  moment...  » 

(Record  Office,  Foreign  Office,  France,  à  la  date.) 


1.  Pichegru,  après  Marengo  (Voir  la  leUre  ci-dessous  de  Grenville),  dut  renon- 
cer à  se  rendre  à  Bordeaux.  C'est  alors  qu'il  ébauche  avec  Georges  Cadoudal, 
revenu  de  Bretagne,  le  plan  du  complot  de  l'an  XII.  Le  duc  de  Bourbon  écrit 
au  prince  de  Condé,  le  4  août  1800  ;  «  Pichegru  est  ici,  attendant  les  événe- 
ments ;  il  voit  souvent  Georges  ;  ils  sont  bien  traités  par  le  gouvernement.  » 
Chantilly.  Z,  t.  VIII,  p.  331.  —  Il  repartit  pour  le  continent  en  août  1800.  Le 
17  août,  Monsieur  écrivait  à  Grenville  :  oc  D'après  ce  que  M.  Frère  m'a  dit  hier  de 
votre  part  relativement  au  retour  du  général  Pichegru  sur  le  continent,  je  dois  vous 
proposer  de  conférer  avec  moi  d'abord  et  ensuite  avec  le  général  Pichegru, 
afin  que  nous  puissions  convenir  ensemble  de  la  nature  des  instructions  qu'il 
faudra  donner  à  ce  général,  pour  tirer  un  parti  utile  de  son  zèle  et  de  ses 
lumières.  » 

2.  Grenville  renonçait  au  plan  du  Midi  comme  au  plan  de  l'Ouest,  momentané- 
ment au  moins. 


ET  LES  INSTITUTS  PHILANTHROPIQUES  DU  MIDI  41 

46.  —   Ambert,   17  juillet  1800.    Wickham   à  lord  Greiwille. 

(Traduction.) 

«  M.  Fauche  de  Neufchâtel  est  arrivé  ici  la  nuit  dernière  ^  et 
m'informe  qu'il  ma  été  envoyé  avec  une  dépêche  de  Votre  Excel- 
lence et  aussi  avec  des  instructions  pour  trouver  le  général  Pichegru 
et  retourner  avec  lui  à  Londres,  mais  qu'il  a  eu  le  malheur  d'être 
pris  à  bord  du  Dolphin  Packel,  par  le  Buoiiaparte,  corsaire  fran- 
çais, et  emmené  au  Texel  après  avoir  jeté  ses  dépêches  par-dessus 
bord. 

«  Comme  le  général  Pichegru  doit  être  depuis  longtemps  déjà  en 
Angleterre,  je  renvoie  Fauche  sans  perte  de  temps.  » 

[Record  Office,  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date.) 

47.  —  Crems  Munster,  16  août  1800.  Wickham  à  Greiwille  2. 

(Analyse    et  extrait.) 

Répond  à  la  lettre  de  Grenville  du  27  mai,  relative  à  Dandré,  Dandré  ne 
peut  pas  se  rendre  en  Angleterre  En  voici  les  raisons  ostensibles  :  Wickham 
avait  besoin  de  lui  jusqu'à  la  fin  de  la  mission  de  Willot,  pour  diriger  le 
service  de  renseignements,  «la  correspondance  de  l'Intérieur  »,  dont  il  est 
chargé  ;  il  en  a  besoin  encore,  car  il  ne  peut  le  remplacer  dans  ces  fonctions 
dont  il  s'acquitte  fort  bien. 

Voici  maintenant  les  raisons  secrètes  :  Dandré  ne  veut  pas  communiquer 
au  comte  d'Artois  et  à  son  indiscret  entourage  les  noms  de  ses  correspondants 
en  France.  Surtout  Wickham  veut  le  garder  pour  «  avoir  l'œil  »  dans  la 
correspondance  des  agents  de  Louis  XVIII  en  France,  dont  il  ne  connaîtrait 
rien  sans  Dandré.  Les  correspondants  de  Dandré  en  France  sont  des  roya- 
listes qui  ne  se  sont  pas  compromis  au  18  Fructidor,  en  particulier  le  con- 
sul Lebrun,  qui  a  écrit  une  lettre  avant  son  consulat  au  roi  Louis  XVIII  et 
qui  en  a  reçu  réponse  ;  Lebrun  n'a  pas  écrit  depuis  qu'il  est  consul,  mais 
il  voit  souvent  le  correspondant  de  Dandré  et  déclare  qu'il  est  prêt  à  servir 
le  roi,  mais  que  l'occasion  est  loin  d'être  propice.  C'est  par  Dandré  que 
Wickham  a  connu  la  correspondance  de  Thugut  et  de  Talleyrand  l'hiver 
dernier,  1'"  état  exact  et  la  force  de  l'armée  française  »... 

((  Votre  Excellence  se  rappellera  que  M.  Dandré  fut  employé 
comme  agent  principal  pour  amener  un  changement  d'opinion  dans 

1.  Cf.  Mémoires  de  Fauche,  t.  II,  p.  345  et  suiv.  A  354.  Le  Dolphin  fut  capturé  en 
vue  du  Texel,  et  Fauche  fut  cntiduil  h  In  Haye.  Il  trouva  Wickh.un  à  Munzingen, 
couvent  fameux,  à  10  ou  12  lioues  de  Vienne. 

2.  Je  cite  cette  curieuse  lettre  qui  prouve  les  relations  de  W'ieklinm  avec  Dandré 
dès  avant  Fructidor.  Grâce  à  Dandré,  Wickham  tenait  les  fils  de  l'organisation 
royaliste    du    Midi.  C'est  pourquoi  il  voulait  garder  auprès  de  lui  l'ex-constituant. 


42  CONSPIRATION  ANGLAISE 

les  deux  conseils  aussi  bien  que  dans  l'esprit  public,  avant  le  coup 
d'état  du  18  Fructidor  ou  5  septembre  1797  '.  » 

Dandré  sera  très  utile,  même  à  Londres,  pour  diriger  le  service  de  rensei- 
gnements secrets  avec  les  royalistes  de  l'Intérieur. 

{Record  Office^  Foreign  Office,  Suisse,  à  la  date  ) 


1.  Document  essentiel,  un  de  ceux  qui  prouvent  que  les  lettres  signées  Kilien  et 
Berger,  lettres  de  l'agent  de  Wickham  à  Paris,  sont  bien  de  Dandré.  Voir,  sur  son 
rôle  à  Paris,  ma  thèse  principale,  la  Trahison  de  Pichegru,  les  deux  derniers 
chapitres . 


DEUXIÈME  PARTIE 


1800 


LA    DECOUVERTE 


COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIIP 


A.  —  l'arrestation  de  DUPONT,  COSSE  -,  etc.  Correspondance 
de  Desmarets  avec  le  commissaire  Pierre  et  le  préfet  Thihaii- 
deau. 

A  la  suite  de  la  découverte  de  la  Correspondance  anglaise,  le  12  floréal 
an  VIII,  chez  la  veuve  Mercier,  la  police  de  Fouché  surveilla  de  plus  près  les 
intrigues  royalistes  et  découvrit  celle  de  Bordeaux.  Comment  ?  C'est  ce  qu'il 
est  fort  difficile  de  dire  avec  certitude    Voici    des  hypothèses  :  Dupont  était 


1.  Les  documents  de  la  sériç  F^  (Archives  nationales)  qui  concernent  l'Institut 
Philanthropique  de  Bordeaux  et  cet  Institut  en  général,  ainsi  que  le  complot 
royaliste  du  Midi  en  l'an  VIII,  sont  contenus  dans  les  cartons  6256  (dossier  5121) 
[carton  de  la  Conspiration  de  Bordeaux],  6258  à  6260  [Affaires  du  Midi]  et  6419 
(dossier  8375) 

Les  autres  documents  cités  dans  c«lte  seconde  partie  du  recueil  appartiennent 
aux  Archives  administratives  de  la  guerre  (dossier  Papin),  aux  Archives  départe- 
mentales de  Bordeaux,  série  M,  très  pauvre  en  ce  qui  touche  au  Consulat,  h  la 
Bihliothèque  de  la  Ville  {Tablettes  de  Bernadeou).  Il  est  malheureux  que  l'incendie 
de  l'Hôtel  de  Ville  ait  consumé  la  plupart  des  pièces  des  Archives  municipales 
relatives  à  la  période  du  Consulat  ou  de  l'Kmpire  à  Bordeaux. 

On  trouvera  dans  l'introduction  le  commentaire  des  pièces  qui  suivent,  au  moins 
tous  les  renseignements  sur  la  fondation  de  l'Institut  bordelais,  son  organisation  et 
son  rôle  avant  le  18  Fructidor. 

2.  Le  nom  est  écrit  tantôt  Cosse,  tantôt  Causse.  J'adopte  l'orthographe  de  la 
signature  (interrogatoire). 


44  LA  DÉCOUVERTE 

entré  en  relations  avec  les  chefs  de  TOuest  par  Destravaux.  Après  la  pacifica- 
tion, Fouché  n'a-t-il  pas  reçu  des  confidences  ?  On  connaît  ses  relations  avec 
Bourmont  ;  plusieurs  officiers  chouans  servirent  depuis  cette  époque  d'indi- 
cateurs à  la  police.  Autre  hypothèse  :  Bayard,  l'ancien  agent  de  Wickham 
et  de  Dandré  à  Paris,  était  l'amant  de  la  fille  Meyer,  maîtresse  elle-même  du 
prince  de  Carency  qui  avait  livré  les  secrets  des  royalistes  à  Barras  avant 
Fructidor.  Or  Bayard  connaissait  l'intrigue  de  Bordeaux.  On  peut  admettre 
aussi  que  Dupérou,  arrêté  par  la  police  (pour  la  2®  fois)  le  24  prairial,  fit  des 
révélations. 


48.  —  Paris,  29  prairial  an  VIII  [18  juin  1800].  Desmarets  au 
commissaire  général  de  police  de  Bordeaux  * . 

(Minute.) 

«  Je  vous  expédie,  citoyen  commissaire,  un  courrier  qui  vous  porte, 
avec  la  présente,  huit  mandats  d'arrêt  contre  divers  agents  et  chefs 
du  parti  royaliste  à  Bordeaux,  sur  lesquels  l'instruction  ci-jointe 
vous  donne  tous  les  renseignements  nécessaires.  Les  faits  consignés 
dans  cette  note  sont  un  extrait  pour  cette  partie  de  la  France  du  plan 
général  payé  par  l'Angleterre  et  qui,  depuis  quelque  temps,  a  comme 
institué  et  organisé  la  Monarchie  au  sein  môme  de  la  République. 

«  Vous  prendrez  sur-le-champ  toutes  vos  mesures  pour  la  recherche 
et  l'arrestation  de  ceux  de  ces  individus  qui  sont  à  Bordeaux.  Et  en 
même  temps  vous  vous  concerterez  avec  le  préfet  du  département  et 
le  chef  militaire  qui  procureront  l'arrestation  des  autres.  J'écris  à  cet 
effet  au  préfet. 

«  Les  prévenus  subiront  des  interrogatoires  que  vous  me  trans- 
mettrez avec  le  résultat  de  l'examen  des  pièces  saisies  chez  eux  et 
votre  avis  sur  le  tout. 

«  Vous  ferez  arrêter  les  individus  qui,  par  suite  de  déclarations  ou 
de  vos  recherches,  vous  paraîtraient  prévenus  de  complicité  Vous 
donnerez  l'ordre  de  retenir  les  prévenus  au  secret  et  sous  bonne 
garde.  Je  vous  donnerai  à  leur  égard  des  ordres  ultérieurs,  sur  le 
rapport  que  vous  m'aurez  transmis.  Vous  mettrez  tous  vos  soins, 
citoyen  commissaire,  de  concert  avec  le  préfet,  pour  approfondir 
ce  complot,  en  suivre  toutes  les  ramifications  et,  en  liant  vos  décou- 
vertes avec  mes  renseignements,  vous  porterez  le  plus  grand  jour  sur 
cette  nouvelle  intrigue  de  l'étranger.  » 

(F^  6256  ) 


1.  Voir  sur  le  commissaire  Pierre  Pierre  l'élude  de  M.  de  Perceval.Ln  policier  de 
jadis,  dans  ]sL  Revue  Philomathique  de  septembre  1904,  d'après  les  Archives  munici- 
pales et  les  papiers  d'Emerigon.  Il  fut  remplacé  à  Bordeaux,  comme  commissaire 
principal,  par   Jolicler.  C'était  un  ami  personnel  des  Bonaparte  et  surtout  de  Lucien. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  45 

49.  —  [Même  date.]  Lettre  de  Desmarets  au  préfet  de  la  Gironde. 

(Minute.) 

«  Citoyen  préfet,  je  ôonfie  à  votre  zèle  la  recherche  et  l'arrestation 
des  individus  dont  je  joins  ici  les  mandais.  Ils  sont,  pour  votre 
arrondissement,  ou  chefs  ou  agents  de  la  conspiration  royaliste 
payée  par  l'or  de  l'Angleterre.  Ce  complot,  qui  avait  institué  et  or- 
ganisé la  Monarchie  au  sein  même  de  la  République,  est  connu  et 
découvert  dans  toutes  ses  parties. 

Dupont^.—  i<  [Je  vous  envoie  1']  Ordre  d'arrêter  Dupont,  Américain, 
oncle,  dont  le  neveu  a  été  arrêté  l'an  dernier,  se  disant  agent  de 
change,  logé  cours  Fructidor.  Cet  agent  a  des  pouvoirs  du  roi  ;  ils 
doivent  être,  ainsi  que  ses  papiers,  dans  une 

^me  Duval.  —  «  cachette  chez  lui...  ou  chez  sa  sœur,  M™^  Duval, 
institutrice  qui  demeure  vis-à-vis  et  qui  a  aussi  une  cachette  chez 
elle  dans   une  chambre. 

Lacombe.  —  «  Cet  individu  correspond  à  Lyon  avec  un  nommé 
Lacombe,  prêtre,  qui  a  pour  secrétaire  M.  de  Florac.  et  à  Paris  avec 
un  nommé  Léon,  chirurgien,  ces  deux  derniers  également  agents  du 
roi  (Lacombe  et  Léon).  Dupont  correspond  avec  M"'^  de  Donnissant- 
Lescure. 

Causse.  —  «  Les  lettres  adressées  à  Bordeaux  sont  presque  toutes 
adressées  à  un  nommé  Causse,  musicien,  demeurant  sur  le  chemin 
de  Peyssac.  Toutes  les  lettres  sont  écrites  avec  un  procédé  chimique 
et  on  fait  reparaître  les  caractères  avec  de  Teau  forte. 

Dumas,  Lavalette.  —  «  L'agent  de  change  de  l'Institut  à  Bordeaux 
est  un  nommé  Dumas.  Il  a  chez  lui  le  commandant  de  la  cavalerie 
royale,  nommé  Lavalette,  aide  de  camp  de  Charrete  (sic). 

Papin.  —  «Il  y  a  en  outre,  à  Bordeauxquatre  commissaires  généraux 
chargés  d'insciter  (,s/c)  les  provinces  environnantes.  Le  commandant 
militaire  royal  de  Bordeaux  est  un  nommé  Papin,  jadis  olïicier  mu- 
nicipal et  aujourd'hui  fermier  de  M'"^  Lescure.  Il  y  a  tous  les  jours 
des  mots  d'ordre,  défausses  patrouilles.  Ils  correspondent  à  Londres 
aveclc  duc  de  Durfort,  frère  de  M"'*^  de  Donnissant,  oncle  de  M'"^  Les- 
cure ;  en  Espagne,  avec  le  duc  d'Havre.  Ils  ont  reçu  à  Bordcau^c,  il 
y  a  un  mois.  5. ()()()  guinées.  Dupont  s'est  occupé  parmi  eux  de  les  faire 
valoir  sur  la  place. 

Brochon  «  —  Le  caissier  de  ces  commissaires  généraux  est  un 
vieil  avocat  nommé  Brochon. 

«  Ils  ont  un  noyau  d'armée  dans  le  Médoc,  composé  de  conscrits  et 
de  déserteurs  payés  par  l'Institut. 

1.  Ce  nom  dans  la  marge  ainsi  que  les  suivants  Les  renseignements  sont  précis, 
mais  contiennent  des  erreurs  :  voir  l'Introduction. 


46  LA  DÉCOUVERTE 

«  Il  y  a  un  lieutenant  général  pour  le  roi  qui  a  sous  son  comman- 
dement les  anciennes  provinces  de  l'Aunis,  Gascogne,  Périgord, 
Landes.  Il  y  a  dans  tous  ces  pays  des  commissaires  qui  correspon- 
dent avec  rinstitut. 

«  Le  lieutenantgénéral  est  le  chevalier  de  Magnol;  le  correspondant 
de  Saintonge  est  un  nommé  Brûlé,  médecin. 

«  N.  B.  —  L'Institutest  le  nom  convenu  pour  désigner  lesassemblées 
du  parti  royaliste. 

«  Papin,qui  est  le  chefde  la  force  armée,  fait  attribuer  tous  les  jours 
des  mots  d'ordre.  Il  a  des  aides  de  camp  et  des  commandants  de 
cavalerie.  Il  commande  tous  les  jours  des  hommes  qui  sont  chargés 
de  voler  les  diligences  et  de  faire  de  fausses  patrouilles.  C'est  à  l'aide 
de  fausses  patrouilles  qu'il  fit  enlever,  il  y  a  quelques  jours,  un 
émigré  qu'on  mettait  en  prison.  Dans  les  premiers  jours  du  mois,  il 
a  fait  distribuer  des  fusils  à  tous  les  initiés. 

«  N.  B.  —  Pour  être  initié  dans  leurs  complots,  le  candidat  est 
discuté  dans  les  quatre  arrondissements  de  Bordeaux.  » 

(F'  6256.) 

50.  —  Bordeaux,  le  3  messidor  an  VIII.  Le  préfet   Thihaudeau 
au  ministre  de  la  police  générale. 

«  Je  reçus  le  l^'"  de  ce  mois,  à  11  heures  du  soir,  par  votre 
courrier  extraordinaire,  votre  lettre  du  29  prairial  et  le  paquet  joint 
par  vous  adressé  au  commissaire  général  de  police. 

«  Sur-le-champ,  je  le  fis  prévenir,  ainsi  que  le  général  de  division 
Dufour  *,  et  nous  fîmes  toutes  nos  dispositions  pour  mettre  à  exécution 
dès  le  matin  les  huit  mandats  d'arrêt  que  vous  aviez  décernés. 

«  Il  paraît  que  six  des  prévenus  ont  été  arrêtés.  Le  citoyen  Papin 
était  absent  de  cette  ville,  et  on  croit  que  le  Maignol  arrêté  n  est  pas 
celui  qui  était  désigné  dans  le  mandat  d'arrêt  par  la  qualité  d'ex- 
chevalier. 

«  Le  commissaire  général  vous  rend  compte  au  surplus  de  l'exécu- 
tion de  vos  ordres  dont  il  a  été  plus  spécialement  chargé. 

«  Je  me  réserve  de  vous  exprimer  mon  opinion  sur  cette  conspira- 
tion qui  n'est  pas  une  chose  nouvelle  pour  moi,  et  sur  les  intrigues 
de  toute  espèce  dont  j'ai  été  spectateur  ou  confident  depuis  que  je 
suis  dans  ce  département.  J'ose  vous  assurer  que  le  commissaire 
général  la  partagera. 

«  Peu  facile  à  efifrayer  par  les  complots  presque  tous  exagérés  -  que 

1.  Dufour  commanda  la  11«  divis.  militaire  de  1800  à  1802.  Voir  son  rôle  à  l'ar- 
mée de  Rhin-et-Moselle,  en  1795,  dans  La  Trahison  de  Pichegru.  Fut  député  de  la 
Gironde  pendant  les  Cent- Jours. 

2.  Thibaudeau,  surpris  par  le  complot,  afiPecte  de  n'y  pas  croire.  11  semble  que 
Bonaparte  lui  en  ait  gardé  rancune.  En  septembre  1800,  il  le  remplaçait  par  Dubois. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  47 

s'imputent  les  divers  partis,  je  ne  les  ai  pas  jugés  assez  menaçants 
pour  vous  en  instruire.  Je  me  suis  plus  occupé  de  l'administration, 
jaloux  de  présenter  au  gouvernement  des  résultats  satisfaisants  ;  et 
j'ai  compté,  pour  en  imposer  aux  agitateurs,  sur  rattachement  incon- 
testable de  la  majorité  des  citoyens  au  gouvernement,  sur  mon 
inflexible  impartialité,  sur  la  fermeté  dont  je  n'ai  cessé  de  donner  des 
preuves,  et  sur  le  dévouement  personnel  dont  je  donnerai  l'exemple 
si  des  circonstances  malheureuses  l'exigeaient. 

«  J'ai  toujours  pensé  que  la  confiance  qu'un  fonctionnaire  avait  dans 
la  puissance  du  caractère  dont  il  était  revêtu  était  plus  propre  à  en 
imposer  aux  conspirateurs  que  cette  inquiète  crédulité  qui  s'alarme  à 
tous  les  bruits  et  qui  encourage  l'audace  des  ennemis  de  l'ordre. 
Depuis  trois  mois,  chaque  jour,  j  ai  reçu  allernativementla  dénoncia- 
tion d'un  complot  anarchique  et  d'une  conspiration  royaliste  Si 
j'avais  voulu  croire  les  uns  et  les  autres,  le  lendemain  devait  voir 
éclater  des  scènes  sanglantes.  Et  cependant  la  paix  a  constamment 
régné.  J'ai  éclairé  ;  j'ai  rassuré  ;  j'ai  prêché  la  concorde  ;  j'ai  promis 
protection  à  tous  ;  je  n'ai  Cessé  de  dire  qu'avec  un  gouvernement 
aussi  fort  que  le  nôtre  il  n'y  avait  rien  à  craindre  de  personne... 

«  Je  vous  adresserai  des  pièces  officielles  qui  prouvent  que  ceux 
qui  poussent  le  gouvernement  vers  des  mesures  extraordinaires  ne 
croient  pas  à  l'imminence  des  mesures  qu'ils  dénoncent.  J'ai  néan- 
moins pris  toutes  les  mesures  qui  sont  en  mon  pouvoir  pour  exciter 
la  surveillance  des  sous-préfets. 

(1  L'arrondissement  de  Lesparre  (Médoc),  que  vous  paraissez  croire 
en  proie  à  des  troubles  et  que,  depuis  plus  de  huit  jours,  quelques 
personnes  disaient  être  très  agité,  est  parfaitement  tranquille.  J'en  ai 
la  preuve  par  une  lettre  que  j'ai  reçue  hier  du  directeur  du  jury  de 
cet  arrondissement.  . 

«J'attends  des  renseignements  positifsque j'ai  demandés  surl'arron- 
dissemenl  de  Ha/as,  que  vous  indiquez  aussi  comme  un  des  points  à 
surveiller.  Il  ne  m'est  rien  parvenu  jusqu'à  présent  qui  pût  motiver 
la  moindre  inquiétude. 

«  Quanta  Bordeaux,  celte  grande  ville  où  la  force  publique  est  pres- 
que nulle,  il  n'y  a  eu  non  plus  aucun  symptôme  de  mouvement  ;  il 
s'y  est  commis  seulement  quelques  vols,  mais  l'ordre  public  y  a  été 
constamment  maintenu. 

«  P.  S.  —  Je  dois  vous  expliquer  une  phrase  de  ma  lettre.  La  cons- 
piration n'est  pas  nouvellepourmoi,  parce  que,  depuis  plus  d'un  mois, 
le  citoyen  Fartarrieu  ',  commissaire  près  les  tribunaux,  nous  en  a 
donné,  à  moi  et  au  commissaire  général  de  police,   le  plan  presque 

1.  l'nrt.irrieu-LafoBSC  (I?.')*)  IM.'t.'t),  chargé  d'importantes  fonctions  administratives 
duiis  1m  (iirondc  pendant  lu  Hévolulion,  député  au  Corps  Législatif  de  1800  tV  1808. 
Cf.  Delpit.  Tahlellv»  des  HihliophUe»  de  Guyennet  t.  m. 


48  LA  DÉCOUVERTE 

littéralement  conforme  à  celui  qui  est  contenu  dans  votre  instruction. 
Le  commissaire  général  faisait  surveiller  les  individus  dénoncés, 
mais  il  ne  lui  était  pas  parvenu  de  donnée  assez  positive  pour  motiver 
des  arrestations.  » 

(F'  6256.) 


51.    —   3  messidor  an  VIII  [22   juin   1800].  Le  commandant 
général  de  police,  Pierre,  au  ministre  de  la  police  générale. 

«  Citoyen  ministre, le  préfet  du  département  delà  Gironde  me  remit, 
le  V^  de  ce  mois,  à  11  h.  1/2  du  soir,  votre  lettre  du  29  prairial 
dernier,  à  laquelle  étaient  joints  huit  mandats  d'arrêt  contre  divers 
agents,  et  chefs  du  parti  royaliste  à  Bordeaux.  Après  un  moment 
d'entretien  sur  les  moyens  d'exécution  des  dispositions  que  vous 
ordonniez,  nous  nous  rendîmes  ensemble  et  sur-le-champ  chez  le 
général  commandant  la  11^  division  militaire  Cet  officier  supérieur, 
désirant  nous  seconder  de  tous  ses  moyens,  donna  aussitôt  des 
ordres  pour  que  la  troupe  casernée  au  château  Trompette  fût  prête 
à  agir  au  besoin  et  que  toute  la  gendarmerie  nationale  fût  à  ma  dis- 
position... 

«  Le  2  au  matin,  entre  4  et  5  heures,  les  dénommés  aux  mandats 
d'arrêt  étaient  arrêtés  et  tenus  au  secret...  à  l'exception  du  nommé 
Papin,  qui  se  trouve  absent  depuis  quelques  jours  et  qu'on  assure 
être  parti  pour  la  Rochelle,  où  il  a  été  accompagner  son  beau-père 
qui  part  pour  l'Inde.  Comptez  sur  mon  exactitude...  Je  vous  dois 
cependant  une  observation  que  la  justice,  la  vérité,  le  devoir  et  l'opi- 
nion publique  commandent.  Parmi  les  individus  arrêtés,  le  nommé 
Brochon,  avocat,  excite  la  plus  grande  surprise.  Agé  de  75  ans,  père 
d'une  nombreuse  famille  qui  compte  des  enfants  remarquables  par 
leur  entier  dévouement  et  leur  attachement  prononcé  à  la  Répu- 
blique, jouissant  d'une  grande  réputation  de  probité,  de  moralité, 
ce  vieillard  est  généralement  estimé  et  attire  toute  l'attention  et  la 
pitié  du  très  grand  nombre  de  personnes  qui  le  connaissent. 

«  P.  S.  —  On  m'annonce  que  le  citoyen  Magnol,  ex-chevalier,  que 
j'ai  fait  arrêter  ici,  n'est  pas  celui  désigné  par  vous  ;  que  c'est  son 
oncle,  parti  pour  Paris  il  y  a  quelques  jours.  Ce  Magnol  arrêté  est 
un  jeune  homme  qui  vit  ici  avec  M'"^  Latapy,  directrice  du  Grand- 
Théâtre  de  Bordeaux.  Je  l'interrogerai  aujourd'hui;  mais  les  rensei- 
gnements que  j'ai  peignent  le  Magnol  actuellement  à  Paris  comme 
dangereux.   » 

(F-  6256.) 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  49 

52.  —  Notes  de  Desmarets, 

(Minutes  isolées). 

Dupouy,  médecin,  rue  du  Hâ,  est  le  receveur  des  contributions. 
Ajouter  aux  [inculpés]  déjà  indiqués  par  les  anciens  rapports  le  duc 
de  Loches  ^  [sic). 

Ecrit  le  3  messidor  au  commissaire  de  Bordeaux. 

Louis  2,  menuisier,  vis-à-vis  le  commissariat  de  police  à  Bordeaux. 
Initié  dans  les  affaires.  Bavard,  qu'on  peut  faire  parler,  en  feignant 
devenir  de  la   part  de  M'"^  de  Donnissant. 

Ecrit,  le  4  messidor,  pour  le  citoyen  Louis. 

Correspondant  de  l'Institut  de  Bordeaux  à  Paris  :  un  Léon  Du- 
bois, chirurgien. 

(F'  6256.) 

53.  —  [Paris],  8  messidor  an  VIII  (27  juin  1800).    Desmarets 
au  préfet  de  la  Gironde,  Thibaiideau. 

(Minute .  ) 

<(  J'ai  reçu,  citoyen  préfet,  votre  lettre  du  3  courant,  en  réponse 
à  celle  que  je  vous  adressai  par  un  courrier  extraordinaire  en  date 
du  29  prairial. 

«  Les  renseignements  quejevousai  transmis  sont  positifs  et  incon- 
testables. Le  caractère  et  la  situation  particulière  des  personnes  qui 
me  les  ont  communiqués,  qui  ont  été  initiées  dans  le  plan  général 
et  qui  ont  lu  la  liste  des  agents  désignés  et  vu  la  commission  royale 
de  Dupont,  des  aveux  et  des  révélations  importantes^,  des  correspon- 
dances saisies  qui  ont  coïncidé  avec  leurs  renseignements  %  ne  m'ont 
point  laissé  de  doutes  sur  une  vaste  organisation  du  royalisme  dans 
l'intérieur  de  la  République  et  ont  déterminé  les  mandats  que  j'ai 
lancés  sur  les  chefs  dans  votre  département. 

«  L'activité  que  vous  avez  apportée  à  leur  exécution  m'assure  que 
l'affaire  sera  suivie  avec  soin  ;  et  si  l'instruction  préliminaire  est 
bien  conduite,  si  les  recherches  ont  été  faites  avec  toute  l'attention 
qu'exigeait  l'importance  de  l'objet,  vous  obtiendrez  des  données  qui 
établiront  la  réalité  du  complot  et  convaincront  les  coupables. 

«   C'est  ainsi  qu'en  saisissant  à  Paris  les  chefs  du  Comité  anglais"^ 

1.  Duc  de  Lorges, 

2.  Hagry.  voir  l'Introduction,  son  arrestation  en  thermidor  VU. 

3.  Voir  l'ovant-propos,  p,  43  et  44. 

4.  Une  seule  lettre  fort  obscure  au  dossier,  adressée  &  une  inconnue,  «  Marie  »,  et 
non  signf'c.  •!«  crois  iiuitlle  de  In  publier. 

5.  Voir  l'Introduction  de   la  Conspiration  anglaise. 


50  LA  DÉCOUVERTE 

qui  avaient  fait  disparaître  toutes    les  pièces  de  conviction,  je  suis 
arrivé  par  suite  aux  divers  dépôts  qui  recelaient  ces  pièces. 

«  Je  compte  donc  sur  tous  vos  soins  et  sur  ceux  du  commissaire 
général  pour  les  recherches  ultérieures  relatives  à  cette  intrigue. 

«  Il  est  possible  que,  dans  un  certain  nombre  d'arrondissements, 
on  n'ait  encore  fait  qu'instituer  les  chefs  et  former  les  cadres.  Peut- 
être  aussi  les  agents  que  je  vous  ai  désignés  n'ont-ils  encore  réalisé 
et  mis  en  action  aucune  partie  de  leurs  plans,  de  manière  à  rendre 
palpables  les  faits  à  leur  charge... 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  vous  n'en  aurez  pas  moins  frappé  un  coup 
décisif,  en  déconcertant  ces  agents  et  en  mettant  leur  intention  à 
découvert,  en  même  temps  que  vous  aurez  ralenti  l'audace  que 
semblait  leur  donner  partout  l'apparente  inactivité   de  la  police.  » 

(F'  6256.1 

54.  —    9  messidor  an  VIII.  Desmarets  au  commissaire  Pierre, 

(Résumé  de  la  minute.) 

Il  l'engage  à  rechercher  Papin;  il  pense  que  Maignol  arrêté  est  le  neveu  du 
chevalier  Maignol  ^  qui  est,  paraît-il,  à  Paris  et  qu'on  recherche. 

Le  commissaire  Pierre  pourra  faire  élargir  Maignol  ainsi    que  Brochon  -. 

55.  —  «  Paris,  8  messidor.  Extrait  des  renseignements  re- 
cueillis par  le  général  commandant  la  11^  division  militaire 
(Dufour)  et  transmis  par  lui  au  ministre  de  la  guerre.   » 

(Copie  signée  de  Carnot.) 

«  Il  est  sûr  que  les  royalistes  conspirent  contre  la  liberté  ;  ils  ont 
des  agents  sur  tous  les  points  de  la  République  ;  il  se  fait  des  amas 
d'armes  et  de  munitions,  des  enrôlements  secrets  qui  sont  favorisés 
par  les  ci-devant  seigneurs,  les  émigrés  et  les  prêtres  déportés  ren- 
trés. Leurs  places  d'armes  dans  ce  département  sont  les  environs  de 
Sainte-Foy  et  de  Bazas  Le  bureau  principal  de  correspondance  est 
à  Bordeaux,  sous  la  direction  des  nommés  Olivier,  Lebrun  et  Chai- 
gneau,  ce  dernier  signataire  du  journal  le  Spectateur  de  Bordeaux. 
La  caisse  y  est  vraisemblablement  aussi. 

«  Le  corps  des  enrôlés  de  Bazas  est  composé  de  réquisitionnaires, 
de  conscrits,  de  déserteurs  et  de  paysans,  des   ci-devant  seigneurs, 

1.  Agent  de  l'Institut  dans  le  Médoc. 

2.  Extrait  d'un  article  nécrologique  sur  Brochon  par  l'avocat  Ferrère,  dans  les 
Etrennes  royales  de  1815,  p  198  :  «  Son  zèle  actif  pour  le  rétablissement  du  Trône 
l'exposa  aux  plus  grands  dangers.  En  1799  un  ordre  de  Bonaparte  le  fit  traduire 
dans  les  prisons  à  l'âge  de  70  ans,  comme  prévenu  de  conspiration  roj'ale.  La  ville 
entière  réclama  un  de  ses  meilleurs  citoyens.  Un  cautionnement  de  près  d'un  mil- 
lion  souscrit   en    quelques  minutes  abrégea    sa  captivité.  » 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  51 

environ  2.000  hommes  armés  et  équipés  ;  les  chefs  se  rassemblent 
très  souvent,  et  toujours  la  nuit,  dans  un  bois  voisin  de  Bazas.  Le 
plus  marquant  de  ces  chefs  et  le  plus  actif  paraît  être  le  ci-devant 
marquis  de  Lanzac\  qui  a  pour  agent  immédiat  un  nommé  de  Pau, 
instituteur,  homme  sans  considération  personnelle,  sans  mœurs,  et 
qui  ne  peut  être  devenu  le  confident  du  marquis  que  pour  servir  ses 
projets  contre-révolutionnaires... 

«  On  a  vu  un  armurier,  connu  par  sa  haiiie  pour  la  Révolution, 
aller  régulièrement  tous  les  jours  chez  de  Pau  et  tous  les  deux  faire 
de  fréquents  voyages  au  Rocher-Taillade,  chez  le  marquis  de  Lanssac 
(sic).  Le  valet  de  chambre  de  ce  dernier  est  venu  souvent  chez  de 
Pau  en  cachette.  Celte  liaison  est  d'autant  plus  remarquable  que  ce 
de  Pau,  relégué  jusqu'à  présent  dans  la  classe  la  plus  obscure  des 
plébéiens  et  justement  méprisé  pour  son  immoralité  crapuleuse, 
n'avait  aucune  espèce  de  rapport  avec  la  maison  de  Roque-Taillade. 
Les  différents  châteaux  qui  sont  dans  ce  pays  doivent  renfermer  les 
armes  et  la  correspondance;  mais  la  plupart  sont  des  espèces  de 
forteresses  dans  lesquelles  il  est  difficile  de  rien  découvrir,  à  moins 
qu'on  ne  fît  des  fouilles  très  exactes. 

«  Le  juge  de  paix  de  Bazas,  Pierron,  est  totalement  dévoué  à  ce 
parti... 

«  Le  lieutenant  de  gendarmerie  Mayeras  est  initié  dans  tous  les 
secrets  de  la  bande  ;  il  connaît  tous  les  émigrés  et  les  prêtres 
déportés  rentrés,  et  il  les  prévient  exactement  de  toutes  les  mesures 
prises  contre  eux.  .  Le  maire  qui  vient  d'être  nommé  pour  la  com- 
mune de  Bazas,  Malot,  est  un  de  leurs  plus  chauds  partisans...  ;  un 
adjoint  est  dans  les  mêmes  principes... 

«  Tout  était  prêt  pour  commencer  le  mouvement  dans  la  quinzaine 
des  ci-devant  fêtes  delà  Pentecôte-.  Ils  n'attendaient  que  la  nouvelle 
du  débarquement  des  Anglaisa  Quiberon -^  débarquement  qui  leur 
était  connu  depuis  quelques  jours.  Ils  devaient  se  porter  sur  Bazas, 
égorger  tous  les  républicains,  et  surtout  les  acquéreurs  de  biens 
nationaux,  s'emparer  des  caisses  publiques.  Le  pillage  était  promis 
à  tous  les  paysans  qui  prendraient  part  à  Tinsurrection  et,  dans  le 
cas  où  le  mouvement  n'aurait  pas  pu  réussir,  ils  devaient  se  disperser 
sur-le-champ.  Ils  étaient  munis  de  passeports.  De  Pau  avait  pris  le 
sien  pour  Paris.  » 

(Transmis  par  Carnot,  le  11   messidor  an  VIII.) 

Au-dessous  de  la  lettre  de  Carnot,  note  de  Desmarels  :  «  Remercier 


1.  Lan  sac  bu  Lanzac.  Voir  VArmorial  de  Guyenne. 

2.  Le  1"  juin  1800,  fèU»  dv  lu  PeulecAte. 

3.  Tciilalives  de  lord  Muiiluiid  sur  Purt-Navalo  et  Quibcron.  Voir  Martel,  /\(c(- 
fieation  de  l  Oueit,  p.  235  et  262.  Exécution  prématurée  du  plan  de  Caduudal. 


52  LA  DÉCOUVERTE 

le  ministre,  le  général  Dufour  ;  ordre   parti,   le  29  prairial,  pour 
faire  arrêter  les  chefs  des  conjurés.  » 

(F^  6256.) 

B.  —  LES  PIÈCES  SAISIES  CHEZ  COSSE  e/  les  interrogatoires. 

Je  publie  in  extenso  l'analyse  de  ces  pièces,  faite  par  le  commissaire  de 
police  Pierre,  à  la  suite  de  son  rapport  du  19  messidor  an  VIIL 

Je  joins  entre  crochets  des  extraits  de  ces  pièces.  Comme  le  rapport  de 
Pierre,  elles  ont   été  conservées   aux    Archives  nationales  (F"' 6256). 

On  en  trouve  une  partie  dans  la  Conspiration  anglaise  et  dans  l'Essai. 

56.  Pièces  saisies  chez  Cosse, 

—  Pièce  1.  Le  «  Bulletin  de  Lyon  de  ce  jour,  «ans  date.  Les  nou- 
velles qu'il  contient  sont  toutes  défavorables.  On  y  annonce  comme 
certaine  une  descente  des  Anglais  sur  la  côte  de  Bretagne. 

((  Il  paraît  qu'il  existait  un  bulletin  des  nouvelles  qui  se  distribuait 
à  jour  fixe.  » 

—  «  La  pièce  2  est  une  note  d'objets  à  faire.  Elle  est  de  Técriture 
de  Dupont  et  la  copie  en  a  été  envoyée  au  ministre  de  la  police.  » 

[«  1°  La  liste  des  aides  et  adjoints  de  l'arrondissement  de  M.   Caudeval. 

«  2o  L'état  de  la  subdivision  de  Pessac. 

«  3"  Recommander  de  faire  des  réceptions  pour  remplir  promptement  les 
cadres  des  compagnies. 

«  4°  Ecrire  à  M.  Durand  de  nous  envoyer  l'état  de  Vayres,  Contran  et 
Brannes.  »] 

—  «  La  pièce  n°  3  est  un  discours  sur  l'existence  de  l'Institut  des 
Amis  de  l'ordre  :  parmi  les  vrais  et  purs  royalistes,  il  indique  les 
qualités  requises  pour  y  être  admis  et  le  serment  prêté  par  les  socié- 
taires. Cette  pièce  est  de  l'écriture  de  Cosse,  qui  maladroitement 
prétend  l'avoir  copiée  sur  un  papier  déchiré  qu'il  a  trouvé  dans  la 
rue,  il  y  a  six  mois.  » 

—  «  Les  pièces  n°^  4  et  5  sont  une  note  et  une  lettre  dont  la  copie 
a  été  adressée  au  ministre.  Le  premier  est  de  l'écriture  de  Dupont  et 
le  second,  signé  Périgord  \  est  une  lettre  précieuse  ». 

[Pièce  4.  «  M.  Caudeval  est  prié  de  mettre  en  activité  M.  Devospour  les 
sections  qui  le  compétent,  ainsi  que  les  subdivisions.  Il  voudra  bien  faire 
écrire  sur-le-champ  à  M.  Durand  (de  VajTcs)  pour  le  prier  de  nous  envoyer 
son  état,  celui    de  Brannes   et    celui  de  Fronsac  ^...  Il  devra  nous  dire  aussi 

1.  II  est  difTicIle  d'identifier  ces  noms,  qui  sont  pour  la  plupart  des  noms  de  con- 
vention (philanthropiques). 

2.  Vayres,  Fronsac  et  Branne,  (ces  deux  derniers  ch.-I.  de  canton),  sur  la  Dordogne, 
ou  auprès,  autour  de  Libourne.  Contran,  peut-être  Coutras. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L  AN  VIII  53 

si  M.  Malescot  *  a  accepté  et  s'il  est  en  activité.  Il  faut  écrire  aussi  à 
M.  Périgord  aîné  pour  lui  demander  ses  états...  M  Caudeval  voudra  bien 
nous  envoyer  un  état  au  moins  approximatif  de  la  subdivision  extra-muros 
de  Pessac   » 

Pièce  5,  lettre  de  Périgord  aîné  [sans  doute  adressée  à  M  Caudeval,  que 
Dupont  avait  chargé  de  lui  demander  ses  états],  datée  du  8  juin  1800,  s.  1. 
«  Monsieur  [Cassol  cadet],  ami  de  M.  Servan  ^,  [est  porteur j  du  tableau  en 
retard. . .  Je  n'ai  pu  m'étendre  sur  les  observations  de  ce  tableau  ;  il  est 
certain  que  tout  dépendra  du  nom  et  de  la  réputation  de  celui  qui  sera  envoyé 
pour  conduire  lafifaire.  La  présence  d'un  prince  ébranlera  tout.  Ainsi  le  ta- 
bleau n'est  que  par  aperçu.  Il  y  a  peu  de  fusils  de  munitions;  nous  avons  ou 
nous  aurons  quelques  petites  pièces  de  campagne  ;  le  reste  des  armes  est  en 
fusils  de  chasse.  Nous  n'avons  aucune  espèce  de  munition  ;  veuillez  combi- 
ner cet  article  avec  M.  Cassol,  afin  de  nous  munir,  s'il  est'  possible. 
M.  Servan  connaît  ses  talents  militaires,  sa  réflexion,  sa  prudence  et  son 
sang-froid  dans  l'action  ;  il  n'est  d'ailleurs  qu'à  une  heure  et  demie  de 
distance  de  Libourne.  Il  a  des  occasions  d'aller  dans  cette  dernière  ville 
toutes  les  semaines  ;  en  outre,  comme  maire  de  la  commune,  il  peut  pa- 
raître plus  facilement.  Je  crois  que  ce  choix  sera  parfait.  Veuillez  lui  faire 
part    de  ma   réflexion...  Faites-lui    avoir  une  entrevue  avec  M.  Constant^... 

«  Je  continue  toujours  mes  voyages  à  Libourne  ;  toujours  même  incons- 
tance... Je  n'écris  point  à  M.  Servan.  Veuillez  être  mon  interprète  auprès  de 
lui...  »] 

—  «  Les  pièces  6^,  7^,  8%  9^,  lO''  et  11^  sont  des  pièces  qui  parais- 
sent toutes  relatives  à  la  Maçonnerie...  Celle  n°  11  est  un  discours 
fait  et  écrit  par  Cosse,  provoquant  l'expulsion  de  la  loge  de  tous 
ceux  qu'il  désignait  comme  terroristes...  La  12^  est  la  liste  des 
dénonciateurs,  hommes  de  sang...  La  13^  contient  des  plaintes  de 
lâcheté  et  de  pusillanimité  de  quelques  Messieurs  initiés  à  l'Institut, 
à  l'annonce  de  l'arrivée  de  quelques  gendarmes  dans  une  ville  qui 
n'est  pas  Bordeaux  et  sur  l'indiscrétion  de  quelques-uns. 

—  «  La  14e  est  de  l'écriture  de  Dupont  et  copie  en  a  été  envoyée 
au  ministre  de  la  police.  » 

[«  M.  Caudeval  est  prié  d'écrire  :  1°  à  M.  Périgord,  pour  demander  ses 
états  ;  2°  à  M.  Durand  pour  lui  demander  le  sien,  ainsi  que  celui  de  M  Cle- 
menceau et  de  M.  Magnol  *  ;  il  s'informera  et  nous  fera  savoir  si  M.  Malinot"* 
a  accepté  et  est  mis  en  activité  ..  »] 

—  «  La  15*^  contient  des  noms  sur  lesquels  il  m'a  fixé  dans  son 
interrogatoire.   La   16^  renferme  le  nom  de  Tascher  de  la  Pagerie, 

1.  Voir  ci-dessous,  parmi  les  royalistes  décorés  du  Brassard,  de  Malescot  et  Durand 
(Jacques  et  Jean). 

2.  Papin. 

3.  Dupont. 

4.  Clemenceau  et  Maignol  de  Mataplan,  décorés  du  Brassard. 

5.  Malescot. 


54  LA  DECOUVERTE 

écrit  de  la  main  de  Cosse  sur  l'adresse  du  citoyen  Caudeval,  à 
Bordeaux.  D'après  la  déclaration  de  la  citoyenne  Soubardière,  du 
7  messidor,  sur  ce  qu'a  dit  Cosse  dans  son  interrogatoire  y  relatif,  il 
paraît,  d'après  le  mot  Tascher  de  la  Pagerie,  qu'il  sait  ce  qu'est 
Caudeval,  dénommé  souvent  dans  les  actes  de  Constant i. 

—  «  Les  17%  18^,  19*"  pièces  convaincantes  dont  copies  au  ministre 
de  la  police.  » 

[Les  deux  premières  sont  les  tableaux  demandés  par  l'intermédiaire 
de  M.  Caudeval  à  Pérîgord  aîné  (voir  pièces  2,  4,  5  et  14),  tableaux 
indiquant  «  les  hommes  à  pied  et  à  cheval  »,  les  «  espèces  d'armes  »  et  les 
munitions  des  communes  de  Léognan,  Martillac,  Saint-Médard,  Cadaujac, 
Villeneuve,  Castres,  la  Brède,  Saint-Selve,  Saint-Morillon,  Cabanac,  etc., 
appartenant  aux  cantons  de  Saint-Médard  d'Eyran  (armée  auxiliaire)  et  de 
Castres  -. 

On  y  voit  que  Léognan  et  Martillac  compteraient  4-SO  hommes  à  pied  et 
^  à  cheval;  Castres,  la  Brède  et  Saint-Selve,  5  hommes  à  pied  ;  ce  sont  les 
seules  communes  (sur  16)  qui  peuvent  fournir  des  soldats  à  l'armée 
auxiliaire.  On  ne  disposerait  que  de  100  fusils  de  chasse  1  de  munition. 
10  paires  de  pistolets  dans  le  canton  de  Saint-Médard,  5  fusils  de  chasse  et 
1  sabre  dans  celui  de  Castres.  Des  observations  sont  jointes  à  ces  tableaux. 
Dans  le  canton  de  Saint-Médard,  «  à  une  poignée  de  factieux  près,  qu'il 
sera  facile  d'anéantir,  on  peut  compter  sur  la  masse  générale  de  la  popula- 
tion. »  Au  contraire,  dans  le  canton  de  Castres,  «  le  canton  fourmille, 
comme  bien  d'autres,  de  mécontents,  et  de  gens  disposés  à  revenir,  s'il 
se  peut,  sous  un  autre  régime  ;  mais  comme  ce  canton  n'est  composé 
en  grande  partie  que  de  bas  peuple,  o/î  ne  trouve  personne  qui  soit  entièrement 
décidé.  )) 

La  pièce  no  19  est  une  circulaire  adressée  par  Dupont  aux  présidents  de 
l'arrondissement  les  prévenant  que  «  le  général  s'occupe  en  ce  moment  de 
la  réorganisation  de  la  compagnie  d'artillerie  ;  il  lui  manque  un  militaire 
capable  de  la  commander  »...  «  Vous  voudrez  bien,  en  conséquence.  Mes- 
sieurs, vous  occuper  sans  délai  de  la  recherche  d'un  officier  d'artillerie  digne 
du  grade  de  capitaine,  et  nous  le  désigner  dès  que  vous  l'aurez  trouvé.  »  La 
circulaire  est  datée  du  24  mai  1800.] 

—  «  Pièces  21®,  22®,  23®.  Lettres  du  commissaire  du  roi,  Constant, 
contresignées  par  le  secrétaire  général  Tristan  ''\  dont  les  copies  ont 
été  envoyées  au  ministre.  Elles  sont  précieuses  pour  la  conviction 
de  l'existence  du  complot.  » 

[La  première  adressée  aux  présidents  d'arrondissement  et  datée  du  26 
avril  1800  :  «  Le  moment  approche,   écrit  Dupont,  où  je  dois  m'occuper   du 

1.  Aucun  éclaircissement  à  ce  sujet  dans  le  dossier    de  F,,  6256. 

2.  Ces  communes,  situées  entre  Bordeaux  et  la  Brède,  excepté  Saint-Morillon  et 
Saint-Selve,  au  sud  de  la  Brède.  Aucune  n'est  chef-lieu  de  canton.  Duchesne  de 
Beaumanoir  fut  maire  de  Martillac. 

3.  Mathieu  de  Boissac, 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  55 

résultat  du  mouvement  que  vous  avez  dû  imprimer  pour  l'exécution  des 
opérations  qui  vous  ont  été  confiées..  Vous  devez  vous  renfermer  exacte- 
ment dans  le  cercle  de  votre  arrondissement  pour  Vadmission  des  candidats 
qui  se  présentent  ;  il  conviendrait  même  que  vous  établissiez  plusieurs 
aides  vers  lesquels  vous  les  renverriez  pour  leur  réception.  .  Il  serait  à 
propos  que  vos  subordonnés  vous  rendissent  journellement  compte,  et  qu'ils 
veillassent  scrupuleusement  sur  la  conduite  et  les  mouvements  des  jacobins 
qui  nous  entourent.  Je  suis  averti  qu'ils  agissent...  Vous  jugez  combien  il  est 
important  de  n'être  point  arrêté  dans  l'exécution  rapide  du  mouvement  qui 
devra    bientôt  avoir  lieu.   » 

La  seconde  lettre  est  adressée  aux  administrateurs  de  subdivision,  et 
datée  du  5  mai  1800.  Elle  invite  les  «  Amis  de  l'ordre  »,  que  le  gou- 
vernement désigne  pour  occuper  les  places  publiques,  à  les  «  accepter 
et  même  à  mettre  dans  l'exercice  des  fonctions  auxquelles  ils  sont  appelés 
toute  l'exactitude,  le  zèle  et  l'intrépidité  nécessaires  pour  conserver  leur 
place  et  justifier  en  apparence  le  choix  qu'on  aura  fait  de  leur  personne. 
Cette  conduite  nous  est  prescrite...  par  une  politique  bien  entendue 
et  se  concilie  parfaitement  avec  les  intérêts  et  les  vues  de  Sa  Majesté,  tandis 
qu'une  inflexibilité  de  principes  et  une  obstination  mal  entendue  ne 
tendraient  qu'à  perpétuer  l'exécrable  domination  des  factieux  qui  jusqu'à 
présent  n'ont  fait  que  déchirer  la  patrie.  MM.  les  présidents  d'arrondissement 
communiqueront  la  présente  aux  agents  de  ÏInstitut  dans  toute  l'étendue  du 
département.  »  Au  verso  de  la  pièce,  une  note  de  Dupont  annonce  que  les 
hostilités  sont  très  vives  en  Italie,  que  Masséna  est  enfermé  dans  Gênes  *  : 
«  Serait-on  assez  heureux,  ajoute  Dupont,  pour  le  forcer  à  se  rendre 
prisonnier:  ou  les  Français  sont-ils  assez  en  force  pour  l'aider  à  se  dégager? 
C'est    ce  qu'on  ne  peut  savoir  à    la  distance  où  nous  sommes  de  ces  lieux.  » 

La  troisième  lettre  est  adressée  aux  présidents  d'arrondissement  et  datée  du 
1er  juin  1800.  «  D'après  les  avis  que  j'ai  reçus,  Monsieur,  écrit  Dupont,  nous 
approchons  du  ternie  de  la  carrière  glorieuse  que  nous  suivons  depuis  plusieurs 
années  :  le  mouvement  intérieur,  m'assure-t-on,  ne  tient  plus  qu'à  la  reddition 
de  Gênes,  qui  ne  peut  pas  être  éloignée.  On  dit  même  cette  place  importante 
au  pouvoir  des  Autrichiens  depuis  le  9  mai,  mais  il  n'y  a  rien  encore  à 
cet  égard  de  positif.  ))  Dupont  se  plaint  que  «  les  compagnies  de  ligne  ne 
soient  pas  aussi  nombreuses  qu'elles  pourraient  l'être  dans  une  ville  aussi 
populeuse  que  Bordeaux,  et  que  les  compagnies  auxiliaires  ne  soient  pas 
encore  complètes.  .  Devrait-il  exister  même  un  seul  honnête  homme  à 
enrôler  dans  cette  ville  !...  L'époque  du  dénouement  approche.  Gardons-nous 
d'une  lassitude  ou  d'une  indifférence  qui  nous  ferait  perdre  le  fruit  de 
quatre  années  de  travail.  »  Il  faut  remplacer  tous  les  aides  qui  manquent, 
destituer  et  remplacer  ceux  {jui  ne  remplissent  pas  leur  devoir,  faire 
compléter  le  plus  tôt  possible  toutes  les  compagnies  soit  de  ligne,  soit  auxi- 
liaires, et  en  former  même  de  nouvelles.  Pour  peu  que  les  aides  mettent 
du  zèle  et  de  l'activité  dans  l'exécution  de  leurs  fonctions,  il  n'est  pas  rfo«- 
tcux  que  l'armée  ne  soit  portée  en  moins  d'un  mois  à  plus  de  quatre  mille 
hommes  de  toute  arme  -.  » 

1.  Le  siège  dure  du  6  avril  au  4  juin  1800. 

2.  A  Bordeaux  ou  dans  les  environs.  Voir  l'Introduction,  p.  xxui. 


56  LA  DÉCOUVERTE 

A  la  suite  de  cette  pièce  est  publiée  dans  la  Conspiration  anglaise  une 
courte  note  écrite  par  Lavalette  et  trouvée  chez  Dumas  '  :  «  M.  Qu-  ...  est  venu 
me  faire  part  de  l'intention  où  vous  êtes  de  donner  de  nouveaux  commandants 
à  la  cavalerie  qui  était  déjà  organisée.  »] 

«  La  pièce  n°  24  renferme  d'un  côté  des  adresses  de  deux  individus 
avec  lesquels  Cosse  a  eu  vraiment  des  affaires  ;  de  Tautre  des  noms 
écrits  au  crayon  par  le  prévenu  pour  des  fonctions  à  remplir  dans 
l'organisation  du  nouvel  ordre  de  choses. 

«  La  25*^  contient  les  mêmes  désignations  et  de  la  même  main. 

«  La  26^  est  une  procuration,  etc. 

«...  Il  est  à  remarquer  que  les  pièces  n°^  17  jusqu'à  26  se  sont 
trouvées  dans  un  petit  porte-feuille  de  maroquin  que  le  prévenu 
reconnaît  être  à  lui  et  que  lui  seul  a  pu  ouvrir  ;  et  que  ces  pièces  sont 
en  partie  les  plus  précieuses.  » 

57.  —  Les  interrogatoires  de  Dupont-Constant  3. 

(Analyse  et  extraits.) 

Dupont  subit  trois  interrogatoires,  les  2,  5,  14  messidor.  Dans  le  premier, 
après  avoir  fait  connaître  ses  nom,  prénoms,  âge,  lieu  de  naissance,  domi- 
cile et  profession,  il  répond  avec  beaucoup  d'habileté  aux  questions  que  lui 
pose  Pierre  :  il  a  fondé,  dit-il,  il  y  a  15  mois,  une  société  de  commerce,  comme 
agent  de  change,  avec  le  citoyen  Hilaire  Guichard  ;  mais  son  associé  ne  fai- 
sant que  compromettre  les  fonds,  la  société  fut  dissoute  au  bout  de  deux 
mois.  Pendant  les  deux  mois  qu'elle  a  duré,  il  n'a  pas  fait  l'échange  des 
monnaies  étrangères,  d'Angleterre,  Prusse,  Espagne,  etc.,  et  s'est  borné  à 
négocier  le  papier  de  la  place.  Il  n'a  aucune  connaissance  que  son  associé 
ait  été  membre  de  la  société  connue  sous  le  nom  d'Institut.  Il  n'est  lui- 
même  ni  membre  ni  directeur  de  cette  société  ;  «  il  n'est  d'aucune  société, 
vivant  isolément  avec  son  épouse  et  ses  quatre  enfants.  »  Il  ne  connaît  pas 
les  personnes  qui  fréquentent  sa  sœur,  la  veuve  Duval,  et  ne  croit  pas  qu'elle 
ait  jamais  reçu  chez  elle  des  prêtres  réfractaires.  Il  connaît  l'avocat  Brochon 
père,  parce  qu'il  était  son  voisin  dans  la  rue  de  l'Intendance,  il  y  a  un  an  ; 
alors  il  le  voyait  habituellement,  mais  il  ne  l'a  pas  revu  depuis  trois  mois. 
Il  connaît  le  musicien  Cosse,  parce  qu'il  était  son  voisin  lorsqu'il  habitait 
aux  allées  d'Albret  et  parce  qu'il  est  venu  deux  ou  trois  fois  chez  lui  «  pour 
accorder  la  guitare  de  son  épouse  ».  Il  n'a  pas  entendu  parler  du  prêtre  de 
Lyon,  Lacombe,nideson  secrétaire,  le  citoyen  Florac.  Il  n'a  eu  que  des  relations 
d'agent  de  change  avec  Dumas,  agent  de  change  comme  lui,  avec  son  commis 
Lavalette,  avec   le    négociant  Papin    qu'il  a    vu  à  la  Bourse  ;  il  ne    connaît 

1.  L'agent  de  change  dont  Lavalette  est  Temployé.  Voir  la  liste  des  royalistes  dé- 
corés du  Brassard,  ci -dessous. 

2.  Sans  doute  Queyriaux  aîné . 

3.  Il  me  paraît  inutile  de  citer  in  extenso  ces  interrogatoii'es  qui  n'offrent  absolu- 
ment aucun  intérêt,  bien  qu'ils  soient  très  longs  ;  Dupont  ne  fournit  aucune  explica- 
tion à  la  police,  assez  complaisante  d'ailleurs,  sur  l'intrigue  de  l'Institut  à  Bor- 
deaux. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  57 

aucunement  le  citoyen  Brusié.  La  lettre  saisie  dans  ses  papiers,  lettre  adres- 
sée de  Limoges  au  citoyen  Saint-Prix,  Américain,  rue  du  Hâ,  par  le  citojen 
Larivière,  le  20  nivôse  dernier,  et  annonçant  que  Larivière  fait  passer  par 
la  voie  du  courrier  3.600  livres  tournois  à  Saint-Prix,  lui  fut  envoyée  par  ce 
dernier,  avec  la  modique  somme  de  12  ou  15  francs  qu'il  lui  devait  :  il 
ignorait  le  contenu  de  la  lettre.  Il  n'a  jamais  entendu  parler  du  citoyen  Léon 
et  n'est  pas  entré  en  relations  avec  Mn'e  de  Donnissan-Lescure.  Il  n'a  pas 
connaissance  d'un  projet  «  tendant  à  organiser  la  monarchie  au  sein  même 
de  la  République  »,  ni  de  «  quatre  commissaires  généraux  chargés  par 
le  Prétendant  d'inspecter  les  ci-devant  provinces  d'Aunis,  Gascogne,  Péri- 
gord,  Landes,  etc.  » 

Il  n'est  «  pas  d'étoffe  ))  à  entrer  en  rapports  avec  le  duc  de  Durfort  ni 
avec  le  duc  d'Havre.  Il  n'a  pas  vu  depuis  un  an  le  père  du  citoyen  Kirwan, 
qui  est  propriétaire  du  journal  le  Sp éclateur  de  Bordeaux.  On  ne  peut 
l'accuser  d'avoir  voyagé  en  Europe  et  notamment  en  Russie,  à  Mittau,  car 
il  n'a  pas  quitté  Bordeaux  depuis  1795,  ni  d'avoir  de  pleins  pouvoirs  du 
Prétendant,  car  il  ne  s'occupe  que  de  faire  valoir  sa  petite  fortune  (50.000  fr,). 
Il  avoue,  d'ailleurs,  qu'il  est  l'oncle  du  citoyen  Pierre  Dupont,  arrêté  en 
thermidor  dernier,  et  remis  en  liberté. 

—  Le  5  messidor,  interrogé  parle  commissaire  général  de  la  police,  Babut, 
il  nie  connaître  l'existence  des  «  compagnies  auxiliaires  de  Bordeaux  », 
l'Institut,  le  serment  exigé  de  ses  membres,  les  réunions  clandestines  des 
royalistes,  les  états  de  l'armée  auxiliaire  envoyés  par  les  divers  cantons  de 
Bordeaux,  l'organisation  des  présidents  d'arrondissement,  de  la  compagnie 
d'artillerie  auxiliaire,  l'époque  où  le  complot  conçu  par  l'Institut  devait  être 
exécuté,  la  liste  des  aides  et  des  adjoints  de  l'arrondissement  de  Bordeaux, 
MM.  Caudeval  (Codebal),  Durand,  Périgord,  de  Malescot,  Tascher  de  la 
Pagerie,  Tristan,  Constant,  Servant,  etc.  Il  ne  reconnaît  même  pas  son 
écriture  et   sa  signature  dans  la  pièce  n'^.lO  saisie  chez  Cosse. 

Un  seul  passage  de  cet  interrogatoire  nous  intéresse,  en  ce  qu'il  peut  nous 
aider  à  connaître  le   nom  du  personnage  qui  a  livré  les  secrets  de  l'Institut. 

I.  —  «  S'il  ne  connaît  pas  un  nommé  Bayard  et  s'il  n'a  pas  entendu  parler 
d'une  indiscrétion  commise    par  quelque  sociétaire  de  l'Institut  ? 

R.  —  <(  Qu'il  ne  le  connaît  pas;  qu'il  n'a  nulle  connaissance  delà  deuxième 
question. 

I.  —  «  S'il  connaît  le  nommé  Clemenceau  ? 

R.  —  «  Qu'il  en  a  entendu  parler  comme  d'un  fonctionnaire  public,  mais 
qu'il  ne  l'a  jamais  vu. 

I.  —  «  S'il  n'a  pas  entendu  parler  des  difficultés  que  ferait  M.  Malescot 
d'accepter  la  place   de  commissaire  général  du  roi  ? 

R.  —  «  Qu'il  l'ignore  absolument.  » 

Dupont  prétend  aussi  n'avoir  aucune  relation  avec  des  individus  que  la 
police  regarde  comme  ses  agents  en  dehors  de  Bordeaux  :  M.  de  Saint-Laurent, 
Latour,  à  Pessac,  Pénicaud  à  Mérignac,  le  marquis  de  Lansac  à  Bazas,  de 
Luccemond,  ancien  capitaine  de  cavalerie,  à  Martillac  '. 

—  Nouvel    interrogatoire,   le    14  messidor.  La  police    avait  interrogé   le 

1.  Je  ne  vois  que  Latour  parmi  les  membres  du  Brassard. 


58  LA  DKCOUVERTE 

traiteur  Pouget,  chez  lequel  les  conspirateurs  se  réunissaient,  et  son  inter- 
rogatoire, «  quoique  négatif  »,  pouvait  être  intéressant  pour  l'instruction 
de  cette  affaire.  Elle  avait  saisi  chez  Dupont  des  pièces  dont  deux  au  moins 
avaient  attiré  son  attention  :  l'une,  tableau  des  citoyens  composant  la 
compagnie  n«^  5  du  7e  bataillon  du  centre  ;  l'autre,  contenant  des  chiffres 
(106.888  fr.  50)  et  aussi  des  mots  en  abrégé,  indiquant  vraisemblablement  les 
dépenses  que  les  106.888  fr.  avaient  servi  à  payer,  impressions,  appointe- 
ments et  salaires,  cannes,  etc. 

Dupont  se  contredit  dans  quelques  explications  qu'il  fournit  sur  un  dîner 
qu'il  avait  donné  chez  Pouget  récemment.  Il  affecta  d'ignorer  le  nom  des 
personnes  qu'il  avait  invitées,  en  réduisit  le  nombre,  prétendit  que  le  citoyen 
Sabès,  militaire  [un  des  organisateurs  de  l'armée  de  Papin]  *,  avait  été  amené 
à  ce  dîner  par  un  de  ses  amis.  Ses  explications  sur  les  deux  pièces  saisies 
chez  lui  présentèrent  aussi  peu  de    vraisemblance. 

Ne  retenons  de  cet  interrogatoire  que  le  passage  suivant,  intéressant,  car  il 
nous  fait  connaître  les  personnes  que  la  police  soupçonnait  de  connivence 
avec  Dupont. 

I.  —  «  S'il  ne  connaît  pas  les  citoyens  Latour,  pharmacien  aux  Chartrons; 
Alexandre  5cr/;n'n,  rue  Sainte-Thérèse,  n"  17,  aux  Chartrons  ;Sa&ès,  rue  Brutus, 
nf>  5  ;  Lelellier,  rue  Saint-Seurin  ;  Tavernier,  rue  Désirade  ;  Marcarteau,  rue 
Castelnau  ;  Speau^  rue  Sainte-Catherine  ;  Lamarqiie ,  marchand  de  vins  aux 
Chartrons  ;  Planette,  rue  Rotaillon  ^,  et  s'il  ne  s'est  pas  trouvé  quelquefois 
avec  ces  individus,  soit  chez  lui,  soit  chez  aucun  d'eux,  soit  ailleurs. 

R.  -  -  «  Qu'il  connaît  les  citoyens  Latour,  Sabès  et  Letelliery  mais  qu'il 
ne  connaît  aucun  des  autres  et  qu'il  ne  s'est  pas  trouvé  soit  chez  lui,  soit 
chez  aucun  des  trois  individus  qu'il  vient  de  nommer,  soit  ailleurs  avec  eux, 
si  ce  n'est  qu'il  a  quelquefois  acheté  des  drogues  au  citojen  Latour,  pharma- 
cien, pour  un  de  ses  enfants  qui  était  malade.  » 

(F'   6256.) 

58.  —  Interrogatoires  de    Cosse,    4-6  messidor  VIII. 

(Analyse.) 

Le  musicien  Cosse  se  renferme  comme  Dupont  dans  un  système  de  déné- 
gation absolue,  mais  il  est  moins  habile,  et  ses  réponses  manquent  parfois 
de  vraisemblance. 

Dans  son  /er  interrogatoire  cependant  (4  messidor),  il  répond  avec  assez 
d'aisance  aux  questions  que  lui  pose  le  secrétaire  général  de  police,  Babut. 
A-t  il  fait  des  voyages  depuis  un  an?  —  Un  seul  à  Agen,  pour  trouver  des 
leçons  dans  les  pensionnats.  — N'a-t-ilpas  reçu  des  lettres  à  son  adresse  ou 
sous  des  noms  convenus  pour  les  distribuer  à  d'autres  personnes  ?  —  Il  ne 
reçoit  de  lettres  que  de  son  frère  et  très  rarement  —  Ne  s'est-il  pas  occupé 
d'entreprise  d'équipement  ou  d  armement  ?  —Jamais.  — De  «  propager 
l'instruction  dans  la  ville  ou  dans  la  campagne  »?  —  Encore  moins.  — De 
colporter  des  journaux  ?  —  Pas  davantage. 

1.  Voir  Introduction,  p.  xxii. 

2.  Voir  Latour,  Seguin,  Lamarche,  Planet, parmi  les  royalistes  décorés  du  Bras- 
sard et  Letellier  parmi  les  membres  de  la  Légion  d'honneur. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L  AN  VIII  59 

Connaît-il  l'Institut,  les  conditions  d'entrée  dans  la  société,  le  lieu  de 
réunion,  les  membres,  les  commissaires  généraux,  les  chefs,  comme  Lacombe 
ou  Florac,  l'organisation  militaire,  etc.  ?  —  Non  ;  il  a  simplement  entendu 
parler  de  l'Institut,  mais  pas  depuis  cinq  ou  six  mois.  —  Babut  cite  plu- 
sieurs personnes  soupçonnées  d'en  faire  partie.  —  Il  a  entendu  parler  d'elles  : 
de  Brochon  comme  avocat,  de  Papin  comme  militaire,  de  Magnol  comme 
amant  de  la  comédienne  Latapy,  mais  il  n'a  pas  de  relations  avec  elles. 
Il  a  vu  Dupont  en  voisin  ;  il  est  allé  chez  lui  pour  accorder  la  guitare 
de    sa  femme 

Mais  dans  son  second  interrogatoire,  6  messidor,  il  lui  est  plus  difficile 
d'expliquer  la  provenance  ou  le  sens  des  pièces  trouvées  chez  lui.  Il  refuse 
de  reconnaître  comme  lui  appartenant  les  principales  (p.  ex.  n'^s  14,  17,  18, 
19  20  21,  24,  25),  celles  qui  intéressent  surtout  la  société  dont  il  est 
membre,  sous  le  prétexte  qu'elles  ont  été  introduites  dans  le  paquet  qui 
renfermait  ses  papiers,  par  une  ouverture  qu'il  fait  constater.  Mais  il  ne 
peut  nier  qu'il  ait  écrit  la  plupart  des  autres.  Aussi  prétend-il  qu'elles  n'of- 
frent aucun  intérêt:  ce  sont  des  chansons  ou  des  rapports  d'une  loge  maçon- 
nique dont  il  est  membre  ;  ou  c'est  la  copie  d'un  papier  manuscrit  tout  déchiré, 
qu'il  a  trouvé  rue  Sainte-Catherine  (pièce  n°  3,  Discours  sur  l existence  de 
Vlnstitut  des  Amis  de  l ordre  ;  ou  c'est  le  tableau  d'une  compagnie  de 
garde  nationale  dont  il  était  sergent-major  en  1790-1791  (pièce  n**  9),  etc.  Il 
termine  son  interrogatoire  en  déclarant  qu'il  a  été  «  l'un  des  plus  em- 
pressés à  signer  la  Constitution  de  l'an  VIII  » . 

G.    —  LES    RAPPORTS    DE  PIERRE    ET  LA   DÉCLARATION  d'ÉDOUARD 

59.  —  Premier  rapport  du  commissaire  général  de  police  Pierre 
au  ministre  de  la  police,    7  messidor  an  VIII  (26  juin  1800). 

(Extrait.) 

...  «  J'ai  fini  depuis  hier  soir  d'interroger  les  prévenus.  J'ai 
examiné  une  très  grande  partie  des  papiers  saisis  chez  eux.  Ceux 
qui  restent  ne  me  paraissent  pas  bien  importants.  Il  en  résulte  que, 
dans  leur  interrogatoire,  ils  ont  adopté  un  système  de  dénégation  ; 
que  les  papiers  trouvés  chez  Cosse,  musicien,  coïncident  parfaite- 
ment avec  les  instructions  que  vous  m'avez  transmises.  Quelques 
lettres  originales  dont  les  dates  sont  d'avril,  mai,  juin  derniers,  deux 
états  de  l'armée  auxiliaire  des  cantons  de  Castres,  Saint-Médard 
d'Eyran  de  la  Gironde,  des  notes  informes  contenant  des  noms, 
prouvent  lexistence  d  une  société  d'Inslitut  à  Bordeaux,  dont  ils 
renvoient  cependant  rétablissement  à  l'époque  du  18  fructidor 
an  V,  de  commissaires  du  roi,  de  présidents  d'arrondissement, 
d'aides  et  d'adjoints  chargés  de  diriger  l'opinion  publique  et  le  mou- 
vement, la  formation  de  compagnies,  et  notamment  d'une  artillerie. 

«  L'évacuation  de  Gènes  paraissait  être  l'épociuc  choisie  par  les 
chefs  pour  frapper  le  grand  coup.  Mais  on  se  plaint  du  petit  nombre 


60  LA  DÉCOUVERTE 

d'enrôlés,  de  l'apathie  et  de  l'inactivité  des  aides  et  adjoints,  du  peu 
de  dévouement  du  peuple  ;  leur  remplacement  par  des  hommes 
dévoués,  plus  amis  de  leur  devoir,  est  réclamé. 

«  Cependant  on  pense  que  la  présence  d'un  prince  ébranlerait  tout. 

«  Une  des  lettres,  sous  la  date  du  8  juin  1800,  offre  le  nom  de 
Servan  *  et,  d'après  les  renseignements  qu'on  suppose  demandés  par 
ce  dernier,  je  pense  qu'on  a  voulu  désigner  le  général  de  ce  nom, 
commandant  la  20^  division  militaire. 

«  Il  serait  peut-être  essentiel  de  saisir  les  papiers  de  Labriac,  à 
Soumensac,  département  de  Lot-et-Garonne.  Sa  maison  était  le 
quartier  général  de  Servan,  et  Ton  sait  que  cet  homme  lui  est  tout 
dévoué  et  qu'il  a  fait  un  voyage,  il  y  a  quelques  jours,  à  Bordeaux, 
dans  l'intérêt  de   ce  général. 

((  Enfin,  C.  ministre,  pour  vous  mettre  à  même  d'avoir  une  idée  de 
cette  affaire,  je  vous  fais  passer  ici  neuf  pièces  sous  les  n°^  1,  5,  4, 
2,  14,17,  18,19,21,22,23. 

«  Rien  n'a  présenté  Brochon  comme  complice... 

«  Les  papiers  de  Papin  n'ont  rien  présenté  sur  la  prévention  de 
conspiration  et  de  correspondance  avec  les  ennemis  extérieurs.  Il  est 
toujours  absent. 

((  Le  rapport  général  vous  fixera  sur  le  sort  des  autres  prévenus.  » 

(F'  6256.) 

60.  —  Second  rapport  de  Pierre  au  ministre. 

«  G.  Ministre,  — Il  était  difficile  de  penser  que,  sous  le  gouverne- 
ment qui  régit  la  France  depuis  le  18  Brumaire,  l'on  pût  compter  de 
véritables  conspirateurs  contre  lui.  Cependant  rien  de  plus  certain 
que  l'existence  matérielle  d'un  complot  dont  le  but  était  le  renverse- 
ment de  la  République  pour  y  substituer  un  roi.  Le  dépouillement 
des  pièces  saisies  chez  les  prévenus  arrêtés  à  Bordeaux,  en  exécution 
de  vos  ordres  du  29  prairial  dernier,  les  renseignements  acquis  sur 
cette  trame  ourdie  par  l'étranger,  le  caractère  et  les  principes  connus 
de  quelques-uns  de  ceux  qui  figurent  dans  ce  plan,  les  tentatives  de 
séduction,  de  corruption,  qui  ont  été  vainement  employées,  tout,  en 
un  mot,  malgré  le  système  de  dénégation  adopté  par  les  prévenus, 
prouve  que  les  royalistes  s'étaient  réunis  et  organisés  à  Bordeaux 
sous  le  nom  d'Institut  des  Amis  de  Tordre  ;  que  cette  ville  était 
divisée  en  quatre  arrondissements  dont  les  présidents  étaient  chargés 
de  recevoir  ceux  qui  s'agrégeaient  à  cette  association  ;  qu'il  existait 


1 .  Le  nom  philanthropique  de  Papin  (Servant)  avait  été  choisi  sans  doute  à 
dessein  pour  compromettre  l'ancien  ministre  de  la  guerre,  qui  commandait  à  cette 
époque  la  20^  division,  au  moins  pour  dérouter  la  police.  Le  général  Servan 
accusé  se  défendit  avec  vigueur.  On  trouve  sa  lettre  dans  F'  6256. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  61 

des  subdivisions,  des  aides  et  adjoints  qui,  en  l'absence  des  prési- 
dents, remplissent  leurs  fonctions  ;  qu'un  commissaire  du  roi  diri- 
geait ce  plan  ;  que  des  compagnies  d'élite,  de  ligne,  de  cavalerie, 
d'artillerie,  étaient  organisées  et  généralement  armées  de  fusils, 
pistolets  et  sabres  ;  que  le  parti  avait  de  l'argent  et  en  avait  exacte- 
ment reçu  ;  que  les  noms  de  guerre  et  de  convention  déguisent  les 
véritables  noms  des  agrégés  ;  que  des  signes  et  des  mots  de  rallie- 
ment étaient  établis  pour  reconnaître  entre  eux  les  membres  de  cette 
association  ;  que  des  rassemblements  ont  eu  lieu  chez  Pouget,  trai- 
teur, où  des  compagnies  ont  été  passées  en  revue  ;  que  le  projet 
était,  au  signal  convenu,  de  s'emparer,  au  nom  du  gouvernement, 
et  sous  prétexte  de  comprimer  les  jacobins,  du  commissaire  général, 
du  Château-Trompette,  et  d'arborer  ensuite,  quelque  temps  après, 
le  signal  de  la  révolte  ;  que  Bordeaux  ne  devait  agir  que  lorsque  les 
descentes  particulières  ou  générales  des  Anglais  auraient  eu  lieu  sur 
nos  côtes  et  que  les  départements  circonvoisins  se  seraient  montrés  ; 
que  le  pillage  devait  avoir  lieu  ;  que  des  quartiers  et  des  maisons 
étaient  désignés  et  qu'un  tiers  au  moins  de  ce  parti  était  composé 
d'hommes  qui,  par  leurs  principes  et  leurs  habitudes,  étaient  disposés 
à  exécuter  cette  indigne  violation  des  propriétés. 

«  Déjà  j'avais  découvert  les  traces  de  ce  complot  dont  je  dési- 
rais m'assurer  de  la  réalité,  lorsque  vos  ordres  me  sont  parve- 
nus et  ont  justifié  la  certitude  des  renseignements  que  j'avais 
acquis. 

«  Cependant  il  paraît  toujours  que  cet  Institut  est  une  branche  de 
la  société  philanthropique  découverte  en  l'an  V,  que  grand  nombre 
de  sociétaires  qui,  de  bonne  foi,  voulaient  s'opposer  au  rétablisse- 
ment de  la  Terreur,  sont  aujourd'hui  à  leur  insu  compromis  par  les 
agents  actifs  de  la  contre-révolution  qui  n'abandonnent  jamais  leurs 
délirants  projets  de  renverser  la  République  et  ont  profité  de  cette 
institution,  des  règlements,  des  ordres  et  de  l'organisation  établie 
pour  exécuter  leur  infâme  dessein. 

«  Les  lettres  saisies  chez  Cosse  prévenu,  sous  les  dates  du  mois 
d'avril,  mai,  juin,  vieux  style,  les  notes  qui  s'y  trouvent,  en  prou- 
vant la  justesse  de  ces  observations,  contiennent  des  plaintes  faites 
par  le  chef  sur  l'inactivité  des  agents  civils  établis  par  lui,  sur  le 
petit  nombre  d'enrôlés  que  présentaient  les  tableaux  de  l'armée 
auxiliaire  de  Bordeaux  et  des  cantons  environnants,  sur  l'insou- 
ciance et  l'apathie  du  peuple  à  seconder  le  mouvement  (|ui  devait 
ramener  la  Royauté.  La  pénible  situation  des  armées,  le  succès 
passager  de  l'ennemi,  avaient  enhardi  l'audace  de  ces  incorrigibles 
conspirateurs.  Déjà,  dans  leurs  criminels  projets,  le  sol  de  la  Répu- 
blique était  foulé  par  d'insolents  vainqueurs  ;  déjà  hi  l^épublique 
était  anéantie  ;  déjà  leurs  vœux  étaient  accomplis  à  révacuation  de 


62  LA  DÉCOUVERTE 

Gênes,   époque    que,    dans  leur    délire    contre-révolutionnaire,  ils 
avaient  choisie  pour  frapper  le  grand  coup. 

«  Mais  il  est  vrai  de  dire  que  beaucoup  d'hommes  qui,  il  y  a  un  an, 
soupiraient  après  l'ordre  et  la  paix,  sont,  depuis  le  18  Brumaire, 
tout  dévoués  au  gouvernement  juste,  modéré,  vainqueur  et  bientôt 
pacificateur  qui  dirige  la  République  ;  que  l'exécution  de  leur  trame 
ourdie  par  l'étranger  n'eut  pas  été  complète  ici  :  aussi  la  découverte 
et  l'arrestation  des  prévenus  de  ce  complot  ont  fait  une  grande 
sensation.  On  ne  pouvait  y  croire. 

«  Généralement  on  espère  et  on  compte  beaucoup  sur  la  clémence 
qu'amène  la  victoire,  la  justice  el  la  paix  ;  on  pense  que,  quoique  la 
trahison  soit  mise  à  découvert,  le  gouvernement  triomphateur  des 
nombreuses  cohortes  de  l'ennemi,  foulant  aux  pieds  cette  malheu- 
reuse entreprise,  en  deviendra  plus  cher  aux  Français  par  le  carac- 
tère de  grandeur  et  de  magnanimité  qu'il  déploiera  en  cette  circons- 
tance ..  » 

(F'  6256,  publié  dans  VEssai  de  Dupont-Cons- 
tant. Voir  la  suite  dans  cet  Essai.) 

61.        [Thermidor  an  Vllt].  Déclaration  d'Edouard  \ 

(Extrait.) 

((  Le  citoyen  Edouard  a  l'honneur  de  prévenir  le  gouvernement  de 
la  République  française,  et  particulièrement  le  C.  Bonaparte, 
premier  consul,  qu'il  existe  une  conspiration  contre  la  chose  pu- 
blique. 

«  Pour  faire  agir  et  exécuter  tous  ses  odieux  projets,  l'Angleterre 
a  déjà  donné,  rien  que  pour  la  partie  du  Dauphiné,  Provence,  Lan- 
guedoc, Vivarais,  Gévaudan  et  Cévennes,  une  somme  de  quatre 
millions  que  le  cit.  Duport  le  jeune,  banquier  à  Lyon,  a  reçue  et 
payée  sur  les  mandats  des  principaux  agents  commis  pour  cela... 
Ces  principaux  agents  sont  le  général  Willot,  le  général  Pichegru. 
Ces  deux  généraux  ont  été  faits  lieutenants-généraux  par  Louis  XVIIL 
Le  général  Willot  a  le  commandement  du  Dauphiné,  Provence, 
Languedoc,  Vivarais,  Gévaudan  et  Cévennes.  Le  général  Pichegru  a 
celui  de  toute  la  partie  du    côté   de   Bordeaux.  Je   crois  ce  dernier 

1.  Edouard,  dit  «  l'infâme  Caroline  ».  Il  se  nommait  en  réalité  Fernand  Pelage 
Duclos  de  la  Morlière.  Né  à  Istre  (Bouches-du-Rhône),  lieutenant  aux  gardes  du 
corps  du  roi  avant  la  Révolution.  En  1800.  il  était  l'agent  de  Puivert  et  de  Willot. 
Edouard  commença  à  cette  époque  (thermidor  an  VIII)  à  livrer  le  secret  de  l'intrigue 
du  Midi.  Ce  sont  ses  déclarations  qui  ont  fait  arrêter  l'abbé  Rougier,  agent  de 
Puivert  à  Gap  (1800),  et  Puivert  lui-même  il804).  L'abbé  Rougier  fut  enlevé  par  une 
bande  d'hommes  masqués  qui  le  délivra  ;  mais,  certain  d'être  repris,  il  se  remit 
entre  les  mains  de  la  police  et  fit  des  aveux  qui  contribuèrent  aussi  à  l'arrestation 
de  Puivert  à  Paris.  Celui-ci,  comme  le  comte  de  Noyant,  garda  le  silence  ;  mais 
la  police  le  retint  longtemps  en  prison.  Voir  son  Livre  déraison.  Revue  de  Paris,  \  c. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  63 

déjà  arrivé,  mais  caché  aux  environs  de  sa  destination.  La  Vendée 
doit  se  rallumer  au  même  moment  que  les  autres  points  commence- 
ront les  hostilités,  ainsi  que  Lyon,  le  Beaujolais,  le  Forez,  etc.,  aux 
ordres  de  Precil  (sic)  [Précy]  qui  doit  aussi  être  à  Lyon,  mais  caché. 
Il  existe  à  Lyon  un  comité  de  régence  à  la  tête  duquel  sont  les 
nommés  M.  deFlorac^M.  de  laChassagne^  et  autres  que  je  ne 
connais  pas.  Le  secrétaire  de  ce  comité  de  régence  est  un  nommé 
M.  Manem,  connu  sous  le  nom  de  Magnen,  ancien  capitaine  de 
dragons.  Il  correspondait  avec  toutes  les  agences  de  Marseille, 
Avignon,  Gap,  Digne  et  autres.  11  a  appris  dernièrement  qu'on  avait 
arrêté  les  agents  de  Bordeaux.  En  conséquence,  il  a  mis  ordre  à  ses 
papiers  et  s'est  caché  par  précaution. 

«  A  Gap,  il  y  a  un  nommé  l'abbé  Rougier-^,  qui  est  un  des  agents 
principaux.  Il  a  beaucoup  d'argent  dans  une  cache,  des  papiers,  des 
instructions,  des  magasins  de  poudre,  de  blé,  de  farine,  de  fusils. 
Son  adresse  est  «  au  cit.  Tronchon,  ouvrier  chez  le  cit.  Rougier, 
chef  de  l'atelier  d'armes  à  Gap  »,  et,  lorsqu'il  écrit,  il  se  signe 
Alexandre. 

«  Ensuite  il  y  aie  marquis  de  Puitvers*  fs/c),  fils  d'un  ancien  prési- 
dent au  parlement  de  Toulouse.  Son  adresse  est  «  au  cit.  Roger  ».  Il 
n'a  point  de  demeure  fixe.  Tantôt  il  est  à  Gap,  tantôt  à  Digne,  à 
Seyne,  à  Manosque  et  à  Marseille,  où  je  le  soupt;onne  à  présent. 
Sa  signature,  lorsqu'il  écrit,  est  Picot. 

«  Lorsque  dans  la  correspondance  on  parle  du  général  Willot,  on 
le  désigne  sous  ces  mots  :  «  Mon  oncle  ».  Ses  deux  noms  d'adresse  et 
de  signature  sont  Pansard  et  Ménard... 

«  Au  comité  de  régence  à  Lyon,  il  y  a  un  nommé  Willems,  qui 
est  rhomme  de  confiance,  et  un  nommé  FrancouP,  qui  fait  des 
recrues... 

«  Le  général  Willot  a  deux  régiments  piémontais  à  ses  ordres  que 
le  roi  lui  donne...  Le  duc  de  Berry  doit  venir  sous  ses  ordres  avec 
une  partie  de  l'armée  de  Naples.  Le  prince  de  Condé  débarquera  en 
Languedoc  avec   son  armée... 

«  Le  général  Pichegru  débarquera  à  Bordeaux  (je  ne  connais  pas 
ses  moyens),  et  le  comte  d'Artois  en  Vendée,  avec  le  duc  d'Angou- 
léme,  et  à  Lyon  M.  de  Precil  [Précy]  ^  doit  agir  en  même  temps. 


1.  M.  de  Floirac,  voir  Introduction,  p.  13,  et  d'Haulerive,  La  Police  secrète,  n°  12L 

2.  Agent  royaliste  du  Lyonnais.  Voir  Conspiration  de   Pichegru^  p.  130 

3.  Voir  d'Hauterive,   n<^»  121,  139.  Sources,  0258  à  G2(>0. 

4.  Voir,  sur  Puivert,  d'FIauterive,  surtout  les  »«»  121,  351,  etc.  Sources,  F,,  G256, 
6258. 

5.  Voir  sur  Francoul,  principal  agent  de  Willot,  après  1800,  en  Provence,  d'Hau- 
terive, n«»  114,  115,  172,  190.  Sources.  F,  6259,   6440,  6448. 

6.  Voir  sur  Précy  (L.-Fr.  Perrin,   comte  de),  défenseur  de   Lyon,  la  Trahison  de 
Pic/iegru  (consulter  l'index),  et  d'Hauterive,  n<»  332,11420, 1611.  Sources.  F7,  6268à6260. 


64  LA  DECOUVERTE 

«  Le  chevalier  de  Revel,filsdu  comte  de  Saint-André*,  doit  servir 
dans  cette  armée,  sous  les  ordres  de  Willot.  » 

(F'  6258.) 

62.  —  13  thermidor  an  VIII.  Lettre  de  Desmarets  ^  à  Pierre. 

(Minute.) 

«  Il  m'est  parvenu,  citoyen  commissaire,  divers  renseignements 
sur  un  plan  général  de  soulèvement  des  côtes  et  des  frontières  com- 
biné avec  les  mouvements  des  flottes  anglaises. 

«  Ces  renseignements  ne  sont  pas  aussi  précis  ni  aussi  authen- 
tiques que  ceux  que  je  vous  ai  transmis  sur  l'Institut.  Il  suffit  donc 
de  les  suivre  avec  attention,  d'approfondir  les  faits,  et  de  prendre 
ensuite,  s'il  y  a  lieu,  toutes  les  mesures  que  la  sûreté  publique  exige- 
rait. 

«  Pichegru,  lieutenant-général  pour  le  roi,  doit  prendre  le  comman- 
dement de  Bordeaux  et  provinces  environnantes.  On  le  croit  même 
déjà  à  sa  destination  et  entré  du  côté  de  Bordeaux.  Des  fonds  ont  été 
versés  à  Lyon  pour  les  opérations,  et  le  banquier  Duport  jeune  paye 
sur  les  mandats  des  principaux  agents. 

((  Le  parti  de  Pichegru  correspond  avec  Willot,  son  collègue  en 
Provence,  etc. 

«  Willot  est  désigné  dans  la  correspondance  par  les  mots  «  mon 
oncle  ».  Son  adresse  et  sa  signature  sont  Pansard  et  Ménard. 

«  Les  agents  se  servent  pour  correspondre  de  diverses  encres 
blanches  dont  je  vous  transmets  la  recette  et  le  moyen  de  faire  ressor- 
tir les  caractères. 

«  Je  vous  recommande  en  même  temps  de  veiller  sur  les  démarches 
d'un  nommé  Vassal  de  Puvert,  chef  chouan  amnistié,  qui  vient 
de  partir  pour  Bordeaux.  Il  a  fait  délivrer  ici  beaucoup  de  faux 
certificats  d'amnistie,  et  j'ai  lieu  de  croire  qu'il  est  chargé  de 
mission  pour  votre  ville  ou  dans  le  département  où  il  doit  prendre 
un  commandement. 

«  Il  est  inutile  de  vous  recommander  de  vous  concerter  avec  le 
préfet.  » 

(F'  6258.) 

63.  —  Pierre  répond  à  Desmarets  le  9  août. 

(Extrait.) 

...  «  Je  ferai  surveiller  les  démarches  du  nommé  Vassal  Purcet 
(sic),  chef  de  chouans  amnistié,  que  vous  m'annoncez  être  parti  pour 
Bordeaux  et  qui  est  ici  depuis  trois  jours. 

1.  Voir  sur  Saint-André  d'Hauterive,  n»  121. 

2.  Cette  lettre  fixe  la   date  de  la  précédente,    car    elle    a    été    certainement  écrite 
^près. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  65 

«  Mais  comment  se  fait-il  qu'on  enlève  de  Bordeaux  la  seule  troupe 
destinée  à  la  police,  pour  aller  sur  les  côtes,  lorsqu'on  présume  que 
Pichegru  doit  prendre  le  commandement  de  Bordeaux  ?  » 

{Ibid.) 

D.  —  l'élargissement  des  prévenus  ;  optimisme  officiel. 

Dès  l'envoi  de  son  rapport  au  ministre  de  la  police,  le  commissaire 
général  Pierre  conseillait  la  clémence  à  l'égard  des  prévenus.  Il  écrivait  au 
frère  du  premier  consul,  Lucien  Bonaparte,  le  25  messidor  : 

«  Je  te  fais  passer  sous  ce  pli  une  copie  de  mon  rapport  envoyée  à 
Fouché  sur  les  arrestations  faites  par  nos  ordres.  Je  l'invite  à  y 
prêter  son  attention,  et  je  crois  que  la  clémence  sera  la  plus  belle 
punition  que  pourra  se  permettre  le  gouvernement  iuste  et  fort.  En 
déjouant  la  trame  de  nos  ennemis,  nous  en  avons  arrêté  l'exécution. 
Pardonnons-leur  en  républicains  généreux  et  contentons-nous  de 
les  surveiller.  » 

{Essai,  p.  221-222.) 

De  son  côté,  le  préfet  Thibaudeau  engageait  le  premier  consul  à  la  clé- 
mence. Les  prévenus  multipliaient  les  pétitions,  protestaient  de  leur  inno- 
cence. [Voir  leurs  lettres  dans  F,  6256,  par  exemple  la  pétition  du  9  fructidor 
an  VIIL]  On  met  en  liberté  d'abord  Maignol,  propriétaire  du  Médoc,  arrêté 
à  Paris  le  8  messidor,  car  on  l'avait  confondu  avec  l'ex-chevalier  Magnol;  puis 
Dupouy  et  sa  femme,  les  femmes  de  Cosse  et  de  Dupont,  la  sœur  de  ce  der- 
nier, veuve  Duval,  l'agent  de  change  Dumas,  etc. 

On  garda  en  prison  Lavalette,  Cosse  et  Dupont.  Mais  ces  derniers,  après 
l'élargissement  des  autres,  assurés  de  l'appui  de  Pierre,  réclamèrent  avec 
plus  d'énergie  leur  liberté  :  lettres  au  ministre  du  15  germinal  an  Vlll,  du 
28  thermidor  an  IX,  du  1er  frimaire  an  IX.  Le  commissaire  Pierre  intercéda 
lui-même  en  faveur  de  Dupont,  malade,  pour  ol)tenir  sa  liberté  sous  caution, 
2  fructidor  an  IX.  Le  8  frimaire  an  X,  la  police  du  quai  Voltaire  fit  un  rap- 
port à  Fouché  au  sujet  de  cette  mise  en  liberté  sous  caution.  Elle  conclut  en 
faveur  de  l'élargissement.  Le  22  frimaire  an  X,  Pierre  annonçait  au  ministre 
qu'il  avait  mis  en  liberté  provisoire  sous  caution  Dupont,  Cosse  et  Lavalette. 
Il  joignit  à  la  lettre  leur  serment  de  fidélité  à  la  Constitution,  daté  du  17  fri- 
maire. Cosse,  Lavalette  et  Dupont  avaient  quitté  la  prison,  le  16  frimaire. 

Mais  ils  restaient  sous  la  surveillance  de  la  police.  Le  l^*"  fructidor  an  X, 
ils  réclamaient  la  levée  de  leur  surveillance;  le  14  fructidor,  Pierre  intercédait 
en  leur  faveur;  le  27  pluviôse  an  XI,  même  requête  de  Dupont  :  il  veut,  dit- 
il,  partir  pour  Saint-Domingue;  Fouché  l'y  autorise,  le  28  ventôse.  Mais 
la  guerre  avec  l'Angleterre  éclate  et  Dupont  ne  peut  partir  pour  Saint- 
Domingue. 

Il  demande  alors  à  se  rendre  à  Paris,  27  fructidor  an  XII,  V.)  vendémiaire 
an  XIII  :  sa  famille  est  partie  pour  Paris,  y  tient  un  petit  commerce  ;  il  veut 
la  rejoindre.  Le  commissaire   Pierre  appuie  encore  sa  requête,  le  7  nivôse 


66  LA  DÉCOUVERTE 

an  XIII.  Nouvelles  sollicitations  de  Dupont,  le  14  germinal  an  XIII,  le 
6  floréal;  ou  de  sa  femme,  domiciliée  à  Paris,  rue  Feydeau,  n»  238,  4  prairial. 
Enfin  rapport  favorable  de  la  police  secrète  au  ministre,  le  15  messidor 
an  XIII.  Mais  on  réclame  à  Dupont  une  caution  :  c'est  le  notaire  De  La  Ville 
qui  la  fournit.  On  l'autorise  enfin  à  partir,  le  7  thermidor  an  XIII. 

64.  —  Extrait  des  Tablettes  de  Bernadeau,  16  frimaire  an  X. 

«  On  a  mis  hier  en  liberté  Gausse,  Dupont  •  et  Lavalette,  détenus 
depuis  17  mois  à  Bordeaux  pour  cause  de  conspiration  contre  le 
gouvernement  républicain  et  accusés  d'être  les  principaux  agents 
d'un  parti  qui  s'était  formé  sous  le  nom  de  Fils  légitimes  et  qui 
s'était  secrètement  armé  et  organisé  pour  faire  un  coup  de  main  au 
besoin.  Les  preuves  ont  manqué  aux  fortes  présomptions,  mais  ce 
hors  de  cour  ne  les  disculpe  pas  :  Quot  libérât  notaty  dit-on  en 
droit. 

(Bibliothèque  municipale,   Collection  hérédi- 
taire de  mes  œuvres  :  tablettes.) 

65 .  —  Extraits  des  Comptes  moraux  2  du  département 
rédigés  conformément  à  la  circulaire  du  ministre  de  la 
police  générale  du   25  messidor  an  X. 

Compte  moral  pour  le  2^  semestre  de  Van  X. 

Esprit  public.  —  «  Le  plus  grand  calme  règne  partout  et  particu- 
lièrement à  Blaye,  à  Libourne,  et  dans  l'arrondissement  rural  de 
Bordeaux.  Partout  on  est  las  des  révolutions.  On  ne  s'occupe  plus 
d'affaires  publiques;  on  ne  lit  plus  de  journaux;  chacun  se  contente 
et  ne  songe  qu'à  réparer  sa  fortune  ou  qu'à  l'accroître.  On  ne  peut 
se  dissimuler  qu'il  existe  à  Bordeaux  quelques  têtes  échauffées  à  qui 
tous  les  actes  du  gouvernement  ne  plaisent  point.  La  grande  majo- 
rité, qui  toujours  donne  le  ton  et  entraîne  les  dissidents  en  dépit 
d'eux-mêmes,  se  félicite  du  repos  dont  elle  jouit.  » 

Compte  moral  pour  le  P^  trimestre  de  Van  XL 

Esprit  public.  —  «  On  s'accorde  en  général  sur  un  point,  c'est  que 

1.  Voir  sur  la  fin  de  la  vie  de  Cosse  et  de  Dupont  les  notes  de  l'introduction. 

2.  Appelés  comptes  moraux  ou  de  situation,  ces  documents  forment  une  forte 
liasse  de  la  série  M  des  Archives  départementales  de  la  Gironde,  intitulée  :  arrêtés 
du  préfet,  imprimés,  rapports  du  piéfet  sur  la  situation  du  département,  1802-1809. 
—  Le  compte  moral  est  rédigé  à  partir  de  l'an  XI  par  trimestre,  pour  la  fin  de 
l'an  X  par  semestre  ;  il  est  divisé,  suivant  les  instructions  envoyées  par  le  ministre 
de  la  police,  le  5  fructidor  an  X,  en  6  chapitres  :  sûreté  publique,  subsistances, 
commerce,  cuhes,  police  personnelle,  esprit  public,  observations  particulières.  — 
Les  Archives  ne  possèdent  que  les  minutes  de  ces  rapports  de  Delacroix,  préfet 
après  Thibaudeau  et  Dubois,  et  de  ses  successeurs  ;  ces  rapports  furent  rédigés 
sans  doute  par  un  chef  de  bureau  de  la  préfecture. 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  67 

le  repos  et  la  tranquillité  dont  on  jouit  sont  mille  fois  préférables 
aux  guerres  extérieures  et  domestiques  sous  lesquelles  on  a  si  long- 
temps gémi.  Dans  un  pays  que  le  commerce  rendit  florissant,  tous 
les  vœux  ont  sa  prompte  restauration  pour  objet.  Il  est  utile  que 
vous  n'ignoriez  pas...  que  la  ville  de  Bordeaux  a  des  ennemis...  Les 
Bordelais  sont,  en  général,  doux,  sociables,  humains.  Un  tel  carac- 
tère est  ennemi  des  agitations.  Je  dirai  plus  :  quand  ils  auraient  le 
génie  inquiet  et  remuant,  les  opérations  commerciales  auxquelles 
ils  sont  entièrement  livrés  leur  feraient  un  indispensable  besoin  de 
calme  et  de  repos... 

«  L'opinion  se  rattache  au  gouvernement.  » 

Compte  moral  pour  le  2^  trimestre  de  Van  XL 

«  L'esprit  public  est  bon  :  on  s'attache  de  plus  en  plus  au  gouver- 
nement... » 

Compte  moral  pour  le  3^  trimestre  de  l'an  XL 

Esprit  public.  —  «  Le  gouvernement  est  aimé  ;  on  lui  tient  grand 
compte  des  sacrifices  qu'il  a  voulu  faire  pour  éviter  une  rupture 
avec  les  Anglais.  Tant  d'avances  insolemment  méprisées  devaient 
réveiller  l'orgueil  national.  Ici  plus  particulièrement  qu'ailleurs  on 
s'est  facilement  résigné  à  la  dure  nécessité  de  combattre,  et  quand 
le  gouvernement  a  fait  entendre  qu'il  fallait  des  moyens  extraordi- 
naires, la  Gironde  ne  s'est  souvenue  de  ses  énormes  sacrifices  pour 
le  triomphe  de  la  liberté  que  pour  ne  point  manquer  à  elle-même 
quand  il  s'agit  de  conquérir  celle  des  mers.  Elle  oftVe  au  gouverne- 
ment 1.000.000  francs  pour  la  construction  de  chaloupes  canon- 
nières et  d'un  vaisseau  de  premier  rang.  » 

Compte  moral  pour  le  ¥  trimestre  de  lan  XL 

Esprit  public.  —  «  Il  est  généralement  bon,  malgré  la  détresse  où 
la  guerre  maritime  réduit  les  habitants  de  la  Gironde.  La  haine 
publique  s'accroît  tous  les  jours  contre  le  peuple  violateur  des 
traités.  Elle  vit  dans  tous  les  cœurs.  Quelque  dillicile  que  paraisse 
l'expédition  projetée  par  le  premier  consul,  on  l'a  vu  exécuter  des 
plans  si  difficiles,  si  glorieux,  qu'on  ne  doute  plus  de  celui  qui  doit 
les  couronner  tous.  » 

Compte  moral  pour  le  t"  trimestre  de  Van  XIL 

Esprit  public.  «  —  Le  gouvernement  est  respecte  ;  ses  volontés  ne 
trouvent  plus  d'entrave.  On  applaudit  aux  clVorts  qu'il  fait  pour 
triompher  du  perfide  ennemi  de  notre  commerce  et  de  la  liberté  des 
merS.  Le  résultat  de  ce  grand  mouvement  est  attendu  avec  une 
impatience   mêlée   d'inquiétude.    Si  le  sort  favorise    l'expédition  à 


68  LA  DÉCOUVERTE 

laquelle  le  génie  préside,  il  sera  impossible  d'ajouter  à  l'enthousiasme 
qu'inspirera  le  premier  consul.  » 

Compte  moral  pour  le  2^  trimestre  de  Van  XII. 

Esprit  public.  —  «  Tous  les  vœux  sont  pour  le  gouvernement 
actuel,  soit  à  cause  du  bien  qu'il  a  fait  et  de  celui  qu'on  en  attend, 
soit  pour  éviter  les  crises  révolutionnaires  inséparables  d'un  nou- 
veau changement.  Cet  esprit  se  manifeste  dans  toutes  les  occasions... 
Toutes  les  allusions  auxquelles  donne  lieu  la  représentation  des 
pièces  dramatiques  sont  saisies  avec  avidité,  surtout  quand  elles  ont 
trait  à  notre  situation  par  rapport  aux  Anglais.  La  punition  de  ce 
peuple  tyrannique  et  perfide  est  attendue  avec  impatience.  Il  n'est 
point  de  ville  qui  vît  perdre  aux  Anglais  avec  plus  de  satisfaction  le 
trident  des  mers... 

((  L'arrestation  de  Moreau,  couvert  de  gloire,  ne  fut  pas  générale- 
ment applaudie.  On  aimait  à  douter.  Mais  celle  de  Pichegru  fut  un 
trait  de  lumière  qui  frappa  tous  les  yeux.  Leurs  complices  successi- 
vement arraches  des  divers  asiles  où  ils  se  tenaient  cachés,  l'inter- 
ception de  la  correspondance  de  l'ambassadeur  anglais  à  Munich, 
le  développement  successif  des  plans  de  conspiration,  ont  changé 
en  mépris  l'estime  que  s'était  acquise  l'un  de  nos  plus  grands  géné- 
raux. » 

Compte  de  situation  pour  le  3^  trimestre  de  Fan  Xll. 

Esprit  public.  —  ...  «  Quant  aux  opinions  sur  la  forme  actuelle  de 
gouvernement,  il  est  difficile  d'en  faire  un  tableau  bien  exact.  Les 
habitants  de  Bordeaux  applaudissent  du  plus  profond  de  leur  cœur 
aux  améliorations  qui  viennent  de  s'opérer.  Elles  exciteraient  leur 
enthousiasme  si  la  paix  rendait  au  commerce  son  ancienne  acti- 
vité. » 

Compte  de  situation  pour  le  P^  trimestre  de  Van  XIII. 

Esprit  public.  -  «Toute  l'attention  publique  s'est  portée  pendant 
ce  trimestre  au  couronnement  de  l'empereur  et  au  voyage  de  Sa 
Sainteté  en  France.  L'esprit  qui  anime  la  généralité  des  citoyens  est 
bon.  On  ne  craint  plus  le  retour  des  désordres  qui  ont  accompagné 
la  Révolution.  L'hérédité  de  l'empire  mettra  la  nation  à  l'abri  de  ces 
crises  terribles  dont  le  souvenir  cause  tant  d'amertume.    » 

Compte  de  situation  pour  le  2*^  trimestre  de  Van  XIII. 

Esprit  public.  —  «  La  plus  profonde  tranquillité  régne  sur  toute 
retendue  du  terrain.  Il  ne  reste  pas  le  moindre  germe  de  rébellion  à 
Sainte-Foy  qui  fut,  en  l'an  VII,  un  théâtre  d'horreurs,  ni  à  Lesparre 
où  s'était  formé,  en  l'an  IX,  un  plan  de  conspiration  royale... 

...  «  C'est  à  tort  qu'on  a  accusé  la  jeunesse  bordelaise  d'avoir  fait 
des  allusions  malignes  dans  les  spectacles .  » 


DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  L'AN  VIII  69 

Compte  de  situation  pour  le  3^  trimestre  de  Fan  XIII. 

Esprit  public.  —  «  On  se  réunit,  on  se  presse  autour  du  chef 
suprême  de  Tempire.  Toutes  les  espérances  reposent  sur  son  génie, 
qui  paraît  maîtriser  les  événements.  Ses  succès  inespérés  ont  détruit 
le  préjugé  assez  généralement  répandu  que  nous  n'aurions  jamais  la 
paix,  et  déjà  le  négociant,  humilié  du  repos  sous  lequel  il  languit, 
brille  d'envoyer  ses  vaisseaux  sur  les  mers.   » 

Compte  de  situation  pour  le  4*=  trimestre  de  l'an  XIII. 

((  L'esprit  public,  pendant  le  trimestre  qui  a  terminé  Tan  XIII,  a 
été  dans  un  état  peu  satisfaisant,  sans  qu'on  soit  en  droit  d  en.témoi- 
gner  de  la  surprise.  On  voyait  évanouir  le  grand  projet  d'une 
descente  chez  la  plus  implacable  ennemie  de  la  Gironde  ^  Une  nou- 
velle coalition,  prête  à  embraser  le  continent,  éloignait  jusqu'à 
l'espérance  de  la  paix,  cette  paix  après  laquelle  soupire  l'industrie 
enchaînée. 

«  Mais  l'espoir  s'est  ravivé  depuis  qu'on  a  vu  cette  odieuse  coalition 
dissoute  presque  aussitôt  qu'organisée.  Je  ne  pourrais  peindre  avec 
quelle  impatience  on  attend  le  héros  pour  le  voir  bientôt  s'élancer  de 
Boulogne  sur  l'île  d'où  sortent  tant  de  calamités  publiques  et  parti- 
culières. » 

1 .  Surtout  après  Trafalgar. 


CONCLUSION 


L'INSTITUT  APRES  LE  COMPLOT  DE  1800 

*  JUSQU'A  L'ENTRÉE  DES  ANGLAIS 

ET  DU  DUC  D'ANGOULÊME  A  BORDEAUX  (12  Mars  1814) 


A.  -~  l'institut  et  le  complot  de  1804. 

Dans  ce  temps  d'apparente  tranquillité,  une  nouvelle  conspiration  philan- 
thropique s'organisait  à  Bordeaux.  M.  Daudet  l'a  racontée  dans  la  Police  et 
les  Chouans  :  V Agence  anglaise  de  Bordeaux,  p.  141  à  163. 

En  août  1804,  la  police  de  Fouché  recevait  une  lettre  du  préfet  de  Nantes 
annonçant  la  réapparition,  dans  le  Bocage,  de  chouans  regardés  comme 
redoutables  :  Forestier,  Géris,  Bertrand  Saint-Hubert,  et  la  découverte 
d'un  dépôt  de  plomb  chez  le  curé  de  la  Guyonnière,  l'abbé  Jacqueneau.  Les 
préfets  de  la  Gironde  et  des  Deux-Sèvres  dénonçaient  les  fréquents  voyages 
de  Louis  de  la  Rochejaquelein.  Les  déclarations  de  quelques  prévenus  arrêtés 
à  la  suite  de  ces  rapports,  celle  du  médecin  Gogué  (arrêté  à  Bordeaux  avec 
Bertrand  Saint-Hubert),  celle  du  trésorier  du  complot,  Daniaud-Duperrat, 
révélèrent  les  voyages  à  Bordeaux  de  Forestier  et  de  Géris  et  l'existence  d'une 
agence  royaliste,  dans  cette  ville,  agence  dont  trois  membres  de  l'Institut, 
PapinS  Acquart-Vreilhac,   Roger  2,    recevaient  des    fonds    de    l'Angleterre 

1.  Papin,  à  la  nouvelle  de  la  découverte  du  complot  de  1800,  s'était  enfui  à 
Paris,  où  grâce  à  l'appui  de  ses  amis,  Lannes,  Augereau,  Moncey  (chez  lequel  il 
logeait),  il  obtint  de  ne  point  passer  en  jugement.  Il  fit  même  des  promesses  de 
dévouement  au  premier  consul. 

Revenu  à  Bordeaux,  il  recommença  ses  intrigues  et  ce  fut  lui  qui  servit  d'inter- 
médiaire entre  Forestier  et  Géris,  en  1804,  et  les  membres  de  l'Institut  de  Bordeaux 
qu'on  voulut  instruire  du  nouveau  complot.  Il  fit  loger  Géris  et  Forestier  chez 
Acquart-Vreilhac.  Voir  l'Introduction,  p.  xix,  xxn,  xxvn. 

2.  Jean  Baptiste  Augustin  Roger  (né  en  1770),  fils  aîné  du  fondateur  de  la  maison 
Marie  Brizard  et  Roger  [fondée  vers  1764  par  Marie  Brizard  et  le  gendre  de  son 
frère  Martial  Brizard,  Jean  Baptiste  Roger].  Roger,  membre  de  V  Institut  avant  1800, 
comme  Acquart  (Cf.  Mémoire  historique  p.  17,  Rollac,  p.  212  et  M'ue  de  La  Ro- 
chejaquelein, p.  231),  fut  arrêté,  le  3^  jour  complém.  an  XII,  parvint,  grâce  aux 
démarches  de  sa  mère,  à  obtenir  un  acquittement,  bien  qu'il  eût  reçu  d'importantes 
sommes  de  Géris.  (Gf.  d'Hauterive,  n^^  293,  338,  363,  387,  433,  461,  515,  520.)  Il 
vécut  en  surveillance  à  Bayonne  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire.  La  maison  Marie 
Brizard  et  Roger  fut  continuée  par  ses  frères  Augustin  et  Théodore.  [Communiqué 
par  M.  Harlé.l 


CONCLUSION  71 

par  un  banquier  de  Madrid,  Diego  Carrera,  qui  faisait  des  traites  sur 
Bethman  de  Bordeaux  et  Batbédat  de  Bayonne.  Acquard-Vreilhac  avait  logé 
chez  lui  Forestier  et  Céris  ;  il  avait  pour  complices  des  membres  de  l'ancien 
Institut  qui  voulaient  faire  insurger  les  départements  du  Sud-Ouest,  sous  le 
commandement  de  Papin  et  du  duc  de  Lorges,  comme  en  1800. 

Par  jugement  du  14  décembre  1805,  à  Nantes,  Céris,  Forestier,  Papin, 
Gogué  furent  condamnés  à  mort,  Acquart-Vreilhac  à  la  détention  ;  Roger  fut 
acquitté.  Gogué  fut  seul  exécuté,  les  autres  s'étant  enfuis. 

66.  —  Paris,  l^""  jour  complémentaire  an  XII.  Rapport  de  la 
division  de  sûreté  générale  au  ministre  de  la  police.  [Dans  la 
marge  :  Vendée,  Bordeaux,  révolte  d'Espagne,  conspiration 
des  Plombs.] 

«  En  recherchant  avec  attention  les  agents  supérieurs  de  la  trame 
dont  on  a  saisi  à  Nantes  les  agents  subalternes,  on  ne  doit  pas  perdre 
de  vue  une  indication  d'un  des  complices  et  qui  est  fondamentale, 
savoir  que  le  foyer  de  cette  trame  est  à  Bordeaux  et  communique 
avec  l'Angleterre  par  le  Portugal,  en  traversant  l'Espagne.  La 
division  de  sûreté  générale  a  indiqué  avec  quelque  certitude  les 
membres  de  Fagence  de  Bordeaux  dans  la  famille  Donnissan, 
La  Rochejaquelein  et  sa  femme,  fille  de  M'"^  Donnissan,  veuve  du 
fameux  Lescure.  On  a  rappelé  Vaiicien  Institut  royal  de  l'an  VIII  et* 
surtout  les  vues  que  le  duc  de  Lorges  à  Londres  a  toujours  eues  sur 
cette  province,  que  ses  deux  fils  parcoururent  en  l'an  V,  déguisés 
en  marchands,  conduisant  leur  marchandise    sur  des  mulets... 

«  Un  vaste  plan  est  organisé  contre  le  Midi.  On  veut  lier  cette 
combinaison  à  la  Vendée  par  Bordeaux  et  la  côte  de  la  Rochelle. 
Les  expéditions  qui  se  préparent  dans  les  ports  de  l'Angleterre  n'ont 
peut-être  pas  d'autre  destination.  La  trame  ourdie  récemment  contre 
Nantes  et  la  Vendée  est  le  produit  de  cette  intrigue,  qui  a  son  foyer,  sa 
caisse  et  ses  moyens  principaux  à  Bordeaux  * .  » 

(Arch.  départ,  de  la  Gironde,  série  M,  police  générale, 
affaires  politiques,  1804-8.) 

67.  —  Paris,  20  pluviôse  an  XIII.  Le  conseiller  d'Etat  chargé  du 
>'  arrondissement  de  la  police  générale  au  préfet  de  la  Gironde^ 
à  lui  seul. 

«  Vous  savez  qu'il  a  existé,  en  l'an  V,  dans  le  Midi,  une  association 

1.  Les  deux  pircos  ((UJ  et  67)  sont  empruntées  au  dossier  du  chimiste  Cnzulet, 
auquel  nous  avons  emprunte  déjà  une  note  relative  nu  duc  de  Berry.  Cnxalet 
fut  accusé  de  complicité  avec  Forestier  et  Céris,  et  arrêté  en  vendémiaire  XIII.  Ce 
dossier  est  aux  Archives  départementales  de  la  Gironde,  série  M.  Il  est  intitulé  : 
«  Police  générale,  nflaires  politiques,  an  IX,  1804-1808  »,  non  numéroté,  comme 
toutes  les  liasses  de  la  série  M. 


72  CONCLUSION 

royaliste  connue  sous  le  nom  dlnstitut  philanthropique  ou  d'Institut 
des  Amis  de  l'ordre.  Le  nommé  Dupont,  dit  Constant,  était,  sous  le 
titre  de  commissaire  général  nommé  par  Louis  XVIIL  le  chef  de 
cette  association.  Les  députés  des  difiérents  comités  ne  pouvaient 
arriver  à  lui  que  par  l'intermédiaire  d'un  ex-apothicaire  de  la  Char- 
treuse, auquel  ils  étaient  directement  adressés. .  . 

((  Cette  association  fut  désorganisée  par  l'arrestation  qui  eut  lieu  en 
messidor  an  VIII  de  plusieurs  de  ses  membres.  Dupont,  Causse,  un 
de  ses  principaux  agents,  Dumas,  Lavalette,  Papin  et  autres  furent 
de  ce  nombre.  Les  papiers  constatant  l'existence  de  Tagence  et  l'or- 
ganisation royale  qu'elle  préparait  furent  trouvés  chez  Causse.  Ces 
individus  furent  cependant  mis  en  liberté,  en  l'an  X,  sous  caution... 

«  Les  partisans  de  Louis  XVIII  renouvelèrent  bientôt  leur  trame, 
mais  ils  donnèrent  leur  confiance  à  d'autres  individus.  Dès  l'an  IX, 
Forestier  parcourut  les  départements  de  l'Ouest  pour  y  rétablir  les 
relations  que  l'arrestation  des  principaux  membres  de  l'Institut  avait 
interrompues.  Il  s'associa  Céris,qui  s'était  distingué  dans  les  guerres 
de  Vendée,  et  le  nommé  Papin,  ancien  militaire,  officier  municipal 
de  Bordeaux,  désigné  par  les  états  de  l'Institut  comme  commandant 
de  cette  ville.  Papin  s'adjoignit,  à  ce  qu'il  paraît,  Acquart-Vreilhac, 
négociant,  qui  n'avait  figuré  jusque-là  dans  aucune  des  précédentes 
associations  ^  à  moins  qu'il  ne  fût  le  marchand  de  sucre  de  la  place 
Saint-Pierre  chez  lequel  l'Institut  tenait  ses  séances. 

«Onn'avufigurer  dans  la  nouvelle  association  aucun  des  membres 
de  l'ancienpe  2,  si  ce  n'est  Papin  qui  était  accusé  par  la  première  de 
lui  avoir  soustrait  une  somme  d'à  peu  près  80.000  francs  et  qui  avait 
perdu  entièrement  sa  confiance.  » 

{Ibidem.) 

68.  —  Requête  adressée  par  Papin  au  roi  Louis  XVIIL 

(En  marge  :  demande  de  grade  de 
lieutenant-général  en  activité.  Le 
29  mai  1817,  écrit  à  M.  le  maré- 
chal de  camp  Papin.) 

«  Depuis  plus  de  douze  ans  que  je  fus  condamné  à  la  mort  pour 
m'étre  attaché  à  la  cause  sacrée  de  Votre  Majesté,  j'ai  parcouru  les 
mers  du  nouveau  monde,  j'ai  erré  dans  les  contrées  les  plus  loin- 
taines, sans  presque  trouver  un  abri  contre  le  tyran  qui  me  pour- 
suivait. Trois  naufrages  m'ont  enlevé  successivement  toutes  mes 
ressources  et  privent  ma  famille  des  résultats  de  mes  longs  et  dou- 
loureux travaux. 

1.  Inexact.  Voir  Acquart.  Mémoire  historique,  p.  17  et  M™^  de  la  Rochejaquelein, 
p.  231.  Un  des  principaux  membres  de   l'Institut  au  contraire. 

2.  Inexact    Au  moins  Acquart  et  Roger  et  sans  doute  plusieurs  autres. 


CONCLUSION  73 

«  Mais,  Sire,  pourrais-je  me  plaindre  aujourd'hui  que  la  Providence, 
qui  vous  a  replacé  sur  le  trône  de  vos  pères,  me  ramène  dans  le  sein 
de  ma  famille  pour  y  vivre  sous  la  protection  de  V.  M.  et  me  conisa- 
crer  plus  particulièrement  encore  à  son  service  ? 

«  Je  ne  craindrai  pas  de  l'avouer  à  V.  M.,  Sire,  c'est  la  Révolution 
qui  m'a  fait  entrer  dans  la  carrière  militaire.  Elle  avait  exalté  ma  tête. 
Aussi,  lors  des  premières  levées  de  troupes  en  1792,  je  fus  fait,  par 
le  choix  unanime  de  mes  concitoyens  (malgré  que  je  me  refusasse  à 
cet  honneur)  lieutenant-colonel  commandant  un  bataillon  et  confirmé 
par  le  ministre  de  la  guerre.  Tel  était  l'enthousiasme  alors  qu'au  bout 
de  quatre  mois  de  garnison  mon  bataillon  manœuvrait  comme  de 
vieilles  troupes. 

«  Envoyé  dans  le  comté  de  Foix,  j'apaisai  les  troubles  religieux 
qu'on  y  avait  suscités,  sans  avoir  à  regretter  une  goutte  de  sang. 

«  La  guerre  avec  l'Espagne  me  plaça  bientôt  sur  un  plus  grand 
théâtre.  Je  fus  chargé  parle  général  Dagobert  de  diriger  plusieurs 
colonnes  dans  la  Cerdagne  et  le  val  d'Aran  Le  général  en  chef 
Muller  m'offrit  le  commandement  du  régiment  de  Cambraisis,  celui 
d'une  colonne  de  grenadiers;  je  refusai.  Nommé  agent  militaire,  j'or- 
ganisai les  chasseurs  basques  et  divers  autres  dépôts  de  troupes. 

«  Le  ministre  de  la  guerre  me  dirigea  à  l'armée  des  Pyrénées-Orien- 
tales ;  le  général  Augereau,  m'ayant  distingué  dans  diverses  occa- 
sions, me  nomma  commandant  de  son  avant-garde,  quoique  je  ne 
fusse  que  lieutenant-colonel.  Bientôt  après,  je  fus  promu  au  grade 
d'adjudant-général,  chef  de  brigade.  Enfin,  lors  de  l'attaque  de 
Figuières,  je  pénétrai  sous  les  retranchements  à  la  tête  de  6.000  chas- 
seurs, et  le  brevet  de  général  de  brigade  me  fut  envoyé. 

«  Toujours  ennuyé  deservircontremongré,  je  récidivai  la  demande 
de  ma  démission  ;  elle  me  fut  encore  refusée.  Alors  je  prétextai  de 
ma  santé  qui  ne  me  permettait  pas  de  continuer  le  service,  et,  à 
force  d'argent,  j'obtins  enfin  mon  congé  de  réforme. 

«  Quelle  fut  ma  surprise  en  entrant  à  Bordeaux  !  Le  deuil  était  uni- 
versel par  suite  du  sang  qui  avait  été  versé.  Mon  indignation  contre 
le  gouvernement  atroce  et  sanguinaire  fut  portée  à  son  comble.  Mon 
cœur  était  trop  droit,  j'ose  dire,  trop  pur  pour  n'être  pas  révolté  à 
jamais  d'une  pareille  Révolution.  Je  résolus  donc  de  m'ensevelir  dans 
le  sein  de  ma  famille  et  de  mes  amis. 

«  Cependant  il  fallut  céder  aux  vœux  de  mes  concitoyens.  Je  fus 
nommé  général  commandant  la  garde  générale  bordelaise  ;  j'occupai 
successivement  différentes  places  administratives  ;  je  n'ai  eu  alors 
d'autre  idée  que  de  servir  mes  citoyens,  et  mes  concitoyens  peuvent 
me  rendre  le  témoignage  que  j'ai  souvent  empêché  le  sang  de  couler 
dans  cette  ville. 

«  C'est  à  cette  époque,  Sire,  que  je  me  liai  avec  les  royalistes  de  la 


74  CONCLUSION 

Vendée  et  de  Bordeaux.  Ils  méjugèrent  digne  d'être  associé  à  leurs 
travaux.  Et  telle  fut  la  confiance  que  je  leur  inspirai  que  je  fus  désigné 
à  l'agence  d'Augsbourg  et  nommé  général  commandant  en  chef  la 
province  de  Guyenne,  dans  le  temps  où  V.  M.  en  avait  nommé  gouver- 
neur M.  le  duc  de  Lorges,  homme  universellement  estimé  parce  qu'on 
l'a  toujours  vu  dans  le  sentier  de  l'honneur  et  jamais  dans  celui  de 
l'intrigue.  Conformément  aux  instructions  que  me  communiqua  votre 
fidèle  commissaire,  M.  Dupont-Constant,  je  travaillai  à  remplir  les 
vues  de  V.  M.  avec  un  zèle  qui  devait  suppléer  au  talent.  J'organisai 
dans  les  formes  un  corps  d'armée  composé  d'hommes  fidèles  ;  cette 
organisation,  Sire,  était  perfectionnée  au  point  queles  revues  d'infan- 
terie, cavalerie,  artillerie,  se  passaient  régulièrement  et  nuitamment 
par  trimestre,  et  que  ces  corps,  malgré  tant  de  circonstances  décou- 
rageantes, se  sont  toujours  considérés  comme   organisés. 

<(  C'estalors,  Sire,  que  lepeuple  bordelais  s'est  attaché  à  votre  cause. 
C'est  avec  les  braves  qui  composaient  cette  organisation  que  j'ai  eu 
le  bonheur  de  délivrer  plusieurs  émigrés,  soit  en  les  enlevant  des 
prisons,  des  hôpitaux,  soit  en  attaquant  militairement  sur  les  grandes 
routes  les  escortes  de  gendarmerie  qui  les  accompagnaient.  Au 
moindre  ordre,  ces  braves  royalistes  se  trouvaient  au  poste  désigné 
comme  des  troupes  de  ligne. 

«  Quelque  longs  qu'aient  été  les  malheurs  du  parti  royal,  quelques 
trahisons  qui  aient  eu  lieu,  jamais  on  n'a  pu  le  dissoudre  *,  et  qu'il  me 
soit  permis  de  m'en  glorifier.  Sire,  c'est  à  sa  tête  que  le  brave  mar- 
quis de  la  Rochejaquelein  a  préparé  et  fait  le  12  mars  1814,  journée 
dont  s'honoreront  à  jamais  les  Bordelais  et  qui  a  eu  une  si  grande 
influence  sur  les  destinées  de  la  France.  Hélas  !  je  n'ai  qu'un  regret, 
c'est  de  n'avoir  pu  en  partager  les  dangers  ;  mais  j'étais  enchaîné 
dans  le  nouveau  monde  par  des  opérations  commerciales  que  je  ne 
pouvais  abandonner  sans  blesser  ma  délicatesse. 

«  Il  était  impossible,  Sire,  d'agir  aussi  activement  que  je  le  faisais 
et  d'échapper  à  la  police.  En  1799,  on  lança  contre  moi  un  mandat 
d'arrêt;  mais  comme  on  ne  trouva  chez  moi  ni  papier  ni  preuve,  mes 
amis  obtinrentma  liberté;  je  ne  restai  pas  moins  sous  la  surveillance 
de  la  police  pendant  deux  années.  En  1800,  je  reçus  du  général  comte 
deWillot,commandanten  chef  les  provinces  du  Midi,  le  brevet  de  ma- 
réchal de  camp  dontje  joins  ici  copie,  ainsi  que  celle  de  l'ordonnance 
en  vertu  de  laquelle  il  agissait.  Peu  après,  les  espérances  des  royalistes 
furent  trompées.  Cependant  notre  zèle  fut  le  même  ;  aussi  un  second 
arrêt  fut  lancé  contre  moi  par  suite  de  l'affaire  des  généraux  Pichegru 
et  Moreau:  quoique  sans  preuve,  je  fus  condamné  à  mort  par  une 
commission    militaire  ;  je  me    vis   donc  forcé  d'abandonner  mon 

1.  Le  corps  d'armée. 


CONCLUSION  75 

poste,  mon  pays,  mes  affaires,  mon  épouse  et  mes   quatre   enfants. 

«  Mais,  Sire,  dans  cette  situation  j'ai  senti  toute  la  dignité  de  mes 
infortunes,  et  si  jamais  j'ai  éprouvé  des  regrets,  ce  n'est  point  sur 
ce  qui  m'a  attiré  tant  de  maux,  car  je  sens  que  j'ai  fait  mon  devoir. 

«  Une  suite  inconcevable  de  malheurs  m'a  empêché  d'arriver  en 
France  en  1814.  Dans  ce  dernier  moment  encore,  je  revenais  sur  un 
bâtiment  à  moi,  lorsqu'à  onze  heures  de  la  nuit,  à  deux  lieues  de 
l'île  Ohénéague,  entraîné  par  les  courants  et  la  tempête  sur  les  récifs 
qui  avoisinent  cette  île,  jeTai  vu  se  briser,  ma  cargaison  s'engloutir. 
Moi-même,  après  avoir  lutté  entre  la  vie  et  la  mort,  j'ai  été  assez 
grièvement  blessé  pour  craindre  de  perdre  la  main.  Aujourd'hui 
qu'elle  est  rétablie,  je  viens  de  nouveau  l'offrir  à  votre  Majesté. 
L'honneur  de  vous  servir  est  de  toutes  les  récompenses  celle  que 
j'ambitionne  le  plus. 

((  Qu'il  me  soit  permis.  Sire,  de  rappeler  à  Votre  Majesté  que, 
depuis  seize  ans,  je  suis  nommé,  en  vertu  de  vos  ordres,  maré- 
chal de  camp,  que  j'ai  été  condamné  à  mort  pour  la  cause  de  V.  M. 
Et,  si  elle  me  juge  digne  d'une  récompense,  je  la  supplie  de  m'ac- 
corder  le  grade  de  lieutenant-général  en  activité  de  service. 

«  Je  suis  avec  un  très  profond  respect,  etc. 

(*  Le  maréchal  de  camp , 
Papin. 
(Archives  administratives  de  la  guerre,  dossier  Papin.) 


69.  —  Etat  des  services  fourni  par  Papin  [sans  doute  à  la  suite 
de  la  requête  ci-dessus]. 

<(  Papin  E.  J.,  né  à  Bordeaux  le  27  février  1771.  Lors  de  la  forma- 
tion de  la  garde  nationale  à  Bordeaux,  il  fut  employé  comme  sous- 
officier  en  1789;  fit  partie  de  la  division  commandée  par  le  général 
Courpon,  qui  fut  dirigée  en  1790  sur  Montauban,  lors  des  troubles 
de  cette  ville.  Nommé  lieutenant-colonel,  commandant  le  8*  bataillon 
de  la  Gironde,  envoyé  à  l'armée  des  Pyrénées,  le  15  octobre  1791, 
fut  adjudant-général  chef  de  bataillon,  le  28  novembre  1794  ;  promu 
au  grade  de  général  sur  le  champ  de  bataille  de  Figuières,  grade  qu'il 
a  refusé  ;  il  continua  de  servir  en  sous-grade  jusqu'au  30  mars  1795. 

«  De  retour  dans  ses  foyers,  il  fut  nommé  général  commandant  la 
garde  nationale  bordelaise.  Passé  au  service  du  roi  dans  l'armée  royale 
de  Guyenne,  le  27  août  1796  ;  breveté  maréchal  de  camp  en  vertu  des 
lettres  patentes  du  roi  adressées  au  général  Willol,  10  mars  1800.  En 
cette  qualité,  commandant  en  chef  l'armée  royale  en  Guyenne. 

«  Condamné  à  mort  par  une  commission  militaire  formée  par  ordre 


76  CONCLUSION 

de  l'usurpateur,  comme  étant  au  service  du  roi,   obligé  de  se  sous- 
traire aux  poursuites,  il  se  réfugia  en  Amérique. 

«  Le  général  Papin,  quoique  éloigné  de  sa  patrie,  n'a  pas  cessé  de 
s'occuper  de  l'armée  dont  le  commandement  lui  avait  été  donné  par 
le  roi  et  d'entretenir  une  correspondance  aussi  active  que  les  cir- 
constances le  permettaient  avec  MM.  le  comte  de  Lorges,  alors  gou- 
verneur général  pour  le  roi  de  la  Guyenne,  le  général  Willot, 
commandant  en  chef  les  armées  royales,  et  avec  le  chef  d'état-major 
de  l'armée  de  Guyenne»  Labarthe,  qui  l'informait  plus  particulière- 
ment de  tout  ce  qui  concernait  cette  armée,  recevait  ses  ordres  et  les 
faisait  passer,  ce  qui  a  duré  jusqu'à  l'entrée  du  roi  en  France  en 
1814. 

((  Le  maréchal  de  camp  Papin  a  été  confirmé  dans  son  grade  par 
ordonnance  de  Sa  Majesté  en  date  du  1^*"  février  1817;  son  jugement 
a  été  cassé  le  29  avril,  même  année. 

«  Campagnes.  —  A  fait  les  campagnes  de  1792, 1798, 1794, 1795,  aux 
armées  des  Pyrénées-Orientales  et  Occidentales,  sous  les  ordres 
des  généraux  en  chef  Servan,  Dagobert,  Muller,  Dugommier  et 
Pérignon.  » 

Actions  et  blessures  [longue  énumération  ;  la  fin  seule  nous  inté- 
resse]. ((  Le  général  Papin  organisa  dans  les  formes  un  corps  d'armée, 
malgré  la  stricte  surveillance  de  la  police  et  les  dangers  qu'il  courait. 
L'organisation  était  perfectionnée  au  point  que  les  revues  d'infan- 
terie, de  cavalerie  et  d'artillerie  se  passaient  régulièrement  par 
trimestre. 

«Il  l'employa  avec  succès  à  faire  enlever  sur  les  grandes  routes  des 
émigrés  escortés  par  la  gendarmerie  et,  par  des  manœuvres  hardies, 
il  en  fit  arracher  des  prisons  et  des  hôpitaux  militaires. 

«  C'est  à  la  tête  de  cette  organisation,  au  moment  où  il  n'attendait 
que  de  nouveaux  ordres  pour  agir,  que,  trahi  et  dénoncé,  le  général 
Papin  fut  condamné  à  mort  par  une  commission  militaire  et,  pour 
éviter  l'exécution  de  ce  jugement,  il  s'expatria.  » 

(Archives  administratives  de  la  guerre,  dossier  Papin.) 


70.  —  Rapport  fait  au  ministre,  le  7  août  1817. 

(En  marge  :  3^  division.  Bureau  de 
la  justice  militaire.) 

<(  Monseigneur  a  ordonné  que  le  bureau  de  la  justice  militaire  lui 
présentât  un  aperçu  des  incohérences  qui  se  rencontrent  dans  la 
déclaration  de  M.  le  maréchal  de  camp  Papin,  comparée  avec  la  con- 
duite qu'il  a  tenue. 

«  On  a  l'honneur  de  faire  remarquer  que,  si    l'on  se  borne  à  com- 


CONCLUSION  77 

parer  son  dire  avec  ce  qu'on  connaît  de  ses  actions,  le  Bureau  ne 
pourra  s'exprimer  qu'avec  beaucoup  de  réserve.  En  effet,  on  voit  le 
maréchal  de  camp  Papin  quitter  l'armée  des  Pyrénées  et  aban- 
donner le  service  de  la  République  au  moment  où,  parvenu  au  grade 
dégénérai  de  brigade,  la  carrière  militaire  semblait  ne  devoir  lui 
présenter  désormais  que  de  belles  espérances  sous  le  rapport  des 
honneurs  et  sous  celui  de  la  fortune.  Et  tout  semble  se  réunir  pour 
faire  croire  qu'il  a  fait  ce  sacrifice  à  son  opinion  pour  la  monarchie  et 
et  pour  la  monarchie  légitime. 

<(  A  peine  rentré  dans  ses  foyers  à  Bordeaux,  il  se  lie  d'intention 
d'action  avec  les  amis  du  roi.  Ceux-ci  ont  une  telle  confiance  en 
M.  Papin  qu'ils  concourent  de  tous  leurs  moyens  pour  le  faire  nom- 
mer commandant  de  la  garde  nationale.  Cet  emploi  étant  compatible 
avec  des  occupations  civiles,  M.  Papin  se  livre  à  des  opérations 
commerciales,  et  c'est  encore  pour  lui  un  moyen  de  servir  la  cause 
du  roi.  Il  accueille  à  Bordeaux  des  agents  de  Sa  Majesté  et  de  Son 
Altesse  Royale,  Monsieur,  lieutenant-général  du  royaume.  Il  obtient 
leur  confiance,  les  loge  chez  des  amis  pour  les  soustraire  aux  inquiètes 
recherches  du  pouvoir  usurpateur,  se  charge  de  diverses  négocia- 
tions d'effets  qui  peuvent,  malgré  sa  prudence,  le  compromettre  au 
premier  chef,  éprouve  des  revers. 

«  Une  partie  des  fonds  qui  lui  sont  confiés  sont  saisis  entre 
les  mains  d'un  courtier.  Ne  pouvant  plus  tenir  compte  du  dépôt, 
il  offre  des  vins  en  paiement  et  part  pour  Paris  presser  des  rentrées 
de  fonds  qui  lui  sont  dus.  Il  loge  chez  M.  le  maréchal  Moncey  qu'il  a 
connu  à  l'armée  des  Pyrénées.  Cet  asile  semble  le  mettre  à  l'abri  de 
tout  soupçon.  Cependant  il  est  mandé  à  la  police  générale  ;  on  lui  fait 
subir  plusieurs  interrogatoires  ;  il  nie  tout,  ne  compromet  ni  la  cause 
ni  les  individus  et  parvient,  pour  cette  fois,  non  seulement  à  rassurer 
l'autorité  sur  son  compte,  mais  même  à  inspirer  quelque  confiance 
au  ministre  de  la  police  générale.  Mais  de  nouveaux  renseignements 
viennent  éclairer  le  gouvernement.  M.  Papin  ne  peut  plus  abuser  les 
dépositaires  de  l'autorité.  Il  est  impliqué  dans  une  conspiration 
connue  sous  le  nom  d'agence  anglaise  ;  poursuivi  devant  une  com- 
mission militaire  à  Nantes,  il  est,  ainsi  que  ses  principaux  complices, 
condanmé  à  la  peine  de  mort;  ses  biens  sont  confisqués. 

«M.  Papin  parvint  ù  s'échapper;  il  s'embarqua  pour  rAmérique 
où  il  est  resté  jusqu'à  la  Restauration  du  monarque  pour  le  service 
duquel  il  avait  exposé  ses  jours. 

<(  Tel  est  l'historique  de  la  vie  politique  de  M.  Papin.  Les  pièces 
nombreuses  de  son  dossier  et  des  témoignages  honorables  l'appuyant, 
sa  déclaration  ne  dément  point  ces  faits.  Elle  ne  pourrait  donc  lui 
être  opposée  comme  les  contredisant  ou  comme  j)rcscntant  des  inco- 
hérences ;  mais  Si  on  la  compare  aux  déclarations  faites  par-devant 


78  CONCLUSION 

M.  Viotte  par  MM.  Ducloset  de  Céris,  on  est  porté  à  croire  que  celle 
de  M.Papin  est  inexacte  et  incomplète. 

«  M.  Duclos  affirme  que  M.  Forestier  s'est  plaint  à  lui,  Duclos, 
d'avoir  été  indignement  trompé  par  M.  Papin  qui,  sur  une  somme  de 
100.000  francs  qu'il  lui  avait  confiée,  ne  lui  avait  donné  au  moment 
de  son  départ  pour  l'Espagne  que  celle  de  12.000  francs  en  or. 
Par  conséquent  M.  Papin  aurait  gardé  88.000  francs. 

«  M.  Duclos  ajoute  que,  d'après  la  narration  de  M.  Forestier, 
M.  Papin  se  serait  excusé  de  ce  qu'il  avait  été  obligé  de  se  servir 
des  fonds  de  M.  Forestier  pour  éviter  d'être  arrêté  pour  dettes. 

«  On  doit  dire  que  cette  version  paraît  plus  naturelle  que  celle  que 
M.  Papin  aurait  faite  alors  à  M.  de  Céris;  qu'on  avait  opéré  une  saisie 
entre  les  mains  du  courtier  chargé  de  négocier  les  effets  de  ces  Mes- 
sieurs. Du  reste,  s'il  y  eut  une  saisie,  elle  eut  lieu  nécessairement  en 
vertu  d'actes  réguliers  dont  M.  Papin  pourrait  retrouver  des  traces. 

«  M.  de  Céris,  compagnon  de  M.  Forestier,  déclare  avoir  connu 
M.  Papin  en  1796,  et  M.  Papin  établit  cette  connaissance  huit  ans 
plus  tard,  en  l'an  XII.  C'est  par  l'intermédiaire  de  M'"^'  Donnissan 
et  de  Saluées  que  ces  Messieurs  se  seraient  trouvés  en  contact.  La 
déclaration  de  M.  de  Céris  relate  des  faits  et  des  circonstances  qui 
semblent  lui  donner  la  priorité. 

«  MM.  de  Forestier  et  de  Céris,  porteurs  d'ordres  écrits  de  la  main 
de  S.  A.  R.,  Monsieur,  le  lieutenant-général  du  royaume,  se  rendi- 
rent à  Bordeaux,  en  1796,  pour  y  établir  un  comité  royal.  MM.  Dudon 
père  et  fils,  qui  en  firent  partie,  découvrirent  bientôt  qu'il  en  existait 
un  autre.  C'est  alors  que  M.  Papin  fut  élu  général  de  la  force  armée 
qui  devait  se  lever  dans  la  ville  et  dans  le  département.  Et  M.  de 
Céris  lui  rend  la  justice  qu'il  déploya  du  zèle  et  de  l'intelligence.  La 
connaissance  de  ces  Messieurs  daterait  donc  de  1796.  Elle  se  renou- 
velle vers  la  fin  de  1803  ou  au  commencement  de  1804.  MM.  Fores- 
tier et  de  Céris  auraient  engagé  M.  Papin  à  reprendre  ses  anciennes 
opérations  sous  leurs  ordres.  Ils  lui  auraient  remis  des  traites  à 
escomptes;  leur  valeur  se  serait  élevée  à  60  ou  80.000  francs.  M.  Papin 
aurait  tenu  compte  d'une  partie,  peut-être  même  aurait-il  réglé  avec 
M.  Forestier.  Enfin  M.  Forestier  aurait  été  obligé  de  partir  pour 
Madrid,  tandis  que  M.  Papin  serait  parti  pour  Paris.  Avant  de 
quitter  Bordeaux,  M.  Papin  aurait  écrit  à  M.  de  Céris  pour  l'assurer 
qu'il  allait  faire  les  plus  grands  efforts  pour  se  liquider  et,  en  atten- 
dant, il  consentit  un  billet  qui  se  trouve,  ainsi  que  la  lettre,  parmi  les 
papiers  de  M.  de  Céris  en  Angleterre. 

«  Il  résulte  de  l'ensemble  de  ces  détails  que  la  déclaration  de 
M.  Papin  doit  paraître  inexacte  et  incomplète. 

«  Que  celle  de  M.  Céris  en  ce  qui  concerne  laquestion  financière  de 
M.  Papin,  paraît  avoir  été  dictée  par  un  sentiment  de  générosité. 


CONCLUSION  79 

((  Celle  de  M.  Duclos  porte  toutes  les  apparences  de  la  vérité,  et  on 
ne  voit  pas  quel  pourrait  être  le  motif  de  M.  Papin  à  déguiser  sa 
véritable  situation.  Car,  s'il  y  a  eu  force  majeure  pour  21.440  francs, 
la  même  force  majeure  justifierait  un  défaut  de  60  à  80.000  francs 
comme  celui  d'une  moindre   somme. 

«  En  bas:  Faire  un  rapport  sur  tout  ce  qui  concerne  M.  Papin.  Le 
roi  décidera  s'il  veut  lui  accorder  ou  non  la  croix  de  Saint-Louis.  » 
(Archives  administratives  de  la  guerre,  dossier  Papin.) 

Les  pièces  qui  précèdent  prouvent  donc  que  Papin  a  servi  d'intermédiaire 
entre  les  envoyés  du  comte  d'Artois  et  du  duc  de  Lorges,  Forestier  et  Céris, 
et  les  membres  de  l'Institut  philanthropique  qui,  comme  Roger  et  Acquart- 
Vreilhac,  ne  renonçaient  point,  malgré  la  proclamation  de  1  Empire,  à  l'espoir 
de  rétablir  en  France  la  royauté.  Dupont-Constant  resta  à  l'écart  du  nou- 
veau complot.  C'est  pourquoi  il  voudrait  laisser  croire  que  les  «  travaux 
de  l'Institut  furent  suspendus  à  Bordeaux  comme  dans  toute  la  France  », 
après  1800  {Essai,  p.  110)  et  que  l'Institut  ne  fut  point  mêlé  au  complot  de 
1804  {Essai,  p.  134). 

En  réalité,  des  deux  influences  qui  jusqu'alors  avaient  prédominé  dans 
l'Institut,  celle  de  Dupont  et  celle  de  Papin,  la  dernière  l'emportait  décidé- 
ment après  l'arrestation  de  Dupont.  Ce  dernier  était  trop  compromis  pour 
qu'on  l'employât  de  nouveau.  En  outre,  il  était  l'agent  de  l'abbé  Lacombe  et 
de  Dandré  ;  or  Lacombe  avait  dû  se  cacher  après  1800,  car  la  police  le  cher- 
chait ;  Dandré  quittait  Augsbourg  ;  l'agence  de  Souabe  était  dissoute,  après 
l'arrestation  de  deux  de  ses  membres,  Précy  et  Imbert-Colomès,  à  Bayreuth, 
en  1801,  la  découverte  et  la  publication  de  leurs  papiers. 

Jusqu'en  1800,  l'Institut  bordelais  avait  reçu  des  ordres  d'Augsbourg  et 
de  Londres.  Désormais,  il  n'en  reçoit  plus  que  de  Londres,  par  l'intermé- 
diaire du  duc  de  Lorges  et  de  ses  amis.  Et  Papin,  en  relations  avec  le  duc  de 
Lorges,  est  considéré  à  Londres  comme  le  véritable  chef  de  l'Institut. 


B.    —    l'institut    et    l'entrée    des    anglais   et    des   BOURBONS 

à  Bordeaux  (12  mars  1814). 

Après  la  découverte  du  complot  de  1804  et  la  fuite  de  Papin  en  Amé- 
rique, pendant  la  durée  de  l'Empire  jusqu'en  1813,  les  anciens  membres  de 
l'Institut  n'osent  se  réunir  en  secret,  en  petit  nombre  et  rarement,  que  chez 
les  moins  suspects  d'entre  eux,  Queyriaux  par  exemple,  ou  Estebenet. 
Hoger  est  à  Bayonne,  où  il  fonde  avec  Hollac  un  commerce  de  liqueurs  (qui 
le  ruine)  ;  Acquart-Vreilhac  est  en  fuite  ;  les  Donnissan  se  terrent  à  Citran, 
surveillés  de  près  par  la  police,  qui  essaie  même  de  faire  arrêter,  sans  succès 
d'ailleurs,  Louis  de  la  Rochcjaquelein. 

Mais,  lorsque  l'empereur  est  vaincu  en  Russie  et  en  Allemagne,  les  roya- 
listes de  Bordeaux  reprennent  courage.  Louis  de  la  Hochejaquelein,  gendre 
de  Mn'o  de  Donnissan,  neveu  par  alliance  du  duc  de  Lorges,  se  cache  à 
Bordeaux  et  devient  le  centre  d'un  petit  comité    royaliste   dont   un    ancien 


80  CONCLUSION 

membre  de  Tlnstitut,  Taffard  de  Saint-Germain,  «  capitaine  »  en  1800  d'une 
compagnie  du  Médoc,  est  le  chef  reconnu  par  Louis  XVIIL 

Dans  ce  «  conseil  royal  »  de  Bordeaux,  dans  cet  «  état-major  *  »  de  l'orga- 
nisation nouvelle,  qui  continue  l'Institut  sans  lui  être  identique,  nous 
retrouvons  quelques  membres  de  cet  Institut,  restés  fidèles  à  la  cause 
monarchique  pendant  l'Empire  :  Taffard,  de  Lur-Saluces,  Queyriaux  aîné, 
Marmajour,  Estebenet,  le  médecin  Dupont,  parent  sans  doute  de  Dupont- 
Constant  ^. 

Ce  nouveau  «  conseil  royal  »  organise  une  petite  armée  de  défenseurs  du 
trône,  la  garde  royale,  dont  nous  ne  connaissons  d'ailleurs  que  deux  compa- 
gnies formées,  la  «  compagnie  d'infanterie  d'élite  »,  commandée  par  Badin,  et 
la  «  compagnie  de  cavalerie  des  clievau-légers  »,  commandée  par  Roger. 
Roger  qui,  dans  l'Institut,  avait  commandé  la  «  compagnie  des  guides  à 
cheval  )),  se  cachait  à  Bordeaux,  pour  échapper  à  la  surveillance  du  redou- 
table Joliclerc,  prévenu  de  son  départ  de  Bayonne. 

Lorsque  la  défaite  de  Napoléon,  après  les  premiers  succès  de  la  campagne 
de  1814,  parut  inévitable,  à  la  fin  de  février,  le  maire  de  Bordeaux,  Lynch, 
fut  mis  en  relations  avec  Taffard  et  son  conseil.  Un  envoyé  de  Bordeaux  alla 
trouver  Wellington  à  Saint-Sever  et  Wellington  confia  au  maréchal  Beresford 
la  mission  d'entrer  à  Bordeaux  et  d'y  faire  proclamer  les  Bourbons. 

Le  12  mars  1814,  le  maire  Lynch  ^,  les  adjoints,  les  membres  du  conseil 
de  la  garde  royale,  se  rendirent  au-devant  du  maréchal  sur  la  route  de  Tou- 
louse, et  l'accompagnèrent  à  l'hôtel  de  ville.  Deux  heures  après,  ils  allaient 
à  la  rencontre  du  duc  d'Angoulême,  qu'on  ramenait  en  triomphe  à  la  cathé- 
drale, où  l'archevêque  célébrait  le  2  e  Deiim. 

Bordeaux  est  donc  la  première  de  nos  grandes  villes  qui  ait  accueilli  les 
Bourbons.  Désormais,  les  coalisés  pouvaient  croire  que  la  vieille  famille  royale 
était  restée  populaire  en  France.  Le  12  mars  influa  donc  d'une  façon  certaine 
sur  les  décisions  du  tsar  Alexandre  et  des  alliés,  qui  n'auraient  peut-être 
pas  rétabli  les  Bourbons  sur  le  trône  s'ils  les  avaient  crus  impopulaires. 
Songeons  que  le  congrès  de  Châtillon  ne  se   sépare  que  le  19. 

Les  extraits  suivants  des  Etrennes  royales  de  1818  prouveront  que 
les  anciens  membres  de  l'Institut  de  1800  ont  joué  un  rôle  décisif  dans 
l'événement  du  12  mars.  —  Cf.  d'ailleurs  Rollac,  Exposé  fidèle,  p.  121  et 
suiv.,  et,  dans  cet  Exposé,  la  lettre  importante  de  Roger,  p.  173  et  suiv.  ; 
les  Mémoires  de  la  marquise  de   la  Rochejaquelein,  dernier  chapitre. 

1.  D'après  les  Etrennes  royales  de  1818,  cet  «  état-major  »  se  composait  du  che- 
valier Taffard  de  Saint-Germain,  «  commandant  en  chef  [de  la  garde  royale]  et 
président  du  conseil  »  ;  le  chevalier  de  Gombault,  membre  du  conseil  ;  le  baron  de 
Budos,  membre  du  conseil  ;  le  comte  Alex,  de  Lur-Saluces,  membre  du  conseil  ;  le 
baron  de  Pomiés,  membre  du  conseil  ;  J.-J.  Luetkens,  membre  du  conseil  ;  L.-Fr. 
Queyriaux  aîné,  capitaine  adjoint,  membre  du  conseil  ;  le  marquis  de  la  Rocheja- 
quelein, Fr.  Queyriaux  jeune,  G.  Bontemps-Dubarry,  le  chevalier  de  Clérans,  le 
vicomte  de  Pontac,  de  Grivel,  Arrouch,  Marmajour,  Estebenet,  Dupont,  etc. 

2.  Ce  fut  Rollac,  ancien  membre  de  l'Institut,  qui  servit  d'intermédiaire  à  Londres 
entre  le  Prétendant  et  les  royalistes  de  Bordeaux. 

3.  Lynch,  maire  de  Bordeaux  en  mars  1809,  successeur  de  Lafaurie-Monbadon. 
Cf.  O'Reilly,  Gradis  et  surtout  Jullian,  sur  la  journée  du  12  mars. 


CONCLUSION  81 

71.  —  Extrait  du  récit  de  la  journée  du  12  mars  181^. 

«  ...  Depuis  plus  de  dix  ans,  il  existait  dans  cette  ville  une  garde 
royale  à  pied  dont  la  fidélité  et  le  dévouement  ne  sauraient  être 
mieux  attestés  que  par  le  secret  gardé  sur  sa  formation.  M.  de  Taf- 
fard,  occupé,  depuis  plusieurs  mois,  à  utiliser  l'excellent  esprit 
dont  elle  était  animée,  donna,  la  veille  du  jour  mémorable,  des  ins- 
tructions aux  principaux  chefs...  » 

[Le  lendemain  Lynch  se  rend  au-devant  du  maréchal  Beresford.] 
«  La  troupe  fidèle,  sous  les  ordres  de  M.  Taffard  de  Saint-Germain, 
était  disséminée  le  long  de  la  route.  Les  membres  du  comité  royal, 
un  grand  nombre  de  roj^alistes,  la  plupart  à  cheval,  parmi  lesquels 
on  distinguait  MM.  d'Auch,  de  Pichon,  Roger,  de  Lautrec,  Duluc, 
deBouquies,  Darmailhacq,  de  Canolle,  Bontemps-Dubarry,  suivaient 
le  cortège  sans   affectation.  » 

{Etrennes  royales  de  1818,  p.  171.) 
Gf  Etrennes  de  1814. 

[Les  Etrennes  royales  de  1817  adressent  un  appel  aux  anciens  membres 
de  l'Institut,  lors  de  l'anniversaire  du  12  mars  :J 

«  Officiers  et  soldats  de  cette  légion  mystérieuse,  qui  avez  traversé 
les  tempêtes  révolutionnaires  sans  trahir  le  secret  de  votre  associa- 
tion, venez  célébrer  le' 12  mars...  » 

[Etrennes  royales  de  1817,  p.  128.) 

72.  —  Certificat  donné  à  M.  de  Boissac  par  le  maire  Lynch. 
[M.  de  Boissac  est  l'ancien  secrétaire -général  de  l'Institut  en  1800. 

«  Le  maire  de  la  ville  de  Bordeaux  certifie  que  M.  Gh.  Henri  Ma- 
thieu de  Boissac,  ancien  magistrat,  s'est  rapproché  de  lui,  à  l'époque 
du  12  mars  dernier,  pour  justifier  de  son  dévouement  à  la  famille  de 
nos  rois  et  des  principes  qu'il  n'a  jamais  cessé  de  professer. 
«  En  foi  de  quoi,  je  lui  ai  délivré  le  présent. 
«  A  Bordeaux,  le  15  novembre  1814 

«  Le  g.  de  Lynch.  » 
(Original  conservé  par  la  famille). 

73.  —  Pétitions  adressées  à  la  duchesse  dAngoulème,  en    1823, 
par  d'anciens  membres   de  Tlnstitul. 

(Extraits.) 

P.  Domcc.  —  «  Il  a  été  toujours  constant  à  ses  principes  ;  il  était 
un  des  membres  de  l'Institut  qui  a  coopéré  à  l'organisation  do  la 
garde  royale  de  Bordeaux.  Il  a  été  décoré  du  Brassard,  donné  à  ceux 
qui  ont  contribué  au  12  mars.  » 

Marc  Faure.  —  «  B.  Faurc,  son  père,  et  J.-P.  Faure,  son  frère, 

6 


82  CONCLUSION 

sont  des  premiers  qui  formèrent  la  compagnie  Badin,  au  12  mars 
1814.  C'est  à  eux  que  Mgr  le  duc  d'Angoulême,  dans  la  nuit  du  12  au 
13,  assis  à  sa  table,  demanda  s'il  pouvait  compter  sur  eux...  Ils 
eurent  le  brevet  du  Brassard.  Ils  étaient  de  l'Institut.  » 

Jarry.  —  «  Il  n'hésita  point,  ily  a  20  ans,  à  se  faire  inscrire  au  nom- 
bre de  ceux  qui  offraient  leurs  biens,  leurs  personnes  et  leur  vie  pour 
travailler  à  relever  un  trône  abattu.  Au  jour  glorieux  du  12  mars,  on 
le  vit  un  des  premiers  dans  les  rangs  de  la  garde  royale.  Il  y  obtint 
une  décoration  dont  cette  garde  fut  honorée.  » 

(Archives  départementales,  série  M,  pétitions  à  la  duchesse 
d'Angoulême,  1823.) 

74.  —  Les  décorés  du  Brassard. 

La  comparaison  de  deux  documents  essentiels,  la  liste  des  principaux 
membres  de  l'Institut  en  1800,  donnée  par  RoUac  en  appendice  de  son 
Exposé,  p.  209  etsuiv.,  et  la  liste  des  royalistes  décorés  du  Brassard  *  en 
1814,  liste  donnée  par  les  Etrennes  royales  de  1818,  p.  171  et  suiv.,  nous  per- 
met d'apprécier  le  rôle  joué  par  les  anciens  membres  de  l'Institut  lors  du 
12  mars. 

Nous  relevons,  parmi  les  treize  cents  noms  (environ)  des  décorés  du  Bras- 
sard, quatre-vingt-dix  des  chefs  civils  ou  militaires  de  l'Institut,  Certaine- 
ment, si  nous  possédions  la  liste  des  simples  membres  de  l'Institut,  nous 
pourrions  en  signaler  un  plus  grand  nombre. 


1814 

Décorés  da  Brassard. 

(D'après  lesEtrennes  royales  de  1818, 
p.  171  et  suiv.) 

Acquart(R.  Vreilhac). 


1800 

Membres  de  YInstiiut,  avec   leur 

grade  dans  l'Institut. 
(D'après  Rollac,  Exposé  fidèle,  p.  209 

et  suiv.^.) 
Acquart     [Mémoire   historique     de 
Dupont,  p.  17]. 


1.  Extrait  des  Etrennes  royales  de  1818,  p.  168  et  suiv.  :  d  Depuis  longtemps,  la 
province  de  Guienne  renfermait  un  très  grand  nombre  de  sujets  fidèles,  organisés 
secrètement  en  compagnies  royales  par  les  soins  d'un  chef  plein  d'activité  et  prêts  à  se 
montrer  au  premier  signal...  S.  A.  R.  Madame  la  duchesse  d'Angoulême  avait  dai- 
gné permettre  que  M.  le  comte  de  Blacas  leur  envoyât  en  son  nom  un  ruban  vert, 
comme  signe  de  ralliement  et  un  symbole  d'espérance...  S.  M.  Louis  XVIII  a  bien 
voulu,  après  le  12  mars,  donner  son  assentiment  à  l'institution  de  la  décoration  du 
Brassard,  en  faveur  de  tous  ceux  qui  se  sont  signalés  en  cette  occasioUf  soit  en  servant 
dans  les  compagnies  royales  organisées  par  M.  Taffard  de  Saint-Germain,  et  dans  les 
corps  de  volontaires  royaux  à  cheval,  soit  par  leurs  écrits  ou  leur  participation  aux 
mesures  qui  ont  assuré  le  triomphe  de  la  cause  royale...  Cette  décoration  a  con- 
sisté d'abord  en  un  brassard  blanc  attaché  au  bras  gauche  et  orné  d'un  écusson 
portant  ces  mots:  «Bordeaux,  12  mars  1814  »...  Toutefois  ce  brassard  ne  pouvant  être 
porté  qu'avec  le  costume  militaire,  S.  M.  a  daigné  autoriser  ceux  qui  auront  reçu  le 
brevet  à  le  remplacer  par  une  décoration  suspendue  à  la  boutonnière  par  un  ruban 
vert  liséré  de  blanc.  » 

2.  Je  complète  la  liste  de  Rollac  avec  quelques  noms  de  membres  de  l'Institut 
empruntés  à  diverses  sources  que  je  cite  entre  parenthèses. 


CONCLUSION 


83 


Andrieux  père  et  Andrieux  Jac- 
ques. 
Archbold(J.-B.). 

Aux  (Le  comte  d')  [V.  d'Auch 
dans  le  passage  cité  des  Etrennes 
de  1818]. 

Bacqué. 

Barbe  J. -Baptiste. 

Barbe-Labarthe. 
Barrère. 

Beguey  [3  cités:  Jean,  Jacques,  Ber- 
nard]. 
Blanc  (Noguès  de). 

Bordes  Marc. 
Boyé  Pierre. 
Brochon  Louis. 


Brussac  Pierre. 
Castaing-Promis . 
Chaliva  André. 
Clemenceau  H. 
Cosse. 

Cruchon. 
Decharmois. 

Decours  François. 
Delpech  [3  cités]. 

Deschamps-Martin. 
Deynaud  père  et  fils. 


Domcc  [2  cités]. 

Duboscq  aîné. 
Dumas  [2  cités]. 

Dupont  [médecin]. 


Andrieux,  capitaine. 

Archbold,  chef  d'arrondissement 

à  Bordeaux. 
Paris  d'Auch,  aide  de  camp. 


Bacqué,  adjudant. 

Barbe,  chef  d'arrondissement  à 
Bordeaux. 

Em.Labarthe,chefd'état-major(?) 

Barrière-Laberne,  adjoint  à  l'état- 
major  (?) 

Beguey  [commis  aux  octrois,  in- 
terrog.  de  Cosse]. 

Blanc-Noguez  \_Mémoire  historique, 
p.  23]. 

Borde  [interrog.  de  Cosse]. 

Boyer,  aumônier    de    l'Institut. 

Brochon  Louis,  fils  de  Brochon, 
membre  du  Conseil  de  l'Ins- 
titut, mort  en  1815. 

Brussac,  lieutenant. 

Castaing  [interrog  de  Dupont]. 

Chaliva,  capitaine. 

Clemenceau  [interrog.de  Cosse] . 

Cosse,  président  d'arrondisse- 
ment de  Bordeaux. 

Cruchon  [interrog   de  Cosse]. 

Descharmes ,  commandant  en 
Médoc  (?) 

Decours,  adjoint  à  Bordeaux. 

Delpech  [Mme  de  laRochejaquelein, 
p.  231]. 

Deschamps,  capitaine. 

Deynaud,  membre  du  conseil  in- 
time et  secret. 

Domec  [pétition  à  la  duchesse  d'Ân- 
gouléme]. 

Dubosc,  capitaine. 

Dumas,  adjoint  pour  les  opéra- 
tions de  la   comptabilité. 

Parent  sans  doute  de  Dupont  (dit 
Constant). 


84 


CONCLUSION 


Diipouy  Pierre  [2  cités]. 

Duprat  [4  cités]. 
Diipuch  J.-B. 
Durand  [2  cités]. 

Estebenet. 

Eyquem  Louis. 
Faget  [2  cités]. 

Faure  [4  cités  dont  B.  et  J.-B.J. 

Fieuzal  Jean. 
Fumel  Jacques. 
Gaudin  [2  cités]. 
Gautier  [2  cités]. 


Gérus  de  Laborie,  père  et  fils. 

Grillet. 

Hagry  Louis. 

Laborde  [3  cités]. 
Laclotte  J.-L. 

Laffite  André. 
Lamarche  Jean. 
Laporte  J.-B. 

Latour  Bernard. 

Lavidalie  Bernard. 
Laville  Guillaume. 
De  la  Ville  Miremont. 


Laurent  Léopold. 
Leclerc  aîné,  Martial. 


Dupouy,  chet  d'arrondissement 
à  Bordeaux. 

Duprat  [Essai,  p.  46]- 

Dupuch,  lieutenant. 

Durand  (de  Vcyrer)  [intcrrog.  de 
Cosse]. 

Estebenet,  chef  d'arrondissement 
à  Bordeaux. 

Eyquem,  capitaine. 

Faget  aîné,  capitaine,  et  Faget 
jeune,  lieutenant. 

Faure  B.  et  J.-B.  [pétition  à  la  du- 
chesse d'Angoulême] . 

Fieuzal,  lieutenant. 

Pons    Fumel    [interrog.  de  Cosse]. 

Gaudin,  lieutenant. 

Gauthier,  major  de  l'infanterie,  et 

Gaultier,  major  attaché  à  l'état- 
major. 

Gérus,  capitaine. 

Grignet  [Essai,  p.  46]  (?) 

Hagry  [M'^e  de  la  Rochejaquelein, 
p.  231,  260J. 

Laborde,  adjoint  à  Bordeaux. 

Pitar-Laclothe,  lieutenant  [Cf. 
Laclotte,  Essai,  p.  46,  134]. 

Lafitte,  lieutenant. 

Lamarque   [interrog.  de  Cosse]  ? 

Laporte  J.-B.  [pétition  à  la  du- 
chesse d'Angoulême] . 

Latour,  président  d'arrondisse- 
ment à  Bordeaux. 

Lavidalie,  lieutenant. 

Laville,  notaire,  membre  du  con- 
seil général  de  l'Institut  [d'a- 
près Rollac,  p.  210].  Delà  Ville, 
notaire,  sert  de  caution  à  Du- 
pont-Constant, en  messidor 
an  XIII  [lettre  de  Pierre  à  Fou- 
ché,  dans  F,  6256]. 

Laurent  (de  Saint-)  [interrog.   de 

Cosse]. 
Leclerc  [interrog.    de  Cosse]. 


CONCLUSION 


85 


Lestrade  [2  cités]. 


Lur-Saluces     (de),     Eugène     et 
Alexandre. 

Magnac. 

Maignol  de  Mataplan. 

Malescot  (de). 
Marmajour. 

Mercier  Etienne. 
Meslon  '^de)   [6  cités]. 

Moreau  [3  cités]. 

Papin,  le  général  et  son  fils. 


Pascal  [2  cités]. 
Périer  Jean 
Perrin  '  (le  chev.  de). 
Planet  André. 

Poujet  jeune    et  du  Pouget    de 
Belair. 


Poupart  J.-B. 
Prunier  (de)  Mathieu. 

Queyriauxaîné. 

Renard  Pierre. 
Rey  [4  cités]. 

Riffard  Jean. 
Roger  .I.-B.-A 


Lestrade  !dit  Kitton,  Mémoire  his- 
toriqucy  p.  23  ;  Essai,  p.  80  ;  Es- 
trade, lieutenant,  dans  Rollac, 
p.  213]. 

Lur-Saluces  (de)  [les  deux  cités  par 
Mme  de  la  Rochejaquelein,  p.  231 
et  233J. 

Magnan,  membre  du  conseil  in- 
time de  M"'^  de  Donnissan. 

Magnol,  chef  d'arrondissement 
en  Médoc  [appelé  Maignol  dans 
les  pièces  de  F7  6256  ou  Magnol] . 

Malescot  (de)  'interrog.  de  Cosse]. 

Marmajour,  chef  d'arrondisse- 
ment. 

Mercier  [interrog.  de  Cosse]. 

Meslon  (de),  colonel  du  régiment 
sédentaire. 

Moreau,  chef  d'arrondissement 
en  Médoc. 

Papin,  membre  du  conseil  intime 
de  la  marquise  de  Donnissan 
et  général  commandant  la  divi- 
sion de  la  Gironde. 

Pascal-Sabès,  major-général  (?) 

Perrier,  lieutenant. 

Perrin  [interrog.  de  Cosse]. 

Planet,  lieutenant. 

Pouget  [restaurateur,  interrog.  de 
Dupont]  et  du  Pouget  de  Be- 
lair [pétition  à  la  duchesse 
d'Angoulême] . 

Poupard,  capitaine. 

Prunier,  trésorier  et  payeur  de 
l'Institut. 

Queyriaux,  membre  du  conseil 
intime  de  M'"*^  de  Donnissan. 

Renard,  capitaine. 

Rey,  armurier  [interrog.  de  Du- 
pont]. 

Richard  J.  [interrog.  de  Cosse]  (?) 

Roger  (.I.-B.-A.),  capitaine  de 
la  compagnie  des  guides  à 
cheval. 

6* 


86 


CONCLUSION 


Rollac  père 


Roquet  père  et  fils. 


Seguin  [2  cités]. 
Seignouret  Pierre. 

Taffard  de  Saint-Germain, 


Véran  [3  cités]. 


Rollac,  capitaine  de  rétat-major 
de  l'Institut,  auteur  de  VEx- 
posé  fidèle. 

Roquet  père,  lieutenant. 

Roquet  [armurier,  interrog,  de 
Cosse] . 

Seguin  [interrog.  de  Cosse]. 

Seignouret,  major  du  régiment 
sédentaire. 

Taffard  de  Saint-Germain,  capi- 
taine de  rinstitut  dans  le  Mé- 
doc. 

Veran,  lieutenant. 


Le  duc  d'Angoulême  resta  à  Bordeaux  jusqu'au  23  mai  1814.  Les  Anglais, 
commandés  par  lord  Dalhousie,  n'en  repartirent  que  le  23  juillet. 

L'Angleterre,  nous  l'avons  prouvé,  avait  contribué  à  la  fondation 
de  l'Institut.  Elle  avait  essayé  de  tirer  parti  de  cette  organisation,  en 
l'an  V,  contre  le  Directoire,  en  l'an  VIII,  dans  le  Midi,  en  l'an  XII, 
au  moins  à  Bordeaux,  contre  Bonaparte.  Elle  avait  dépensé  des 
sommes  considérables,  pour  l'étendre  à  toute  la  France  ou  pour  la 
fortifier  dans  le  Midi.  Elle  retirait,  en  mars  1814,  le  bénéfice  de  ses 
intrigues  :  l'entrée  du  maréchal  Beresford  à  Bordeaux  était  pour 
elle  et  pour  la  monarchie  légitime,  qu'elle  protégeait  ouvertement, 
une  grande  victoire  politique. 


vu  : 
Le  18  janvier  1908. 
Le  Doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  l  Université  de  Paris, 
A.  Croiset. 


vu  ET  PERMIS  D  IMPRIMER  : 

Le  Vice-Recteur  de  l  Académie  de  Paris, 

L.   LiARD. 


INDEX 

DES  NOMS  DE  PERSONNES  ' 

[Ajouter  les  noms  des  royalistes  décorés  du  Brassard,  p.  82]. 


Acquart-Vreilhac,  36  n.,  70,  71,  72,  79. 

Andréossj^  34. 

Angouléme    (duc    d'),    viii,    x,    xxi    n., 

XXIII  n.,  63,  70,82. 
Angouléme  (duchesse  d'),  xviii  n. 
Arnozan,  xxiv. 
Artois  (comte  d'),  vu,  ix,  xii,  xvii,  xviii, 

3,  9,  11,  14,  17,  18,  19,  23,  25,  29,  30, 

31,  32,   33,  34,   35,  36,  37,  38,  39,  40, 

41,63,77,78,79. 
Arvor  (iW^e  d'),  ix  n. 
Augereau  (général),  xxii  n.,  70,  73. 
Aulard,  viii,  xi  n.,  xxvi  n. 
Avaray  (d),  7,  8. 
Aymé  (J.-J.),  xix  n.,  xx  n. 

Baboin.  5,  26. 

Babut,57,  59. 

Badin,  80,  82. 

Ballot,  5,  7. 

Baquenier-Desormaux,  ix  n. 

Bâtante  (de),  ix  n. 

Barras,  xviii  n.,  2  n.,  12  n.,  44. 

Barsac,  xv. 

Barthélémy,  16. 

Batbédat,  71. 

Bayard,  4,  44.  57. 

Beauchamps  ^de),  xiv. 

Becquey,  7  n. 

Beresford  (maréchal  de),  viii,  xxi  n  ,  80. 

Berger,  42. 

Hernadauy  x,  xv  n.,  xxiv,  xxv  n.,  xxvii, 

43,  66. 
Bernier  (abbé),  xvii  n.  ' 

Berry  (duc  de),  26  n.,  36  n.,63,  71  n. 
Herthier,  34. 
Bethman,  71. 

Bertrand  Saint-Hubert,  70. 
Beurnonvillc,  34,  43. 
Boessiùre  (de  la),  33. 


Boissac  (Mathieu  de),     Tristan,    xix  n., 

xxvii,  xxviii,  54,  57,  81. 
Boissac  (de),  x  n.,  22  n, 
Bonaparte    (Napoléon),    vu,    8,    12    n., 

16  n.,  31,  35. 
Bonaparte  (Lucien),  65. 
Bonnaffé,  xiv. 
Boulay  de  la  Meurthe,  viii,  xii  n.,  xiii  n  , 

xvi  n.,  25  n. 
Bourbon  (duc  de).  40  n. 
Bourmont,  31  n.,  33,  39  n.,  44. 
Bourrât,  38  n. 
Brochon  père  (avocat),  xvii,  xix,  45.  48, 

50,  56,  59,  60. 
Brochon  fils,  xv. 
Brottier  (abbé),  xi,  2  n.,  3. 
Brizard  (Marie),  70  n. 
Brûlé,  46,  57. 
Brune  (général),  33  n. 
Brunet,  29. 

Brunswick  ^duc  de),  2  n. 
Buckingham  (duc  de),  19. 
Burkel,  30. 

Cadoudal,  vu,  ix,  29,  30,  31,  32,  36  n., 

38,  39,  40. 
Caire  {Jardin),   xiii   n.,  xvi,    xvii,    3.  4, 

5  n.,  6,  7. 
Canning,  8,  12  n. 
Carency  (prince  de),  44. 
Carnot,  6  n.,  51. 
Gassol  cadet,  52,  53. 
Castelbert.  xxiv. 
Castelnau  (de),  17  n. 
Caudevnl,  52,  53,  64,  57. 
Caudrillier,  xii  n.,  2  n;,  7  n. 
Cazalet,  36  n,  71  n. 
(déleste,  X  n. 

Céris,  XVII.  36  n,  70,  71,  72,  78,79. 
Chaigncau,  50. 


1 .  LcH  num>  d'auteuri  en  italique. 


INDEX 


Ghampagny,  33  n. 

Chaptal,  33  n. 

Charles  (archiduc),  9,  Un.,  18,  24. 

Charette,  1,  45. 

Chassagne  (de  la),  63. 

Chassin,  vin,  xi  n.,  xvii  n.,  xxiii  n. 

Chauvot,  XVII  n. 

Civrac  (duc  de),  xvii. 

Clauzel,  XVIII, 

Clemenceau,  53,  57. 

Clermont-Gallerande,  7  n. 

Coigny  (chev.  de),  vu. 

Condé  (prince  de),  xii,  1,  20,  26,  32  n., 

40n.,63. 
Cornu,  XV. 
Cosse,  XX,  XXV,  43,  44,  45,  52,  53,  54,  56, 

57,58,  59,61,  65,  66,  72. 
Craufurd  fcolonel),  9,  10,  11,  14. 
Crénolles  (de),  vu,  33,  34. 

Dagobert,  73,  76. 

Dandré,  x,  xii,  xiii,  xvi,  1,  3,  4,  5,  6,  7, 

8,  9,  15   20,  22  n.,  23,   24,  26  n.,  27, 

28  n.,  32,  37,  38,  41,  42,  43,  44,  79. 
Daniaud-Duperrat,  70. 
Danican  (général),  28  n. 
Daudet  (E.),  viii,  xvii,  7  n.,  12  n.,  22  n., 

24  n.,  28  n.,  36  n.,  70. 
David-Monnier,  12  n. 
Delacroix,  66  n. 
Delamarre,  4,  38  n. 
De  La  Ville,  66. 
Delerse,  xvii. 
Delormel,  xv. 

Desmarets,  6  n.,  43,  44,  49,  50,  51,  64. 
Despomelles,  xi,  xii,   2  n.,  3,  4,  5,  6,  7. 
Destang,  xv,  xxiii. 
Destravaux,  xxvi,  29,  38  n.,  44. 
Devos,  52. 
Deynaud,  xviii,  xxii. 
Diego  Carrera  (banquier),  71. 
Donnissan  (marquis  de),  xvii  n. 
'Donnissan    (marquise   de),    xvii,    xviii, 

XIX,  xxi,  xxn,  49,  57,  71,  78,  79. 
Donnissan-Lescure  (V.   M^^    de  la  Ro- 

chejaquelein). 
Doppet  (général),  xxii,  78. 
Dubois  (Voir  Léon). 
Dubois,  préfet,  66  n. 
Du  Bouchage,  31. 
Dubourg  de  Pourquerie,  xvi. 
Duchesne  de  Beaumanoir,  xvi,  xix,  xxi  n. 
Duclos,  78,79. 
Dudon  père,  xviii,  xxi,  78. 
Dudon  de   Lestrade,   xviii,    xix  n.,  xxi, 

XXV  n. 
Dufour  (général),  46,  52. 
Dugommier,  76. 
Dumas,  45,  56,  65,  72. 
Dundas,  31. 


Dupérou,  10,  13,  20,  35. 
Dupont  (Pierre),  22,  57. 
Dupont-Constant,    viii,  xiii   n.,  xiv,  xvi, 
XIX,  XX   n.,  xxi-xxv,  xxvii,  xxviii,  4,  7, 

9,  19,  21,  22,  28  n..  29,  30,  31,  36  n., 
42,  43,45,49,  52,  53,54,  56,  57,  58,59, 
62,  65,  66,  72,  74,  79. 

Duport,  62,  64. 

Dupré  de  Saint-Maur,  xvii  n. 

Dupouy,  48,  49,  65. 

Dupuy,  XXIV. 

Durand,  52,  53,  57. 

Durfort  (de),  45,  57. 

Dutheil,  IX,  3,  12,  13, 16, 17,  31,  33,  34, 

35,  38. 
Duval  (M-ne),  45,  56,  65. 
Duverne  de  Presle,  xi,  xviii,  2  n.,  3. 

Edouard  (V.  La  Morlière). 
Elissagaray,  xxvii,  9. 
Emerigon,  44  n. 
Emmery,  vn,  33  n. 
Escars  (comte  d'),  37. 
Estebenet,  xx,  xxi  n.,  79. 

Fauche-Borel,    xiv,  10,    12  n.,    28   n., 

36  n.,  39,  41. 
Feret,  xvii  n.,  xix  n. 
Ferrand,  20. 
Ferrère,  50  n. 
FKnt,  16,  17,  35. 
Floirac  (comte de),  xiii,  21,  22  n.,  45,56, 

59,  63. 
Fonbeton  (Boniface  de),  22  n. 
Forestier,  xvii,  xviii,  36  n,  70, 71, 72,78,79. 
Forneron,  vin  n.,  7  n. 
Fouché,  IX,  XIV,  XXVI,  43,  48,  65,  70. 
Francoul,  63. 

Frère,  12,  32,  33,  34,  35,  38,  39,  40. 
Frotté  (de),  33. 

Gassiot,  XVII.  XIX. 

Gibert  de  Moras,  xiii. 

Gibert-Desmolières,  xix  n.,  xx  n. 

Gogué,  70,  71. 

Goursac,  xv. 

Gradis,  80. 

Grenville  (lord),  ix,  x,  2,  3,  4,  5,  7,  8,  9, 

10,  12,  14, 15, 17,  18,  19,  23,  24,  25  n., 
26,  27,  31,  32,  33,  34,  35,  37,  39  n., 
40,  41. 

Grenville  (Thomas),  18. 
Guichard  (Hilaire),  56. 

Hagry,  xxi  n.,  xxiv,  xxv,  9,  48. 
Harcourt  (duc  d),  xi  n.,  2,  3,  19. 
Harlé,  x  n.,  70. 
Hauterive  (d'),  xin  n.,  25  n.,  28  n.,  63  n., 

64  n.,  70  n. 
Havre  (duc  d'),  xviii,  57. 
Hoche  (Général),  1,  16. 


INDEX 


89 


Hotze,  18. 

Hyde  de  Neuville,  vïi,  ix,  31,  32,  33,  34, 
35,  39. 

Imbert-Colomès,  7,  20,  21  n.,  79. 

Jackson,  27,  28  n. 
Jacqueneau,  70. 
Jagault  (abbé),  xviir. 
Jardin  (V.  Caire),  xiii  n.,  xvi. 
Joliclerc,  44  n.,  80. 
Jullian,  IX,  80. 

Keith  (lord^,  27. 

King  (John),  16. 

Kirwan,  57. 

Korsakoff  (Général),  9,  14  n.,  18  n. 

La  Barberie,  xii,  4,  7. 

Labarthe  (Blondel),  xx  n.,  xxii,  xxiii,76. 

LaboubéCy  xvii  n. 

Lacombe  (abbé  Fenis  de),  xiir,    xix,  xx, 

5,  7,  45,  56,  59,  79 
Lamarque,  58. 
La   Morlière  (Duclos    de),  dit  Edouard) 

XIII  n.,  59,  62. 
Langlois,  xix  n.,  xx  n. 
Lannes,  xv,  xxii  n.,  70  n. 
Lanzac  (marquis  de),  51,  57. 
Larivière,  57. 
La    Rochejaquelein    (marquise    de),     ix, 

XVII,  xviii,  xxii  n.,  XXIV  n.,  70  n.,  71,  80. 
La    Rochejaquelein  (Henri  de),    xvii  n., 

XVIII 

La     Rochejaquelein    (Louis    de),    xviii, 

XXI  n.,  70,  71,  74,  79. 
Larue,  xxi  n.,  12,  16,31. 
Latapy,  48,  59. 
Latour,  xx,  xxi  n.,  58. 
Latour-Olanier,  xx,  xxi  n.,  xxiii  n. 
La  Tour  (Péfau  de),  xxi  n. 
La  Trémoille  (prince  de),  xii,  7. 
Lavalelte,  45,  56,  65,  66,  72. 
Lavignc,  xxvi  n.,  9 
Lebon,  viii   n.,  ix,  7,  8,  11,  14  n.,  22  n., 

24  n.,  28  n.,  36  n. 
Lebrun.  41,  50. 
Leclerc,  4,  5. 
Lefèvre,  34. 
Lemaîtrc,  2  n.,  17  n. 
Léon,  6,  45. 

Lcstrade,  xix  n.,  xx,  xxiii  n.,   xxvi,  9. 
Lctcllier,  xx,    xxi  n.,  58. 
Lorgcs  (duc    de),  xvin,  xix,   30,  35,  48, 

71,  74,  76,  79. 
Louis  XVL  XVIII. 
Louis  XVIIL  VIII  n.,  xii,  xvi,  xxvi,  7,  17, 

20,  25,  26,  28,  30.  32,  38  n.,  41,  45,  72. 
Lucccmond  (de),  57. 
Lullin,  18  n. 


Lur-Saluces  (de),  xxv,  80. 
Lynch  (comte  de),  80,  81. 

Madelin,  xrv. 

Magnol,  46,  48,  50,  53,  59,  65. 

Maillan  (de),  xxii,  xxiv. 

Maitland,  51  n. 

Malescot  (de),  53,  57. 

Malinot,  53. 

Mallet(de),  33. 

Malot,  51. 

Malouet,  12  n. 

Manem,  63. 

Marcarteau,  58. 

Marmajour,  80. 

Martel  {comte de),  ix,  7,   31  n.,  33  n.,38, 

39,  51  n. 
Martin  (Jacques),  5. 
Marut,  21  n.,  22  n.,  27  n. 
Masséna,  9,  18  n.,  19,  27  n.,  55. 
Mayeras,  51. 
Mazel,  25  n. 

Mêlas  (baron  de),  27,  28  n. 
Meller,  xix  n. 
Mercier  (de),  33. 
Mercier  (V^^),  43. 
Mésière  (de),  Wells,  xii  n. 
Meyer,  44. 
Michaud,  xvii  n. 
Minto  (lord),  22,  24. 
Mirabeau,  xii. 
Moira  (lord),  xviii. 
Moncey  (général),  xxu  n.,  70  n.,  77. 
Montchenu  (de),  39. 
Montesquiou,  7  n. 
Montferrat,   39. 
Moreau,  68,  74. 
Morille,  xxvii,  9. 
Mulgrave  (lord),  14. 
Muller,  73,  76. 

Nettement,  ix  n. 

Noyant  (comte  de),  25  n.,  62  n. 

Olivier,  50. 

Orange  (prince  d'),  12  n. 

O'Reilly,  ix,  xv  n.,  xxvi  n.,  80. 

Paget,  27. 

Papin  (Servant),  xix,  xxii,  xxvii,   30,  31, 

35  n.,  36,  43.  45,  46,  48,  50,  53,56,  57. 

58,  59,  60,  70  à  79. 
Partarricu,  xxiv,  47. 
Pau  (de),  51. 

Pclet  de  la  Lozère,  xiii.  25  n. 
Pcnicnud,  57. 
Perceval  {de),  44  n. 
Pcrignon,  76. 
Périgord  aine,  52,  53.  57. 
Peyronnet  (de),  xv  n. 


90 


INDEX 


Pichegru,  vn,  xiii  n.,  1,  9,  10,  12,  13, 
14  n.,  15.  16,  18,  20,  21,  22,  23.  24, 
25,28,  29,  31,  32,  33  n.,  36,  37,  39, 
40,  41,  62,  63,  64.  65,  68,  74. 

Pierre  (Pierre),  ix,  43,48,  50,  51,  52,  56, 
59.60  64,  65. 

Pierron,  51. 

Pitt,  17,  19,  31,  34.  40. 

Planette  (Planet),  58. 

Plunkett,  18 

Portland  (duc  de),  12  n.,  17,  34. 

Pouget,  58.  61. 

Power,  26,  27. 

Précy  (de),  5,  7,  11,  15,  22,  23,  24,  25, 
27,  63,  79. 

Prévalaye  (de  la),  33. 

Puivert  (marquis  de),  xiii  n.,  25  n., 
27  n.,  28  n.,  62,  63. 

Puvert  (Vassal  de),  64. 

Que3a*iaux  (aîné),  56,  79,  80 

Ramsay,  11  n.,  18  n. 

Ratel,  35. 

Ravez,  xv. 

Revel  (chevalier  de),  64. 

Richer  Serizy,  xix  n.,  xx  n. 

Rivière  (marquis  de),  38  n. 

Roger,  x  n.,  xxrii,  70,  71,  72  n..  79,  80, 

81. 
Roll  (baron  de),  11,  17,  32  n.,  36,  38  n., 

40. 
Rollac,  viii  n.,  ix,  xv  n.,  xvii  n.,  xviii  n., 

XIX  n.,  xxin.jxxii  n.,  xxiii  n.,36,  70  n., 

79,  80.  82. 
Rougé  (baron  de),  xxvi  n.,  9. 
Rougier  (abbé),  xin  n.,  28  n.,  62  n.,  63. 
Rousseîin  de  Saint- Albin,  29  n. 
Royer-Collard,  7. 

Sabès,  xxn,  58. 
Saint- André,  64. 
Saint-Laurent,  57. 
Saint-Prix,  57. 
Salis  (baron  de),  32  n, 
Seguin, 58. 


Servan,60  n.,  76. 

Servant  (v.  Papin). 

Soubardière  52,  53, 54. 

Souvarof  (général),  14  n. 

Speau,  58. 

Stamfort,  12  n.,  14. 

Stofflet,  1. 

Stuart,  26. 

Taffar  de  Saint-Germain,   xxi  n.,    xxin, 

80. 
Talbot,  7,  8,  11,  15,34. 
TallejTand,  17  n,,  41. 
Talmont  (prince  de),  xvii  n. 
Tascher  de  la  Pagerie,  54,  57. 
Tavernier,  58. 
Thibaudeau,  ix,  43,  44,    45,    46,  49,  65, 

66  n. 
Thornton,  26,  27. 
Thugut  (baron  de),  22,  23,  24,    25    n., 

28  n.,  41. 
Tinseau  d'Amondans,  36. 
Tristan  (V.  M.  de  Roissac). 
Tronchon,  63. 

Valdené,  4. 

Vandal,  viii,  22  n.,  31  n. 
Vezet  (de),  17,  22  n. 
Victoire  {M'^^),  xvii. 
Viotte,  78. 

Wellington,  80. 

Wells  (V.  de  Mésières  ,  xii  n. 

Wickham,  ix,  x,xii,  xiii,  xvi     n.,   xxvii, 

1-7,  9,  11-15,  17-26,  28  n.,  29,  31,  32, 

37,  38,  41,  44. 
Willems,  63. 
Willot   (général),    vu,    xm  n.,  xxii    n., 

xxvii,  16,  17.  20-30,  31,  32  n.,  36    n., 

41,  62.  63,  64,  74,  75,  76. 
Windham,  17  n. 

York  (duc  d'),  14  n. 

Zag,  27. 


TABLE   DES   MATIERES 


Préface.  —  Objet  de  cette  publication  ;  documents  ;  plan vu 

Introduction.  —  l"  L'Institut  philanthropique  de  Bordeaux  avant  Fructidor.  xi 
2o  Les    Instituts  du    Midi   et  Tlnstitut  philanthropique  de 

Bordeaux  après  Fructidor xix 

l'-e    PARTIE 

LA  CONSPraATlON  ANGLAISE     ET   LES   INSTITUTS    PHILANTHROPIQUES    DU  MIDI,      CELUI 

DE   BORDEAUX    EN  PARTICULIER 1 

A.  —  L'Angleterre  et  la  fondation  des  Instituts  (1796-98) 1 

B.  —  La  conspiration  anglaise  dans  l'Est  et  le  Midi  de  la  France  au  début  de 

la  2'  coalition,  avant    Zurich  (1799).  Rôle  attribué   aux    Instituts  du 
Midi 9 

C.  —  La  conspiration  anglaise  dans  l'Est  et  le  Midi  de  la  France  après  Zurich, 

avant  Marengo  (1799-1800).  Mission  de  Dupont-Constant  à  Augsbourg.         19 

D.  —  La    conspiration     anglaise   à    Paris    et    dans     l'Ouest     en     1799-1800. 

Relations  de  l'Institut  bordelais  avec  la  Vendée  et  Londres.       ...         29 

Ile    PARTIE 

LA  DÉCOUVERTE  DU  COMPLOT  BORDELAIS  EN  l'aN  VIU.    . 43 

A.  —  L'arrestation  de  Dupont  et  de  Cosse.  Correspondance  de  Desmarets  avec 

le  commissaire  de  police  Pierre  et  le  préfet  Thibaudeau 43 

B.  —  Pièces  saisies  chez  Cosse  et  les  interrogatoires 52 

C. —  /îap/)or/s  de  Pierre  et  déclaration  d'Edouard 59 

D   —  Elargissement  des  prévenus;,  optimisme  officiel 65 

CONCLUSION 

l'institut  après  le  complot   DE    1800  jusqu'à    l'entrée  DES   ANGLAIS 
ET  DU   DUC    d'aNGOULKME   A   BORDEAUX  (12   MARS   1814). 

A.  —  L'Institut    et   le  complot  de   180U 70 

B.  —  L'Institutet  Ventrée  des  Anglais  et  des  Bourbons  à  Bordeaux  {12  marslSi^t).         79 

INOEX   des   NOMS   DE    PERSONNES 87 


PMUn.  -  lociété  mnaiu  d'lrnprimeri«  it  di  llbrtirts. 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


DC      Caudrillier,  Gustaf 

186        L'Association  royaliste  de 

•5      l'Institut  philanthropique  à 
G38      Bordeaux  et  la  conspiration 
anglaise  en  France